La Chronique Agora

Pour la croissance, voyez l’expansion du crédit et de la dette…

▪ "Tu étais grincheux et agressif", a déclaré notre épouse.

"Non… Simplement je ne comprenais rien".

"Tu n’es pas aussi bête".

"Oh que si…"

Oui, nous sommes revenu à la civilisation, avec toutes ses contraintes et ses contrariétés. Pour être plus précis, nous sommes à Boca Raton, en Floride.

Hier, Elizabeth devait faire réparer son ordinateur. Nous nous sommes donc rendu à la boutique Apple, dans un centre commercial. Ce qui a engendré un certain nombre de réflexions sur le matérialisme moderne aux Etats-Unis d’Amérique.

Nous avons décidé de prendre d’abord un déjeuner rapide au Capitol Grille. Ce qui semblait un bon pari. C’est ce qu’Elizabeth appelle "un vrai restaurant" — c’est-à-dire qu’il a un vrai chef, ou au moins un cuisinier, plutôt qu’une équipe qui réchauffe des plats précuits.

"A quelle température voulez-vous votre burger ?" — telle était la question sur laquelle nous avons calé.

"Il te demande quelle cuisson tu veux pour ta viande", a rapidement interprété Elizabeth.

"Hein ? Quelle température ? Je ne sais pas… 100° environ ?"

"Il te demande quelle cuisson tu veux pour ta viande", a rapidement interprété Elizabeth.

"Et comment suis-je censé le savoir ? Pourquoi utiliser un code ? Pourquoi ne pas me poser simplement la question en anglais… ou en toute autre langue, d’ailleurs ? En plus, la température est une mesure extrêmement spécifique et objective… elle requiert une réponse précise. Pas quelque chose de vague comme ‘bien cuit’ ou ‘à point’."

"Oh… tu fais le vieux bougon. Arrête ça."

▪ Crédit et restaurants
C’est ainsi que nous avons renoué avec la vie dans le monde lourdement endetté… où les gens ne paient pas leur déjeuner avec de l’argent ; ils paient avec du crédit. L’économie tout entière fonctionne sans véritable argent ; ce dernier a pratiquement disparu. C’est désormais l’offre et la demande de crédit, non d’argent, qui déterminent le niveau d’inflation.

"Non, ce n’est pas un restaurant indépendant", nous a informé le serveur un peu plus tard. "Il appartient à la chaîne Darden".

Ah ha ! Une chaîne de restaurants dépendant entièrement du crédit de la classe moyenne. Enlevez le crédit… ou laissez-le simplement se réduire… et Darden — d’ailleurs coté en bourse — déclinera aussi. Non, il est plus probable qu’il s’effondrera. Parce que les revenus dépendent des ventes marginales… et lorsque l’acheteur marginal cessera de consommer des burgers marginaux dans des restaurants marginaux comme Olive Garden ou le Capitol Grille, le secteur tout entier se mettra à pâlir. Même un déclin limité des ventes marginales signifie une chute majeure des revenus… dont dépendent les entreprises pour éponger leur dette.

Nous basons ces réflexions en grande partie sur notre estimation du consommateur américain. Il n’est pas en pleine forme. En fait, il a l’air carrément fatigué.

La dette des entreprises a été la deuxième catégorie de dette à la croissance la plus rapide, après la dette gouvernementale

Non que nous ayons étudié Darden en particulier. Nous faisons simplement des suppositions sur le secteur en général. Les entreprises américaines ont profité des taux d’intérêt ultra-bas pour augmenter leur dette dans divers desseins — notamment le développement (pour atteindre des clients marginaux)… et les rachats d’actions. La dette des entreprises a été la deuxième catégorie de dette à la croissance la plus rapide, après la dette gouvernementale. Les entreprises américaines ont désormais une dette élevée, soutenue par des revenus élevés. Le problème, c’est que les revenus peuvent disparaître facilement. La dette… eh bien… pas si rapidement, et pas si facilement.

Bien entendu, Darden n’est qu’une seule parmi des milliers d’entreprises qui vivent grâce à l’expansion du crédit. Oubliez l’expansion de la masse monétaire. Darden a besoin de clients avec des cartes de crédit… et de la confiance. Il en va de même pour d’autres entreprises dont la survie repose sur des clients qui sont prêts à augmenter leurs dépenses — et en sont capables. Ils ne peuvent pas dépenser plus de revenus ; les revenus réels baissent. Ne reste donc que le crédit.

Selon Richard Duncan, l’économie américaine tombe en récession chaque fois que la croissance du crédit chute sous les 2%. C’est pour cette raison que les autorités américaines tentent si désespérément de maintenir cette machine de dette en fonctionnement. Sans elle, des entreprises comme Darden doivent assumer des décisions qu’elles souhaiteraient ne jamais avoir prises… et de la dette qu’elles souhaiteraient ne pas avoir.

Restez à l’écoute.

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