La Chronique Agora

La croissance américaine de Shrödinger est-elle morte ou vivante ?

▪ Lorsque les marchés nous apparaissent par trop indécis — ou qu’ils sont délibérément empêchés de succomber à une tentation directionnelle –, l’un des meilleurs moyens de déterminer le sens du vent (lorsqu’il se limite à une brise quasi imperceptible) c’est de jeter un oeil sur les forums boursiers.

Deux camps s’y affrontent traditionnellement : les permabulls (qui ont tout compris aux de effets miraculeux la planche à billets) et les « findumondistes » (qui ont tout compris à ce qui nous pend au nez mais que la Fed s’ingénie à repousser aux calendes… grecques).

L’un des indicateurs préfigurant de manière pratiquement infaillible la tendance du marché, c’est celui de l’arrogance et du mépris. Plus l’un des camps s’enferre dans l’invective, le mépris de l’opinion adverse, la raillerie (si possible féroce) concernant les pertes supposées de ceux qui n’ont pas reçu l’illumination… plus le marché s’apprête à leur infliger un cinglant contre-pied.

L’exagération de la confiance en soi, associée à la forfanterie, est rarement récompensée.

Aujourd’hui, les haussiers (bulls en anglais, décliné en bulots pour leurs détracteurs) n’ont pas le triomphe modeste. Ils n’en peuvent plus du bonheur d’avoir eu raison de ne pas vendre — ou de ne pas lâcher leurs positions longues — lorsque le CAC 40 s’est enfoncé mercredi matin sous les 3 900 points.

A vrai dire, nous avons également flairé le piège hier soir et une nouvelle fois en début de séance ce 25 mai.

▪ Cela fait 48 heures que nous flairons la manipulation psychologique du marché et anticipons un rebond jusque vers 3 980 points. En effet, c’est là que tout devrait se jouer. Ce serait un peu fastidieux de vous exposer les raisons justifiant l’anticipation d’un tel scénario, mais c’est le genre de rendez-vous avec une résistance majeure qu’il ne faudra pas manquer.

C’est sans triomphalisme que nous avons conseillé de prendre des bénéfices ou de solder certaines positions short (vendeuses) en attendant le moment favorable de ré-initier une stratégie plus offensive à la baisse.

Toute la force du mépris des haussiers pour les baissiers s’exprimait dans certains posts publiés sur les forums mercredi soir. C’est le genre d’attitude qui démontre que les mêmes génies de la hausse se seraient volontiers botté les fesses pour ne pas avoir voulu imaginer que le CAC 40 pourrait enfoncer les 4 000 points puis les 3 900 points… et tourner le dos à leur objectif de 4 250 ou des 4 500 points avant fin juin.

▪ Tant qu’il y a du QE2, il y a de l’espoir. Si l’argent de la Fed est complètement bidon et la croissance américaine totalement artificielle (rappelez-vous des 3,14 $ imprimés pour générer 1$ supplémentaire de PIB), la hausse des actions constitue ce paquet cadeau tombé du ciel qui continuera de nous faire rêver. Mais pour que le rêve perdure, personne ne devra prendre l’initiative saugrenue de dénouer le ruban et de déchirer le papier pour voir ce qu’il y a dedans.

Imaginez que la boîte contienne un chat — un petit clin d’oeil au paradoxe du chat de Schrödinger. Vous pouvez être sûr que le félin est mort depuis décembre dernier — tout comme la croissance américaine. Imaginez l’odeur… ce doit être pire que celle des créances pourries dont la Fed détient désormais le plus gros stock sur la planète !

Ceux qui vont se montrer curieux — et c’est inévitable — le regretteront amèrement. Ce n’est pas le genre de cadeau que l’on peut revendre sur eBay à la manière du dernier gadget branché que l’on possède déjà en trois exemplaires.

▪ Comme nous l’affirmions hier, l’heure de régler l’addition se rapproche et nous en sommes de plus en plus convaincu par la stratégie de communication adoptée par la Grèce. La menace d’un cavalier seul hors de la Zone euro se précise au nom du principe selon lequel mieux vaut une fin dans la douleur qu’une douleur sans fin. Celle des sacrifices à répétition, sans cesse plus douloureux et toujours insuffisants que réclament l’Allemagne, la Finlande et le FMI.

Aujourd’hui, le seul rôle que puisse jouer utilement le FMI dans le cadre d’une nouvelle crise de la dette, c’est celui du mort dans une partie de bridge. Le partenaire américain, lui, se charge de manipuler les cartes et d’empiler les levées.

Tous les sherpas de l’économie s’accordent sur l’urgence de ne pas dévoiler la gravité de la situation. D’après eux, il vaut mieux faire publiquement l’autruche comme il y a trois ans à la même époque. A cette période, c’étaient les banques qui faisaient faillite en cascade, pas les Etats.

▪ Face aux périls actuels, les moyens d’actions du FMI sont dérisoires. Pour reprendre une comparaison empruntée à la crise de 2008, le FMI aurait les moyens de sauver Bear Stearns mais pas Lehman Brothers, et encore moins AIG ou Fannie Mae.

Autrement dit, le futur président — ou la présidente — du FMI doit être une personne de confiance ; pas un franc-tireur adepte du « parler vrai » qui placerait son mandat sous le signe de la transparence et de la prise en compte de la souffrance des peuples.

Cette souffrance des peuples (à qui l’on fait payer les délires spéculatifs de quelques grandes banques d’affaires), c’est le seul vrai risque de correction majeure qui menace les marchés. Les mensonges officiels concernant le fait de vivre « au-dessus de ses moyens » ne passent plus.

▪ Dans le plus prospère des Emirats du golfe Persique (Abu Dhabi), chaque citoyen de souche a droit à un logement, un véhicule, l’éducation gratuite de ses enfants, une prise en charge des dépenses médicales…

Si Abu Dhabi devait renflouer intégralement les folies immobilières de Dubaï, comme l’Etat irlandais celles de ses propres banques, oserait-on accuser le peuple abu dhabien de vivre au-dessus de ses moyens ?

Angela Merkel suggèrerait-elle que les ex-Bédouins devenus rois du pétrole retournent vivre sous la tente ? Cela pour diminuer les dépenses d’un Etat jusqu’alors prospère mais qui se retrouve au bord de la faillite pour avoir été contraint de sauver son voisin (sur injonction du FMI) au nom du risque systémique.

Nous répondons non… mais ce n’est pas le cas des gouvernements irlandais, portugais et espagnol qui font payer très cher à leurs concitoyens les conséquences financières du renflouement des banques.

La révolte gronde, mais tout comme les ondes sismiques qui précèdent un tremblement de terre majeur, les marchés sont incapables de les percevoir… Leur stupéfaction face aux révolutions tunisienne et égyptienne puis désormais syrienne le démontre abondamment.

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