La Chronique Agora

Une dégringolade de plus

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En attendant le bouquet final du feu d’artifice saluant le krach, les équilibristes financiers continuent de monter toujours plus haut, avec des montages toujours plus instables.

Nous sommes submergés par une nouvelle, et énième, crise financière.

La précédente était en mars 2020, lors du Covid. Les crises financières se rapprochent. Elles se multiplient. Elles engagent des montants de plus en plus astronomiques, tant au niveau des pertes qu’au niveau des sauvetages. Avant, les unités de comptes étaient par milliards, puis par dizaines de milliards, elles sont passées à des centaines de milliards et globalement au niveau mondial elles portent maintenant sur des milliers de milliards !

Pourquoi cette dégringolade accélérée sur la pente de la destruction ?

La réponse est simple. Nous ne sommes pas dans des situations accidentelles, dans des anomalies. Non. Nous sommes confrontés à des problèmes de fond qui sont endémiques, endogènes, c’est-à-dire qui sont logés à l’intérieur du système dans lequel nous vivons.

Au plan superficiel on peut l’exprimer ainsi : nous sommes à la fin du grand cycle du crédit qui a pris naissance à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et avec la mise en place du nouveau système monétaire dit de Bretton Woods. Ce cycle a épuisé ses bienfaits. Il est usé. On en a tiré le maximum et maintenant il bute sur ses limites intrinsèques.

Mais les classes dominantes ne veulent pas le reconnaître, ou même en accepter l’idée. Elles se sont incroyablement enrichies grâce à ce cycle, et elles veulent que cela continue. Elles savent que la fin d’un grand cycle du crédit et la fin d’un cycle générationnel implique de grosses destructions de la pourriture, des fausses valeurs, de l’insolvable, des zombies ; or, ces classes dominantes ne veulent pas de ces destructions, car elles risquent d’en être affectées.

Changements de crise

Une crise du cycle long du crédit détruit toujours un certain ordre social, elle produit des réaménagements et des déclassements, et ceux qui bénéficient de l’ordre social du présent, bien sûr, ne veulent pas que l’on en change ! D’autant plus que ce sont les mêmes classes sociales qui, en fin de cycle, contrôlent les pouvoirs politiques.

Donc, on essaye de retarder, on met en place des prolongations, on met en place des pseudo remèdes qui ont deux fonctions. La première est de faire durer le plus longtemps possible, et la seconde est de reporter une partie du coût des crises sur les classes sociales qui sont les plus faibles, mal défendues, mal informées.

La fin du grand cycle du crédit est non pas une date ou un événement, mais un processus étalé dans le temps, un processus étiré. Et il a débuté dès les années 2010 !

La suraccumulation de dettes, de capital fictif, de montages financiers risqués et débiles, de promesses que l’on ne peut tenir, de fausse monnaie dans les dépôts bancaires – par exemple –, cette suraccumulation n’a jamais été résorbée.

Jamais on a traité les problèmes, toujours on les a repoussés devant comme le fait le chasse-neige, on a sans cesse tapé dans la célèbre boîte de conserve dans le caniveau, on a « kick the can ».

Tout a été conforme à ce qu’a préconisé le gourou du keynésianisme opérationnel mondial Lawrence Summers : à chaque crise, « on a fait plus de tout ce qui avait conduit à la crise ». On a essayé de relancer la même machine, en mettant beaucoup plus d’huile monétaire dans les rouages, en essayant de réalimenter les mêmes processus que ceux qui avaient produit la crise.

L’écart grandit

Ce faisant, on a, bien sûr, accentué les déséquilibres, on a dû bétonner, réglementer, contrôler, mentir, voler les peuples, en faisant remonter les pertes au niveau des contribuables et en pourrissant les monnaies. On a socialisé.

Mais hélas, il y a toujours des accidents, des petites pierres scandaleuses, des fuites ; l’argent est toujours fuyant dans le système, le hot money, l’argent chaud, qui empêche l’entropisation se refroidit, et sans cesse il faut en rajouter. Il y a une tendance inéluctable de la mer de liquidités à se retirer et à découvrir ceux qui se baignent nus comme SVB ou Credit Suisse ou Deutsche Bank ou…

Plus techniquement, à chaque crise et à chaque round de faux remèdes on augmente l’écart entre la sphère financière et la sphère de l’économie réelle : on est passé du fossé au gouffre, et maintenant on en est aux abysses.

On a de plus en plus pactisé avec le diable, on a mangé avec le diable et on sait que pour manger avec lui il faut une longue, une très longue cuillère, de plus en plus longue. On a disjoint les ombres et les corps. Et les ombres lévitent, elles bullent. Et ces jours-ci, certaines bulles crèvent.

Une crise, c’est ce que l’on appelle une réconciliation entre d’un côté la masse des promesses et de l’autre la masse des moyens pour tenir les promesses. Ici, pour tromper le public, on va encore augmenter la masse des promesses.

Numéro d’équilibristes

Indépendamment de l’escroquerie sociale qu’elle recouvre, toute la finance moderne repose sur des théories imbéciles comme celle de l’efficience des marchés, celle des anticipations rationnelles, celle du risque, celle de la validité des modèles. La finance est une religion, ses grands prêtres s’enrichissent sur votre dos.

Les montages financiers acrobatiques modernes sont instables, ils reposent sur les probabilités. Ces montages sont des paris sur la perfection éternelle, il faut donc être irrationnels comme les autorités pour croire au miracle qu’ils sont stables et durables.

Comment les autorités vont-elles s’en sortir cette fois encore ? En faisant encore plus de tout ce qui a conduit à la crise c’est à dire en produisant de la monnaie et du crédit tombés du ciel, en accroissant encore le déséquilibre entre la sphère financière et la sphère réelle.

Quelque chose « d’inattendu » se produit. La Fed invente un nouvel outil, elle dit que tout va bien. Quelque chose « d’inattendu » se produit à nouveau, la Fed modifie un autre outil et dit que tout va bien. On fait des réunions imprévues. Devinez ce que le communiqué de presse va dire ?

Lors des crises bancaires, les bien-pensants disent que c’est l’irrationalité qui est la cause ; oui c’est vrai, mais ce n’est pas l’irrationalité de ceux que l’on croit, pas l’irrationalité des déposants, mais celle des autorités qui ont parié sur la connerie perpétuelle des gens. On ne peut tromper les gens toujours et en toutes occasions.

Les apprentis sorciers, démiurges et autres escrocs de la pensée au lieu d’apprendre des théories bidons et idéologiques devraient lire des auteurs comme Per Bak ou François Roddier et essayer de comprendre la notion de criticité.

La finance et toute la pratique monétaire sont fondées sur une illusion et un mensonge, à savoir que le monde est dérivable, qu’il est linéaire et que tout peut être prévu ; or c’est faux et radicalement. Le monde est fractal et les théories fondées sur le dérivable sont fausses.

On a essayé de restaurer la « confiance » dans le Ponzi perpétuel, en ajoutant des liquidités ; le jeu va repartir, le prix des billets de loterie va remonter et la masse des gogos va à nouveau affluer et refaire un tour du manège enchanté.

Les banques européennes sont saines ? Demandez à la Banque de France le montant de ses pertes potentielles en centaines de milliards d’euros sur ses actifs obligataires !

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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