La Chronique Agora

Dans quel camp êtes-vous ?

inflation, démocratie, ESG

Certains dirigeants occidentaux veulent forcer des pays entiers à choisir de les suivre sans se demander si c’est dans leur intérêt. Mais le nouvel objectif des élites pose un autre problème : il force à oublier l’un des précédents !

Jerome Powell et ses collègues de la Fed s’étaient bien préparés à leur grande réunion de la semaine dernière. Prise entre le marteau et l’enclume, la Fed devait prendre une décision. Les prix à la consommation augmentent au rythme politiquement très inconfortable de près de 8% par an. Mais le marché actions est agité… et menace de s’effondrer.

Que faire ?

Rien ! Ou presque rien, autant que faire se peut. La Fed a annoncé une microscopique hausse de 0,25% de son taux directeur… le ramenant ainsi (corrigé de l’inflation) à MOINS 7,4%.

17 ans de « petits pas »

A titre de repère, nous remarquons que si l’on veut stopper les hausses de prix, il faut prêter de l’argent à un taux supérieur – et non inférieur – à celui de l’inflation.

Une décision assassine pour l’inflation comme celle prise par Paul Volcker, en 1980, situerait les taux de la Fed à PLUS 10%, soit 1 740 points de base de plus qu’aujourd’hui.

Et si la Fed persiste avec son approche « à tout petits pas » – en relevant les taux directeurs d’un quart de point par trimestre – elle mettra 17 ans pour y arriver… soit pas avant 2039. D’ici là, le dollar et le système monétaire mondial dominé par les Etats-Unis auront disparu depuis longtemps.

« L’inflation ou la mort ? » Sur une échelle de 1 à 10, nous évaluons à 1 les chances que la Fed combatte sérieusement l’inflation. Le président de la Fed, Jerome Powell, déclare qu’il se montre juste prudent. Avec la guerre qui se déroule et tout et tout… il n’a pas voulu rajouter de « l’incertitude ».

Que faut-il en penser ? Seul le sarcasme peut nous soulager.

En attendant, les bombardements, les pilonnages, les tueries, les sanctions et les dépenses se poursuivent… en Ukraine, au Yémen, en Afghanistan et partout dans le monde.

Mais pourquoi ? Pourquoi prend-on de l’argent aux Américains pour tuer des Russes, des Yéménites et des Afghans ? Pourquoi prend-on de l’argent aux civils russes sans respecter la loi ? (Quel genre de tribunal de pacotille autoriserait de prendre leur argent à des gens qui n’ont rien fait de mal ?)

Des espions partout

A la Chronique, ce qui nous intéresse, c’est l’argent.

L’argent se gagne en produisant des biens ou en fournissant des services – comme fournir du gaz aux Européens – et en satisfaisant des clients. Mais la politique s’ingère… et l’argent disparait.

« Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous », scandait George W. Bush à propos de la guerre contre le terrorisme. Il n’y avait pas de juste milieu, pas de compromis possible, pas d’autre interprétation de l’histoire.

Et à présent, le fait même de suggérer qu’il y a une autre interprétation de l’histoire fait de vous un « agent dormant russe ».

Le Financial Times a cité récemment le cas de l’Inde. Le fait que le pays ne se soit pas prononcé clairement en faveur des « alliés occidentaux » pourrait « mettre en péril ses relations avec les Etats-Unis ».

Tout le monde est censé sauter dans ce train pour la gloire. Mais s’embarquer dans une guerre des sanctions contre la Russie signifie renoncer à d’autres lubies de l’élite. Il y a encore quelques semaines de cela, par exemple, les combustibles fossiles étaient l’œuvre du diable et les investisseurs étaient fiers d’étaler leur mépris pour les fabricants d’armes.

C’était « une activité répugnante… avec des clients répugnants… Et des résultats répugnants », d’après eux. Dans un monde fait de critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), investir dans l’énergie ou l’armement était rédhibitoire. L’objectif était de rendre le monde meilleur, même si cela voulait dire moins de profits.

Une guerre en chasse une autre

Mais à présent, ils adhèrent tous au fantasme de « l’Ukraine, cette terre sainte », et s’arment pour la bataille. Tout d’un coup, la guerre contre le CO2 a disparu des gros titres et la « défense » n’est plus un gros mot.

« ‘L’Ukraine est l’une des questions d’ESG les plus importantes qui ait jamais été soulevée’, déclare Philippe Zaouati, directeur général de Mirova, une société de gestion affiliée à Natixis Investment Managers, spécialisée dans l’investissement durable et pesant 30 Mds.

‘C’est une question vitale pour l’énergie et les droits humains, et qui soulève la question de savoir si nous voulons vivre en démocratie ou non.’ »

Ah bon ? C’est tout ? C’est pour cela, que nous nous battons ?

C’est la démocratie qui est en jeu ? Est-ce une raison pour basculer de « on sauve la planète » à « on sauve l’Ukraine » ?

Mais M. Poutine ne montre aucun signe de mettre fin à la démocratie ukrainienne : au contraire, il semble vouloir la renforcer en permettant aux provinces de l’est d’élire leurs propres dirigeants. Et pour le reste du pays, il répète qu’il veut qu’il reste neutre.

En raisonnant stratégiquement, il ne veut aucun missile de l’OTAN à proximité immédiate de son flanc ouest. Quel est le risque pour la démocratie ? Nous l’ignorons.

Si le Mexique annonçait qu’il allait permettre à la Chine ou à la Russie de placer des missiles du côté sud du Rio Grande, combien de temps s’écoulerait-il avant que les Etats-Unis ne lancent une invasion ? Et au diable la démocratie mexicaine !

Mais c’est ce qu’il y a de chouette, avec la politique. Rien n’est jamais « marked to market » (évalué à la valeur du marché). Vous pouvez croire tout ce que vous voulez. Et comme vous pouvez leurrer la plupart des gens la plupart du temps, vous pouvez presque toujours emporter le soutien des rustres.

Hélas, en leurrant les gens, les idiots commettent des idioties.

A la semaine prochaine, pour en savoir plus sur l’idiotie qui nous entoure tous…

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