La Chronique Agora

La démocratie et la liberté, deux choses différentes

En se nourrissant de la jalousie et de la cupidité d’une partie du corps électoral, les régimes démocratiques érodent les fondements moraux de la société.

Dans notre monde moderne, la plupart des Etats sont des démocraties ou, du moins, se définissent eux-mêmes comme « démocratiques ». L’adoption de la démocratie est saluée comme l’une des plus grandes réussites de l’humanité. Un jour, l’humanité est enfin parvenue à se libérer des chaînes de la monarchie et, depuis, elle n’est jamais revenue en arrière. De nos jours, l’ensemble des citoyens des pays démocratiques sont supposés être libres et à l’abri du despotisme.

Cependant, cette belle histoire qu’on nous raconte est loin d’être la vérité.

Les systèmes démocratiques existent depuis longtemps. La Grèce antique, et plus particulièrement Athènes, vient immédiatement à l’esprit comme l’exemple le plus emblématique de la démocratie dans l’Antiquité. Bien que les démocraties modernes diffèrent considérablement de celle d’Athènes, elles restent néanmoins vulnérables aux mêmes écueils qui touchent l’ensemble des formes de démocratie.

La démocratie piétine la liberté d’association. Ses partisans soutiennent souvent qu’en démocratie, chacun a le droit de vote, ce qui équivaudrait à une représentation équitable et juste. Cependant, cela revient à lier, contre leur gré, l’ensemble des citoyens au contrat social, puisqu’ils sont contraints de se plier aux résultats des élections, même s’ils n’ont pas consenti au gouvernement en place.

Accorder le droit de vote à tous les citoyens ne légitime pas pour autant le fait de les forcer à respecter les règles imposées par l’Etat. Cela n’a pas empêché les Etats démocratiques de tenter de donner l’illusion du consentement du peuple au contrat social, en prétendant que la simple possession du droit de vote suffit à signifier implicitement ce consentement.

Si quatre cambrioleurs s’introduisent dans une habitation et décident par un vote de transférer la propriété de cette maison à leur profit, le résultat du vote pourrait difficilement être qualifié de « légitime ». Les démocraties ne sont pas infaillibles et ne peuvent justifier la moralité de leurs décisions uniquement sur la base de la volonté de la majorité.

De plus, les Etats démocratiques ont tendance à recourir à la redistribution des richesses lorsque cela devient populaire politiquement. Cette tendance peut se manifester de plusieurs manières. Souvent, le processus démocratique est utilisé par les partis politiques pour justifier l’expropriation des biens des plus fortunés et des créateurs de richesses, au profit des citoyens les plus susceptibles de voter pour eux. Mais chaque citoyen court le risque d’en devenir la victime s’il se retrouve du mauvais côté des décisions politiques. Cela explique la politisation extrême de nos vies : se contenter d’être une personne paisible et restant à l’écart des querelles ne suffit plus.

Une idée reçue qu’on entend fréquemment est que les systèmes démocratiques représentent la liberté, car ils permettent d’abolir la hiérarchie rigide entre rois et sujets que l’on trouvait dans une monarchie. Autrefois, les monarques conservaient le pouvoir à vie, et tous les autres citoyens restaient à jamais leurs sujets. Une distinction claire existait alors entre ceux qui gouvernent et ceux qui obéissent.

Les partisans de la démocratie affirment souvent que tous les citoyens, en raison de leur capacité à participer au vote, sont d’une certaine manière des gouvernants. Dans cette logique, les Etats démocratiques ne violent en rien les droits individuels, car tous les citoyens sont supposés faire partie de l’Etat.

Ainsi, la spoliation par l’Etat des richesses appartenant à un citoyen serait en fait consentie, puisque ce citoyen est lui-même membre du régime démocratique. Cependant, cet argument est fallacieux, car les droits des citoyens existent indépendamment de l’Etat. Ces droits, appelés droits naturels, ne peuvent donc pas être accordés par l’Etat, il ne peut que les piétiner. L’existence d’un processus électoral n’innocente en rien les Etats démocratiques de leur culpabilité morale.

Il est clair que la démocratie est encline à la tyrannie. Cela ne se produit pas seulement lorsque la démocratie est « mal appliquée », mais dans presque tous les cas, étant donné que les régimes démocratiques finissent toujours par se décomposer en factions en concurrences les unes avec les autres pour servir leurs propres intérêts.

Malgré ces défauts, la démocratie est toujours présentée comme le système politique caractéristique des pays « libres ». La raison de cette perception favorable dans l’opinion publique réside dans le fait que la démocratie s’intègre bien au dogme progressiste de l’égalité et de l’inclusivité. Puisque tous les votes sont égaux, on suppose qu’une société harmonieuse et inclusive devrait émerger du processus démocratique, semblable à une nation arc-en-ciel.

Malheureusement, la liberté est incompatible avec l’égalité dans la plupart des cas. Il n’est donc pas surprenant que les Etats démocratiques piétinent régulièrement les droits naturels dans leur quête d’une société plus égalitaire. En se nourrissant de la jalousie et de la cupidité d’une partie du corps électoral, les régimes démocratiques érodent les fondements moraux de la société. Bien que les intentions des démocraties soient nobles, leurs résultats ne le sont pas. Une société véritablement libre serait fondée sur la liberté d’association et le droit de propriété plutôt que sur la démocratie.

Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile