Ralentissement économique mondial, guerres des devises et commerciales, mesures erronées de la Fed… voici comment tirer parti de cette confusion.
Lorsque le même analyste offre les mêmes prévisions pendant une décennie, voire plus, sans aucune donnée ou actualisation, ce n’est plus qu’un avis éculé. Par ailleurs, cela détruit la crédibilité du prévisionniste et n’offre aucun intérêt pour les investisseurs.
On PEUT rater une prévision, du moment que l’on indique des facteurs de causalité spécifiques, cohérents avec l’hypothèse de départ, et que l’on propose une version actualisée. Mais on NE PEUT PAS devenir un « disque rayé ».
Par exemple, j’ai constamment prédit que l’or atteindrait un cours de 10 000 $ l’once dans un avenir proche. Toutefois, j’ai toujours expliqué que cela pourrait prendre quelques années.
J’ai également expliqué d’autres scénarios, tels qu’une société sans cash utilisant des registres distribués et les droits de tirage spéciaux (DTS) sans recourir à l’or. Le cours de l’or en dollar pourrait également être réprimé indéfiniment via le contrôle et les mesures confiscatoires de l’Etat.
D’un autre côté, la valeur de l’or pourrait atteindre 30 000 $ l’once – par exemple – selon certains scénarios hyperinflationnistes provoqués par une crise. La multiplication par 23 du cours de l’or – ce qui le ferait passer de 1 300 $ l’once à 30 000 $ – équivaut, en pourcentage, à la hausse de 35 $ à 800 $ l’once enregistrée entre 1971 et 1980. C’est quelque chose qui s’est déjà produit.
Ces autres scénarios expliquent pourquoi j’ai recommandé d’allouer à l’or un compartiment de 10%, et non une part bien plus élevée. Si une hausse extrême du cours se produit, alors cette allocation de 10% préservera votre argent. Si une chute extrême se produit, alors cette allocation de 10% n’altèrera pas trop votre capital.
Enfin, il convient de définir un contexte et d’utiliser une chronologie appropriée. Trop d’analystes affirment travailler sur de très longs historiques des cours. Lorsque vous leur demandez sur quelle durée, ils répondent 10 ou 20 ans, par rapport aux horizons à deux ou cinq ans sur lesquels travaillent beaucoup d’analystes.
Et pourquoi pas 1 500 ans ? L’empire romain occidental s’est effondré il y a environ 1 500 ans. La civilisation de l’Age de bronze s’est effondrée en 1 177 av. J.-C., soit environ 1 500 ans avant la chute de Rome.
Les chercheurs ne sont pas sûrs qu’il y ait eu un effondrement de civilisation encore plus précoce, en 2 800 av. J.-C., soit environ 1 500 ans avant l’effondrement de l’Age de bronze, mais c’est fort possible.
Si ce rythme de 1 500 ans persiste, alors un effondrement de civilisation majeur pourrait se produire à tout instant. Je ne prédis pas que cela va arriver. Je soulève simplement la question de la chronologie.
Quant au contexte, les analystes contemporains évoquent avec angoisse « la fin de la mondialisation » et « la montée du nationalisme » comme s’il s’agissait de nouvelles tendances. Or le monde a vécu de nombreuses périodes de mondialisation.
L’ère de la mondialisation actuelle a débuté en 1989 et s’est achevée en 2016, avec la montée de leaders nationalistes tels que Trump, Kurz, Bolsonaro, Weidel, Grillo et beaucoup d’autres. Ce parcours, qui s’est déroulé sur 27 ans, n’est pas si différent des 43 ans de mondialisation (de 1870 à 1914) qui se sont achevés avec la Première guerre mondiale.
En fait, l’Age de bronze tardif fut une période d’extrême mondialisation. En 1982, une épave datant de l’Age de bronze a été découverte près d’Uluburun, en Turquie. Sa cargaison renfermait du verre de cobalt bleu d’Egypte, de l’ivoire d’Afrique, de l’ambre de la région de la mer baltique, de l’or du Soudan, des épées cananéennes, ainsi que beaucoup d’autres choses provenant de régions aussi éloignées les unes des autres que la Sardaigne et la Mésopotamie, la Baltique et l’Afrique. Les objets récupérés dans l’épave sont le microcosme d’un système commercial très mondialisé.
D’autres périodes de mondialisation sont apparues au XVIème siècle, sous l’empereur Charles Quint, puis au XIXème siècle, avec l’empire britannique. Ces systèmes mondialisés se sont respectivement effondrés après la guerre de Trente Ans et la Première guerre mondiale. Aucun système n’est éternel et, à cet égard, il n’y a pas lieu de penser que notre monde serait différent.
Les méthodes que nous utilisons – notamment les sciences dures (théorie de la complexité, inférence bayésienne, et psychologie comportementale) et l’histoire – sont très différentes des modèles erronés et des courtes séries temporelles utilisés par les banques centrales et à Wall Street.
Notre méthodologie améliorée nous permet d’avoir confiance en nos prévisions, mais cette confiance s’accompagne d’une forte dose d’humilité. La première chose qu’apprend un analyste prédictif, lorsqu’il utilise la théorie de la complexité, c’est que le timing des évènements est extrêmement difficile à estimer, même s’il est possible de mieux appréhender l’ampleur et l’orientation d’un évènement avant qu’il ne se produise.
Que nous révèlent nos modèles et méthodes, aujourd’hui, concernant les perspectives de l’économie et des marchés au cours de l’année à venir ?
La réponse à cette question exige un passage en revue de nombreux marchés et économies souveraines. Si les prévisions relatives à la Chine, aux Etats-Unis et à l’Europe varient sur de nombreux points, elles ont une chose en commun : l’interconnexion.
Un ralentissement en Chine, dû à un excès de dettes et aux guerres commerciales, pourrait diminuer les exportations de l’Europe. Ensuite, la diminution des exportations européennes pourrait ralentir les achats de matières premières – et d’autres intrants – effectués par l’Europe puis provoquer une baisse de l’euro. Une baisse de l’euro pourrait se traduire par une hausse du dollar, ce qui provoquerait une désinflation aux Etats-Unis. Cette désinflation pourrait augmenter la valeur du fardeau de la dette américaine si la croissance est inférieure à l’augmentation du déficit.
Le monde est fortement connecté. Ce qui se passe en Chine ne se cantonne pas à la Chine.
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