Les banques centrales sont de nouveau à l’affût pour acheter de l’or, Russie et Chine en tête. Ne serait-ce pas un signal intéressant pour les investisseurs ?
Cela devient ridicule. Et c’est une bonne chose. Par « cela » je parle du prix de l’or, et par « ridicule » je veux dire répétitif jusqu’à l’absurde. Mais peu importe. A ce stade, les perspectives pour l’or sont extrêmement positives.
Mes lecteurs sont sans doute las de me voir décrire le marché de l’or comme se situant dans une fourchette comprise entre 1 700 $ l’once en limite inférieure ; 1 900 $ l’once en résistance haute, avec 1 800 $ l’once comme tendance principale. C’est tout à fait exact. C’est également très répétitif, puisque cela s’est vérifié – avec seulement de mineures et brèves exceptions – tout au long de l’année écoulée.
Ce schéma est apparu en novembre 2020 après que l’or a chuté de son sommet historique de 2 069 $ l’once, le 6 août 2020. La question prévisible des investisseurs est : « Bien, nous avons compris. Mais, quand le modèle se brisera-t-il à la hausse ou à la baisse ? Quelle est la prochaine étape pour l’or ? »
L’or dans une bonne configuration pour un breakout
C’est là que nous en arrivons aux bonnes nouvelles. Certes, l’or reste confiné dans une fourchette, mais celle-ci est de plus en plus étroite. Alors que des variations de 5% en quelques jours étaient courantes jusqu’à l’été dernier, cette volatilité s’est calmée. Le prix de l’or monte et descend toujours, mais les fluctuations sont bien plus réduites.
La médiane est toujours sur 1 800 $ l’once, mais les fluctuations sont plus serrées, entre 1 750 $ et 1 850 $ (encore une fois, à quelques exceptions près). Une bande de variation de 5,5% remplace la bande précédente de 11,0%.
Nous observons également une tendance à la baisse des plus-hauts et à la hausse des plus-bas à mesure que la compression se poursuit. Il s’agit d’une configuration technique appelée « fanion », car elle ressemble à un fanion sportif si l’on trace des lignes convergentes entre les hauts et les bas.
Un fanion est une bonne configuration pour un breakout : une sortie rapide au-delà d’un seuil peut se produire dans n’importe quelle direction. Le plus souvent, toutefois, elle poursuit la tendance qui existait avant la consolidation.
Que l’on prenne le prix de 1 685 $ du 30 mars 2021, les 1 725 $ du 9 août 2021 ou les 1 722 $ du 29 septembre 2021, il est clair que ce fanion s’est formé dans le sillage d’une tendance haussière. Cela suggère que le breakout sera haussier et qu’il aura lieu bientôt.
Une série de données fondamentales viennent étayer ce point de vue technique. La première preuve est qu’aujourd’hui, le prix effectif des lingots physiques n’est pas à 1 800 $ l’once environ (selon le prix du contrat à terme sur l’or du COMEX), mais plus proche des 2 000 $ l’once, selon mes sources.
La différence entre les deux prix est d’environ 10%.
Le problème de cette fixation du prix est que la commission normale d’un concessionnaire est d’environ 2,5%. Toute commission supérieure à ce chiffre n’est pas vraiment une commission. Elle reflète la rareté, les délais de livraison et d’autres problèmes logistiques liés à l’obtention de lingots physiques réels au lieu de contrats sur de l’or papier.
En d’autres termes, 1 925 $ l’once est le prix réel des lingots physiques. Tout le reste n’est que du papier.
Le retour de la Russie
Le deuxième facteur fondamental est que la Russie est de retour dans le jeu.
Comme nos lecteurs le savent, la Russie a augmenté ses réserves d’or de 1 700 tonnes depuis 2009. Les réserves d’or du pays étaient de 600 tonnes en 2009 et sont de 2 298,5 tonnes aujourd’hui. Cela représente donc une augmentation de 283% au cours des douze dernières années.
La banque centrale de Russie a poursuivi ce plan d’acquisition de manière constante et progressive sous la direction de Vladimir Poutine et de la présidente de la banque centrale, Elvira Nabioullina. Les acquisitions d’or ont été faites avec la régularité d’un métronome, à raison d’environ 5 à 30 tonnes par mois, pour éviter de perturber le marché.
Puis, en avril 2020, le métronome s’est arrêté. La Russie a même légèrement réduit ses avoirs en avril, juillet, août, septembre et octobre 2020, puis en janvier et avril 2021. Les avoirs sont restés inchangés en novembre et décembre 2020, ainsi qu’en février, mars, mai et juin 2021.
A présent, la Russie est de nouveau à l’achat. Elle a acquis 3,1 tonnes en juillet 2021 et encore 3,1 tonnes en septembre 2021 (le mois d’août est resté inchangé). Les analystes ne doivent pas considérer ce regain d’achats de la part de la Russie comme une frénésie d’achats. Il s’agit de quelque chose de plus subtil.
Or, pétrole et dollar : un savant équilibre
La Russie mène l’opération de couverture la plus sophistiquée au monde sur son compte de réserve mondial en devises fortes et en or. L’objectif est de maintenir l’or à environ 20% des réserves totales. Cet objectif a été atteint au début de l’année 2020, ce qui explique le fait que les achats ont diminué par la suite.
Les réserves de la Russie sont aujourd’hui plus importantes en raison de la forte hausse du prix du pétrole. Cela augmente les réserves en dollars du pays, puisque le prix du pétrole est fixé en dollars. Si les réserves en dollars augmentent et que la Russie veut maintenir l’or à 20 % de ses réserves totales, elle doit acheter plus d’or pour maintenir cette quote-part.
Ce n’est pas différent de ce que font les investisseurs ordinaires lorsqu’ils rééquilibrent leurs portefeuilles cibles pour tenir compte de gains ou de pertes importants dans une classe d’actifs particulière.
C’est également conforme aux objectifs en matière de couverture de la Russie. Si le dollar conserve sa valeur, le prix de l’or ne variera peut-être pas beaucoup. Néanmoins, l’allocation en or dans le portefeuille agit comme une assurance. Si la valeur du dollar s’effondre, le prix de l’or en dollars s’envolera et les pertes de la Russie sur son portefeuille en dollars seront compensées par les gains sur son portefeuille en or.
Ces derniers mois, le dollar a perdu de sa valeur, du moins par rapport au pétrole. Le prix de l’or en dollar n’a pas beaucoup varié. C’est donc le moment opportun pour acheter de l’or afin de maintenir la couverture sans payer de prime. Les Russes sont passés maîtres dans ce genre de couverture dynamique (contrairement aux Américains). Ils viennent de le prouver une nouvelle fois en combinant un pétrole cher (générant des revenus) et des prix de l’or stables (offrant un point d’entrée attractif pour maintenir la couverture).
Mais la Russie n’est pas seule. D’autres grandes banques centrales ont sensiblement augmenté leurs réserves d’or au cours des derniers mois. C’est notamment le cas de la Thaïlande (90,20 tonnes), le Brésil (53,75 tonnes), la Turquie (8,67 tonnes), l’Inde (8,4 tonnes) et le Qatar (3,12 tonnes).
Certaines banques centrales ont, à l’inverse, été des vendeurs nets. Cependant, les ventes totales des cinq premières banques centrales ont été inférieures à 25 tonnes, ce qui est bien inférieur au total des augmentations de réserves.
Par ailleurs, la Chine a évidemment acquis des quantités massives d’or ces dernières années, ce qui s’inscrit dans une stratégie globale bien réfléchie. Récemment, les importations chinoises d’or en provenance de Hong Kong ont ainsi atteint leur plus haut niveau sur cinq mois, en hausse de près de 60% en septembre.
Ces achats des banques centrales ont été effectués en prévision d’une baisse du dollar et d’une hausse de l’inflation en dollars.
Les banques centrales achètent de l’or pour garder une longueur d’avance. Ne devriez-vous pas faire de même ?