La Chronique Agora

Le cycle du crédit est mort… vive la dette !

▪ Selon des économistes de renom — notamment ceux payés par le gouvernement américain pour prédire l’avenir — les taux d’intérêt vont rester bas pendant longtemps.

Peut-être devrions-nous faire une pause et dire un petit Ave Maria… ou toute autre prière appropriée lorsqu’on conduit un cycle de marché vers la tombe. Peut-être faudrait-il proclamer un jour de deuil. Ou lever un verre ou deux en son honneur. Oui, les autorités ont prononcé la mort de notre vieil ami : mort… mort… mort… raide mort. Immobile. Elles ont nié la responsabilité de la mort du cycle des taux d’intérêt, mais admettent qu’il a expiré durant leur garde.

Le cycle du crédit est avec nous depuis longtemps. Depuis qu’il y a des marchés, il y a du crédit. Et comme toutes les choses disponibles dans un marché, le crédit était soumis à des rythmes — généralement liés aux récoltes — et son prix variait en fonction des règles de l’offre et de la demande.

Le cycle du crédit semblait permanent. Mais comme tant de choses dans cette vie éphémère… il nous a été enlevé par les planificateurs centraux des autorités. Exeunt omnes. Alléluia !

Plus spécifiquement, le Congressional Budget Office nous annonce que les frais de taux d’intérêt des autorités américaines pour les 25 prochaines années ressembleront de très près aux rendements constatés ces dernières années. C’est-à-dire que le CBO projette un coût de financement de 4,1% ; c’est très proche de la moyenne des 10 dernières années… et substantiellement plus bas que la moyenne de long terme de 6,59% depuis 1962.

Les taux d’intérêt US sont prisonniers d’un canal perpétuellement bas, comme les ondes cérébrales d’un patient dans le coma

L’estimation du CBO (si on y croit) nous dit que les taux d’intérêt US sont prisonniers d’un canal perpétuellement bas, comme les ondes cérébrales d’un patient dans le coma. Fini, disent les autorités, l’excitation du cycle haussier des années 60 et 70, quand les taux du T-Bond US à 10 ans avaient grimpé de 15%.

▪ Merci les taux !
Ce n’est pas une information mineure. Si les taux d’intérêt grimpaient de manière appréciable, l’économie "emprunter, emprunter, emprunter… dépenser, dépenser, dépenser" disparaîtrait.

Sans blague. Le monde post-70 a été possible grâce à plusieurs tendances interconnectées. La plus importante a été le déclin des taux d’intérêt, qui a permis à la dette de se développer de manière remarquable.

La dette totale du marché du crédit US est passée de 170% du PIB au début des années 80 à plus de 350% en 2007. En termes nominaux, la dette totale est passée d’environ 5 000 milliards de dollars à plus de 50 000 milliards en 2007.

Cela a eu les conséquences suivantes :

– L’emprunt a masqué les effets d’un ralentissement de l’économie réelle. Dans leur majeure partie, les salaires ont stagné. Malgré ça, les consommateurs ont dépensé plus.

– Puisque les dépenses dépassaient la production réelle, l’économie, qui se concentrait sur la production, s’est mise à se concentrer sur la finance et la consommation. L’industrie financière, en particulier, a vu ses profits grimper en flèche… et a utilisé sa richesse pour contrôler la politique gouvernementale.

Les gouvernements aussi ont augmenté leurs dépenses. Les recettes fiscales se sont développées parallèlement à la consommation financée par la dette et de l’ingénierie financière. Les recettes fiscales en 1990 n’étaient que de 1 000 milliards de dollars environ. A présent, elles sont à 2 500 milliards de dollars. Par ailleurs, les gouvernements ont tiré parti des taux bas pour emprunter plus.

Cela a faussé l’économie plus encore ; que les fonds viennent de l’emprunt ou des taxes, le gouvernement transfère la richesse des parties productives de l’économie vers celles qui sont improductives, voire anti-productives.

Les consommateurs, les entreprises et le gouvernement en sont venus à dépendre de l’expansion du crédit rien que pour faire du surplace

▪ Sans dette, tout s’écroule
A mesure que le temps passait, il est devenu de plus en plus important de continuer à développer la dette. Les consommateurs, les entreprises et le gouvernement en sont venus à dépendre de l’expansion du crédit rien que pour faire du surplace. Non seulement l’expansion de la dette est devenue une composante indispensable de la nouvelle économie, mais elle a créé son propre soutien politique. Une telle quantité de gens dépendent désormais d’un accès facile au crédit — y compris le gouvernement US lui-même — que ni la Fed ni le Congrès n’ont pu refuser des efforts pour maintenir les taux d’intérêt au plancher.

De sorte que le Congrès, le CBO, la Fed… l’industrie financière… des millions de ménages et de zombies un peu partout tombent tous d’accord pour dire qu’on ne peut pas laisser les taux grimper. Il faut les maintenir au plus bas à tout prix. Et si le cycle des taux n’est pas encore mort… il devrait l’être.

Regardez un graphique des taux directeurs de la Fed. Vous verrez qu’il ressemble à l’ECG d’un homme en mort cérébrale. Ligne plate depuis 69 mois. Et ils sont là. Agglutinés autour de lui. Des économistes. Des décideurs. Des politiciens. Ils l’observent tous avec attention. Vérifient son pouls. Ecoutent sa respiration…

… et tiennent un sac en plastique tout prêt, au cas où il tente de se relever.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile