▪ L’interminable feuilleton grec nous a rendu d’inestimables services. Outre le prétexte à une hausse inexorable des actifs boursiers de type « effet Pénélope » (chaque jour qui passe entretenait l’espoir d’un achèvement de l’ouvrage), cette polarisation du débat a permis d’occulter la plupart des sujets moins porteurs. Nous pensons notamment au creusement des déficits commerciaux de tous les pays du Sud de l’Europe, à commencer par la France.
Mais il en va de la dégradation des balances commerciales comme de la grenouille au fond de la cocotte minute. On assiste alors à une élévation progressive de la température, mais elle est à peine ressentie par l’animal à sang froid qu’est le marché et l’accoutumance étant progressive, aucun stress ne se matérialise, alors que les paramètres vitaux sont de plus en plus menacés.
▪ La petite entreprise (française) connaît la crise
La France affichait 70 milliards de déficit à fin 2011, non seulement parce que le coût de l’énergie atteint de nouveaux sommets, mais aussi parce que l’Hexagone apparaît de moins en moins compétitif par rapport à des entreprises allemandes. Ces dernières sous-traitent massivement vers la Pologne ou la Slovaquie mais elles continuent d’apposer le label made in Germany.
Les entreprises étrangères ont peu investi en France (2,77 milliards d’euros l’an dernier). En revanche, les entreprises françaises ont investi massivement dans des pays à bas coût : près de 5 milliards d’euros et l’implantation de Dacia au Maroc — dans une zone franche de surcroît –est hautement emblématique.
Quand le ratio IDE (Investissements Directs Etrangers) devient négatif et que le déséquilibre s’accentue, la variable de l’ajustement monétaire permet classiquement de rétablir de façon quasi indolore la compétitivité — au prix d’un éventuel surcroît d’inflation.
Une dévaluation et un serrage de ceinture temporaire des consommateurs (si l’inflation se réveille) évitent que ne s’installe une situation de récession. Mais il est hors de question pour la France ou les PIIGS de sortir de l’euro-système pour rétablir à peu de frais les équilibres fondamentaux.
▪ Euro, dollar, yen : la valse des monnaies
Quels que soient les sacrifices consentis par le gouvernement grec, la situation n’est plus supportable et va s’avérer de plus en plus difficile à vivre pour les Français.
Compte tenu de la dévaluation compétitive du dollar et du yuan orchestrée depuis le début des années 2000 par les deux principaux concurrents de l’Eurozone, la politique de l’euro fort prônée par l’Allemagne achève de décimer le tissu économique des pays du Sud.
En décidant de bloquer (à n’importe quel prix) la progression du franc suisse pour qu’il ne déborde pas la parité 1,20/euro, la Banque national suisse a envoyé un message fort au beau milieu de la tourmente monétaire dirigée depuis Londres, New York et quelques centres financiers off shore contre la monnaie unique.
Les cambistes se sont alors tournés vers le yen comme monnaie refuge de substitution. Cela a aussitôt entraîné une riposte de la Bank of Japan qui promet toujours plus de quantitative easing.
Le gouvernement japonais est presque heureux d’annoncer une contraction de 2,3% du PIB nippon en 2011 et de revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour 2012. Rappelons que le gouvernement a aussi dévoilé la semaine dernière une forte dégradation de sa balance commerciale suite aux événements dramatiques de la mi-mars 2011.
Tout ce qui peut contribuer à affaiblir le yen est plutôt le bienvenu !
La promesse d’inonder le Japon de liquidités gratuites ne résistera peut-être pas à l’épreuve de la dure réalité d’un baril de pétrole ancré vers 100 $ (référence WTI) ; mais la rhétorique actuelle vise clairement à affaiblir la devise nippone.
Pendant ce temps, Bruxelles et la Bundsbank s’acharnent à faire passer l’euro pour une monnaie solide… ce qu’elle reste dans les faits, mais par la seule grâce du volontarisme allemand.
▪ La situation grecque n’émeut pas les marchés
Le vote du Parlement grec (en faveur de l’ultra-austérité) commenté lundi matin n’aura donné qu’un éphémère coup de pouce à la monnaie unique qui se repliait lundi soir sous les 1,32 $ après avoir brièvement testé les 1,3280 en début de matinée.
Parallèlement, le CAC 40 qui gagnait 1,3% à l’ouverture était repassé négatif vers 16h15 avant d’en terminer sur un gain de 0,36% (un écart d’une banalité affligeante), grâce à un sursaut de 0,2% au moment du fixing de 17h35.
Le fait marquant de cette première séance de la semaine, ce fut en réalité l’absence de volumes avec seulement 2,25 milliards d’euros échangés, alors que tous les medias annonçaient un déblocage de la situation si Athènes se conformait aux exigences de Bruxelles.
Il émerge peu à peu le sentiment que le climat social délétère et les élections anticipées rendent l’avenir politique de la Grèce peu lisible. Les marchés attendent toujours un accord entre le Trésor grec et les créanciers privés d’ici 48 heures.
Mais cette petite ombre au tableau n’empêche pas les liquidités de la BCE de continuer à faire merveille. Les marchés obligataires européens ont poursuivi leur embellie à l’occasion d’une émission de bons du Trésor italiens de maturité 12 mois (de 12,5 milliards d’euros).
L’opération s’est soldée par une nette détente des taux (de 50 points environ par rapport au mois de janvier, avec un rendement voisin de 2,25%), malgré un ratio de couverture très faible. 1,1 fois le montant proposé, cela devrait inciter à une certaine prudence, mais le marché n’a voulu retenir que la décrue du rendement brut.
▪ Wall Street continue sur sa lancée de records
A Wall Street, les indices américains ont effacé leurs pertes de vendredi et le Nasdaq s’est même offert le luxe d’un nouveau record annuel à 2 933 points, avec au final un gain de 0,95% qui excède les anticipations les plus optimistes de la matinée de lundi.
Le Nasdaq a bénéficié de l’effet Apple. Le titre franchit haut la main la barre symbolique des 500 $. Il s’affirme d’ailleurs comme le plus cher du S&P et s’impose plus que jamais comme la première capitalisation de la planète.
Il ne faut pas s’étonner que la firme à la pomme — qui a fait de la compote de ses concurrents européens comme Nokia ou Ericsson mais aussi du Canadien Research in Motion — symbolise une réussite à l’américaine qui rejaillit sur Wall Street.
▪ Apple nuit gravement à la balance commerciale des Etats-Unis.
Sauf que le titre Apple n’est pas le reflet du succès de l’économie américaine, mais d’un modèle économique qui réussit à ses actionnaires mais nuit gravement à la balance commerciale des Etats-Unis.
Les profits d’Apple ne rapportent pas un dollar de recettes sur les dividendes au fisc américain, puisque la firme ne redistribue rien de ses profits stratosphériques.
La bonne fortune d’Apple conduit Wall Street à surestimer de 3% (à 8,9%) le taux de croissance des bénéfices dégagés par l’ensemble des entreprises cotées sur le S&P et de plus de 5% ceux des valeurs du Nasdaq 100.
Aujourd’hui, personne n’est en mesure de déterminer ce qu’Apple compte faire de ses 100 milliards de dollars de trésorerie, puisque la société ne saurait trouver sur le marché de cible plus rentable… qu’Apple.
Si l’entreprise rachetait une centaine d’îles paradisiaques à la Grèce pour en faire des iSlands desservies par la 4G, y’aurait plus de pépin !
Pom-pom-pom-pom…
Pomme-pomme-pomme-pomme !