Sans gain de productivité, pas de véritable croissance de la richesse. Or, dans un monde surendetté, une masse colossale de crédit repose sur la croissance future.
A La Chronique, nous aimons bien réfléchir sur les gains de productivité.
Parce que c’est la seule façon de créer véritablement de la richesse.
La création de monnaie ne crée pas de richesse.
Les magouilles des banques centrales ne créent pas de richesse.
Les circuits taxations-subventions ne créent pas de richesse : ils prennent de force aux uns pour donner aux autres.
L’État ne crée pas de richesse : il prélève sur celle qui a été créée pour fonctionner.
Mais si vous faites plus avec moins (de temps, d’énergie, de matières premières…), vous créez de la richesse.
Bill Bonner soupçonne Internet de ne pas avoir apporté de gains de productivité et étaye petit à petit ses réflexions. Chacun peut effectivement constater que malgré la « Révolution de l’information », la croissance patine des deux côtés de l’Atlantique.
Quelqu’un m’a récemment mis sous le nez deux graphiques très instructifs issus d’une conférence du World Materials Forum.
Le premier porte sur l’évolution de la valeur ajoutée par secteur aux États-Unis depuis 1947. Il s’agit de la valeur ajoutée par heure de travail, qui est une certaine mesure de la productivité.
Dans l’ordre décroissant, les secteurs les plus performants sont :
- L’agriculture
- La production industrielle
- Le commerce de gros ou de détail
- Le bâtiment
Il est étonnant de constater que dans l’agriculture, passée la révolution de la mécanisation, l’utilisation de compléments chimiques et de semences a permis de très importants gains de productivité, déjouant les malthusiens qui nous menaçaient de mourir de faim en raison de l’augmentation de la population mondiale. Les récentes dispositions à l’encontre des engrais, pesticides et insecticides devraient d’ailleurs faire décliner la productivité.
Il est aussi surprenant de constater que le bâtiment stagne depuis la Seconde guerre mondiale. Le bâtiment n’est pas plus performant en Europe qu’aux États-Unis, comme en témoigne ce deuxième graphique, qui part cette fois de 1995. Là aussi, zéro gain de productivité.
On pourrait penser pourtant que le raffinement des méthodes de calcul et de simulation, dans la lignée des travaux d’Eiffel, permettrait de dépenser moins de matière en la mettant là où il le faut et conduisant à plus d’efficacité. Il n’en est rien.
Contrairement à ce que beaucoup prétendent, les grandes ruptures technologiques qui conduisent à des bonds de productivité sont très rares dans l’histoire de l’humanité.
Le feu, la pierre taillée, le métal, puis l’utilisation de l’énergie fossile : voilà les grands jalons de la productivité. Les gains des deux siècles précédents tiennent à la mécanisation rendue possible par le charbon, le pétrole et l’électricité.
Désormais, en gros, dans l’agriculture, il faut une personne là où il en fallait 10 avec une importante saisonnalité.
Quiconque se souvient des contes ruraux de la tradition orale sait que l’angoisse de l’ouvrier agricole (on disait valet de ferme) était d’être celui qui, après les moissons, allait être gardé l’hiver — bénéficiant d’un toit et du couvert et participant aux menus travaux de cette période creuse. Pour cela, il fallait montrer qu’on pouvait travailler dur en mangeant peu…
La production industrielle a permis d’attirer en ville toute une main d’œuvre qui – enfin – pouvait échapper à la fatalité de la saisonnalité, ne pas se retrouver dans la campagne gelée et avoir un emploi tout au long de l’année.
Pour en revenir à aujourd’hui et maintenant, on constate combien notre système financier est dangereux.
Il repose en grande partie sur du crédit adossé à rien, si ce n’est aux promesses de gains futurs, la mythique croissance.
Mais si la croissance n’est pas au rendez-vous, ce sera la faillite car on ne peut emprunter indéfiniment l’argent du futur.
Ce manque de véritable création de richesse explique le surendettement privé et public auquel nous sommes actuellement confrontés.
Un jour, il faudra bien admettre que toutes les dettes contractées ne peuvent pas être remboursées. Ce jour-là, une importante quantité d’épargne sera détruite. Car une petite partie de la dette des uns correspond aussi à l’épargne des autres.