La Chronique Agora

De la bulle de l’immobilier au budget de la Défense US

▪ Nous avons parcouru pas mal de chemin, ces derniers mois. Faisons un petit récapitulatif.

Premièrement : il était clair dès le départ qu’il y avait une bulle dans la finance et l’immobilier. Les seuls à l’avoir ignoré étaient les secteurs de la finance et de l’immobilier… et les autorités. La bulle a atteint son sommet en 2005-2007… puis a explosé.

Ensuite, il était évident que l’économie américaine entrait dans une période de destruction de la dette — une Grande Correction, comme nous l’appelions. Il n’y a jamais eu vraiment d’espoir de « reprise ». Une fois qu’une bulle a éclaté, on ne peut pas en recoller les morceaux.

Troisièmement, la question était de savoir combien de temps durerait la Grande Correction… ce qui dépendait de ce qu’elle corrigeait. Personne ne le sait. Nous sommes toujours en pleine correction de la bulle de dette, qui pourrait prendre encore 10 ans environ. Mais ça pourrait être difficile. Il se passe d’autres choses. Ce qui nous a mené à poser des questions sur ce que nous ne savons pas :

Est-ce que les gouvernements du monde développé — quels qu’ils soient — peuvent survivre ? Y aura-t-il assez de croissance pour les empêcher de faire faillite ? La croissance de la période d’après-guerre a-t-elle été un coup de chance ? L’Ere industrielle a-t-elle été entièrement nourrie par l’énergie bon marché… une « poussée de croissance » qui est désormais terminée ? Les économies développées sont-elles si chargées d’institutions zombie qu’elles ne peuvent espérer faire concurrence aux marchés émergents ? Comment le gouvernement peut-il se débarrasser des zombies ?

Ces questions nous ont donné matière à réflexion.

Nous avons vu par exemple que les théories du gouvernement étaient en majeure partie des souhaits creux, des apologies et des sottises. Le gouvernement est une force brute… utilisée pour transférer la richesse et le statut vers les initiés qui sont aux commandes. Si le gouvernement démocratique triomphe, c’est parce qu’il donne l’illusion du pouvoir à un plus grand nombre de personnes… et permet de traiter plus de gens comme des initiés(aussi modeste que soit leur participation).

A mesure que le temps passe, de plus en plus de groupes obtiennent des privilèges, des contrats, des emplois, des niches fiscales, des protections et des redistributions. Finalement, on trouve plus d’initiés collectant la richesse qu’il n’y a de personnes la produisant. La réforme devient alors pratiquement impossible. Le système politique est tout entier contrôlé par les zombies. La seule issue possible, c’est la catastrophe — sous la forme d’une faillite, d’hyperinflation, d’une guerre, d’une révolution ou d’une combinaison de tous ces facteurs.

Les zombies sont des parasites coûteux. Plus ils gagnent de pouvoir politique, moins l’économie et la société sont flexibles. Le capitalisme est corrompu. Le « système » ne peut se corriger lui-même. Les politiciens peuvent parler de réduction des dépenses, d’équilibrer le budget et de protéger les finances de la nation… mais ils ne peuvent le faire concrètement. Les sangsues veulent de plus en plus de sang. Tôt ou tard, leur hôte n’en peut plus.

En ce qui concerne les Etats-Unis, la faillite n’est pas la plus grande menace. Un empire peut perdre son âme aussi bien que son argent. C’est le drame auquel nous assistons dans la course présidentielle républicaine. Le diable a déjà tendu son piège — le budget du Pentagone, Homeland Security, le Patriot Act, le court-circuitage du Congrès, la torture, l’utilisation de drones aux Etats-Unis et à l’étranger, le meurtre prémédité d’Oussama ben Laden. Ce n’est probablement qu’une question de temps avant qu’il ne se referme.

« Attendez, Bill », nous écrit un lecteur. « Vous n’arrêtez pas de parler du Pentagone. Mais l’armée va devoir se plier aux réductions budgétaires. C’est vers elle que se concentrent les réductions automatiques ».

Ah oui ? Nous allons y revenir ci-dessous.

Evidemment, nous ne savons pas ce qui va se passer. Nous ne faisons qu’observer… nous poser des questions… supposer… comme tout le monde. Nous sommes aussi probablement un peu plus « pessimiste » que la plupart des observateurs. Parce que nous avons une moins bonne opinion de l’humanité que la majeure partie des gens. Non que l’être humain soit mauvais. Mais il est soumis à influence. Et parfois, ces influences sont pourries. La personne moyenne que nous rencontrons est un plutôt plaisante ; nous l’apprécions quasiment toujours. Mais le Romain moyen sous le règne de Caligula était probablement plutôt sympathique aussi. Parfois les gens se font piéger… et le pire prend le dessus.

▪ Et les dépenses militaires, alors ?
« Si nous devons rester l’espoir de la Terre, nous ne pouvons simplement pas continuer à réduire notre budget militaire », a déclaré Mitt Romney.

Où les candidats trouvent-ils des choses pareilles ? Qui écrit ce genre de phrase ? Qui les prend au sérieux ?

Selon Romney, la Terre elle-même se languit de nouvelles dépenses militaires américaines.

Son adversaire, Newt Gingrich, affirme être d’avis que les réductions de dépenses militaires décidées par Obama rendront les Etats-Unis aussi vulnérables aux attaques qu’ils l’étaient avant la Deuxième Guerre mondiale.

Sauf qu’en réalité, le Pentagone n’aura pas vraiment moins d’argent à dépenser. On ne parle pas de réduire les dépenses militaires : on parle de réduire les augmentations de dépenses militaires prévues. Même après ces « réductions », l’armée américaine dépensera plus à elle toute seule que les 10 pays qui la suivent au classement des budgets militaires — réunis.

Pendant que les candidats républicains jouent à qui sera le plus fort, le président lui-même envoie des équipes de Navy Seals pour secourir des otages américains… et ne manque jamais de rappeler à ses concitoyens que c’est lui qui a ordonné de tuer Oussama ben Laden.

Tous les candidats semblent penser que le peuple américain veut la guerre. Ou quoi ?

En réalité, les Américains ne veulent pas la guerre. Les derniers sondages de Pew Research montrent qu’ils n’ont jamais été si opposés à des aventures militaires depuis 15 ans. Ils sont plus intéressés par le fait de trouver un emploi… et de protéger leur retraite. Si on leur en donnait le choix, ils voudraient probablement qu’on réduise les dépenses militaires et qu’on mette l’argent ainsi économisé dans leurs propres poches.

Mais on ne leur en donnera pas le choix. Le système est truqué. Entre eux et une telle solution se trouvent 10 000 lobbyistes… et des millions de zombies.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile