Les experts pointent du doigt la rigidité des modèles européens, mais également les opportunités manquées dans des secteurs porteurs comme l’intelligence artificielle ou l’immobilier.
Le ralentissement de la croissance et le manque d’innovation dans les technologies de pointe, notamment en matière d’algorithmes, suscitent l’intérêt des experts et des médias.
Le journal Les Echos partage les commentaires du co-fondateur de GlassView, une start-up de pubs en ligne, concernant la nécessité d’assouplissements aux conditions de travail. Il donne l’exemple de l’échec de Meta dans les projets du métavers. L’entreprise a licencié 20 000 salariés, en conséquence des déceptions du métavers, en l’espace de quelques mois.
Les coûts et les risques liés aux licenciements en Europe compliquent les changements de stratégie pour des entreprises comme Ericsson, Nokia ou SAP. Par exemple, Nokia prévoit de supprimer jusqu’à 14 000 emplois afin d’économiser entre 800 millions et 1,2 milliard d’euros d’ici 2026.
Aux Etats-Unis, le principe de « l’employment at-will » permet aux employeurs de licencier des salariés sans motif ni préavis, ce qui réduit les coûts et les risques associés aux licenciements.
Un banquier ajoute :
« A Londres, vous pouvez vous séparer d’un trader pour 120 000 à 140 000 livres, en Allemagne, cela oscille autour de 200 000 euros, mais en France, la facture peut monter facilement à 1 million voire plus de 1,5 million d’euros… Quand les états-majors à New York ont à trancher entre différentes places [pour installer leurs opérations], c’est un point noir ! »
Les dirigeants, avec le soutien des médias, sont la cause de cette stagnation : les surcoûts et freins dissuadent tout lancement de projets. Il existe trop de règles, de normes et de taxes.
Le rapport de Mario Draghi, l’ex-directeur de la Banque centrale européenne, nous permet de mesurer la perte de vigueur du Vieux Continent. Le graphique du rapport ci-dessous montre l’écart du PIB par habitant avec les Etats-Unis. Selon le graphique, l’écart provient à 72% du manque de productivité du travail sur le continent.
En somme, pour la même quantité de travail, un salarié d’outre-Atlantique génère plus de valeur – sous forme de bénéfices ou de plus-values pour des actionnaires, par exemple. Le reste de l’écart provient de la différence du nombre d’heures de travail par salarié. Les gens prennent plus de vacances et de jours de congés en Europe.
En revanche, M. Draghi évite d’aborder les raisons du problème, qui incluent les coûts de licenciement. Il croit à la nécessité de la protection des salariés :
« Bien que l’UE doive se rapprocher des Etats-Unis pour la croissance de la productivité et l’innovation, elle ne doit pas imiter les points faibles du modèle américain. Bien que les Etats-Unis aient dépassé l’UE en raison d’un positionnement plus fort dans les technologies de pointe, ils ont toujours un niveau plus élevé d’inégalités. L’approche européenne doit s’assurer que la croissance de la productivité s’accompagne d’inclusion sociale. »
Le décrochage du Vieux Continent vient d’une tendance amorcée depuis des décennies.
Le graphique ci-dessous, de l’Organisation de coopération et de développement, montre les revenus réels (ajustés au coût de la vie) d’un employé du bâtiment, par région du monde. La catégorie Western Offshoots, qui comprend les Etats-Unis, le Canada et l’Australie, dépasse le reste du monde depuis au moins les années 1920.
Taxes contre la réussite
Les taxes créent aujourd’hui des difficultés pour la compensation des salariés en fonction des résultats.
La société Uber, par exemple, distribue de la valeur aux salariés et aux cadres sous forme de stock-options ou autres formes d’incitations sur le titre. Le graphique ci-dessous montre les montants de la compensation via des actions de l’entreprise. Ils atteignent près de 2 milliards de dollars par trimestre !
Cependant, cher Uber, cette manne de 2 milliards de dollars par trimestre va aux employés d’Amérique du Nord – les Européens ratent le coche !
Avec plus de rentabilité et moins de taxes, les entreprises aux Etats-Unis ont aussi plus de soutien de la part de fonds de capital-risque.
Le graphique ci-dessous issu du rapport de M. Draghi indique l’écart. Au stade le plus spéculatif, de seed capital, les start-ups en Europe attirent seulement 20% des sommes d’investissement en start-ups des Etats-Unis.
Dans la phase intermédiaire, du early stage, elles attirent 27% de l’équivalent américain. Aux stades les plus avancés, le later stage, elles attirent 18% de l’équivalent américain.
Stagnation de l’UE : manque d’investissements, en raison du manque de rentabilité
Le thème de la rentabilité des investissements est une autre thématique relevée par le rapport de M. Draghi.
L’essor d’une technologie – les algorithmes d’apprentissage, par exemple – requiert d’un côté des investissements en matériel et en personnel, et de l’autre, de la rentabilité.
Le rapport de M. Draghi énumère des propositions pour l’augmentation d’investissements dans la zone.
Mais il ne s’attaque pas au coeur du problème dans la réalité. Le manque d’intérêt de la part d’investisseurs et financiers dans les start-ups ou entreprises de la zone, provient d’un manque de rentabilité.
Le graphique ci-dessous, de Oxford Economic, montre les investissements, hors logements, aux Etats-Unis et dans l’UE, en part du PIB (soit la taille de l’économie).
Le graphique suivant, ci-dessous, montre le retard de la zone dans les technologies de pointe. Il illustre aussi les effets nocifs des subventions et des quotas.
En effet, la zone a de l’avance dans l’hydrogène, le biogaz, et les éoliennes, mais affiche un retard dans l’IA, les cryptos, la cybersécurité et le cloud.
La taille de la bulle montre l’ampleur de l’avancée des différentes régions (EU en bleu, Chine en orange, Etats-Unis en gris) pour chaque technologie. La position sur l’axe horizontal (de 0 à 100) montre le potentiel de développement en fonction des ressources en place.
En bref, le graphique montre les dégâts des directives toujours plus importantes.
Au lieu d’investir dans des technologies pour atteindre la rentabilité, et satisfaire une demande de la part des consommateurs, les entreprises investissent massivement sur le vert, l’hydrogène, ou l’électrique.
Manque de rentabilité : le cas de la pierre
Cette dynamique ne s’applique pas qu’au secteur technologique. L’immobilier est lui aussi victime de toujours plus de régulations.
Le rendement locatif net après impôts, dans l’immobilier, est devenu dérisoire.
La situation de l’immobilier est devenue si catastrophique que, fin 2023, une députée Renaissance du Finistère avait été chargée de propositions de réformes de la fiscalité locative. Sans surprise, les propositions du rapport sont ineptes. Tout de même, dans ce rapport (que vous pouvez télécharger sur ce lien) figurent quelques tableaux intéressants, notamment sur les amortissements.
Voici un autre tableau comparatif de rentabilités extrait du rapport. Toutes les hypothèses retenues sont détaillées dans ledit rapport.
Vous constaterez qu’au-delà d’un certain revenu, il devient aventureux d’être propriétaire bailleur.
Les investissements peuvent conduire à des pertes à La Rochelle ou Montpellier.
La location meublée classique peut apporter une petite marge de manœuvre, mais si vous prenez en compte l’amortissement total du bien, elle est vite rabotée.
Quant à la location meublée de courte durée, vous vous retrouvez à la merci du bon vouloir des municipalités qui ont tendance à réprimer ce mode de location associé au « surtourisme », selon la dernière expression à la mode.
En réalité, la seule motivation de l’investissement immobilier reste actuellement la protection contre l’inflation. Hélas, cette protection se paie par une fiscalité confiscatoire.
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