La Chronique Agora

La déflation a pris fin au Japon : est-ce vraiment une bonne chose ?

▪ Que se passe-t-il au Japon ?

Nous posons la question parce que, dans la course à la catastrophe financière, le Japon est en tête.

Et cette semaine dans le Financial Times, Shinzo Abe nous a donné des nouvelles.

Vous vous rappelerez peut-être, cher lecteur, que M. Abe est arrivé à son poste avec un programme de réforme. Il avait trois flèches dans son carquois, disait-il. Une pour la politique budgétaire. Une pour la politique monétaire. Une pour d’autres choses qui n’ont jamais été clairement identifiées mais qui devaient néanmoins être tuées, visiblement.

Aussi hardi qu’il est sot, M. Abe a décoché ses flèches. Parmi ses réussites à ce jour, il affirme que sa flèche monétaire a atteint son but. La déflation a disparu du Japon, dit-il. Les prix grimpent désormais. Pour la première fois depuis 1997, le chiffre de l’inflation — à 1,4% en avril — est positif.

Attendez. Dans une économie de retraités qui vivent sur leur épargne-retraite, en quoi est-ce une bonne chose ?

Ne vous donnez pas la peine de poser la question, cher lecteur. Ne vous donnez pas non plus la peine de poser la question du coût. La Banque du Japon utilise le QE, achetant pour 75 milliards de dollars d’obligations tous les mois. A ce rythme, la banque centrale aura un bilan trois fois supérieur à celui de la Fed (proportionnellement à l’économie) d’ici mars 2015.

Pourquoi dépendre des banquiers et des spéculateurs pour revigorer votre marché boursier ? Faites-le vous-même !

Les autorités interviennent également directement pour acheter des actions. Pourquoi dépendre des banquiers et des spéculateurs pour revigorer votre marché boursier ? Faites-le vous-même ! Selon les chiffres du Telegraph, la Banque du Japon achète environ 200 millions de dollars d’ETF chaque fois qu’elle voit l’indice national trébucher.

Au Japon comme ailleurs, les achats d’obligations pèsent sur les taux d’intérêt. Des taux bas encouragent l’emprunt… et les bulles… tout en rognant l’investissement et la production réels. Résultat : les prix à la consommation grimpent.

▪ Une flèche devenue épine
Faire passer le taux d’intérêt réel sous zéro, dans une économie déflationniste, est une réussite en soi. Peu importe si l’on frôle le zéro, on a toujours le niveau de prix au dessous. Mais il faut reconnaître du mérite au Premier ministre japonais. La dernière fois que nous avons regardé, le taux d’intérêt réel était d’environ moins 0,8% sur le bon à 10 ans du Trésor nippon.

La flèche budgétaire est devenue une épine au pied de l’économie. Pendant un quart de siècle, la stratégie du Japon a consisté à remplacer le crédit allant aux ménages et aux entreprises par du crédit allant au gouvernement. Aux Etats-Unis, les gens ont dépensé de l’argent qu’ils n’avaient pas pour des choses dont ils n’avaient pas besoin. Au Japon, c’est le gouvernement qui s’en est chargé.

A présent, il récidive. Ce sont d’excellentes nouvelles pour le capitalisme de copinage. Les autorités japonaises empruntent l’épargne du peuple et la donnent aux initiés. Le pays en retire plus d’infrastructures trop chères (le vandalisme en béton). Les initiés obtiennent plus d’argent. Et l’épargne des seniors disparaît.

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