Si cette question n’a que deux réponses possibles, les solutions apportées en vain aux crises depuis plusieurs décennies montrent que l’une est totalement fausse.
Ci-dessous, un tweet fondamental dans le cadre analytique qui est le mien.
L’hypothèse selon laquelle la crise économique serait issue de la crise financière est redoutable, car elle implique que, si l’on pouvait seulement éviter ou contrôler les crises financières, alors tout irait bien.
Dans le système capitaliste, les choses et les événements apparaissent toujours sous une forme trompeuse, souvent inversée, voire même sous forme de leur contraire. C’est la dialectique.
Réguler la finance…
C’est l’hypothèse des réformistes de la deuxième gauche et de ceux qui veulent maintenir le capitalisme coûte que coûte en régulant la finance.
C’est l’hypothèse qui sous-tend le socialisme fabien, le socialisme des riches et de la société à deux vitesses, le socialisme des tricheurs du type Rocard, Strauss-Kahn, voire Macron sous certains aspects.
Cette hypothèse nous fait marcher sur la tête, elle place les conséquences – les crises financières – comme cause des crises économiques, alors que le rapport entre les deux est en réalité l’inverse ! Il s’agit idéologiquement de protéger le système de production capitaliste avec son ordre social et ses élites.
Les financiarisations sont la réponse temporaire, provisoire, aux contradictions du capitalisme, à l’antagonisme entre le Capital et le Salariat. Une réponse qui passe par l’usage de la dette qui trompe tout le monde en repoussant les contradictions dans le futur, le « kick the can » des anglo-saxons.
On remplace l’argent gagné par l’argent emprunté de la dette, puis par l’argent de la fausse monnaie. Nous en sommes là, à la fin du cycle : on joue les prolongations.
Cette hypothèse – qui convient aux banquiers, centraux ou non, ainsi qu’aux élites – laisse intacte la question centrale à savoir pourquoi, à partir du milieu des années 1960, le système s’est financiarisé. Réponse : il s’est financiarisé parce que la croissance a ralenti sous l’effet de la baisse du taux de profit et l’insuffisance d’épargne, lesquelles ont précipité la baisse des investissements productifs et donc la tendance à la compression des coûts salariaux et la montée du chômage.
… mais pas trop réguler non plus
Je démontre depuis des décennies que la financiarisation a été voulue, pensée et promue comme solution à la crise du profit qui a pris naissance à cette époque. Tout cela a débouché sur le recours accru aux dettes, puis au besoin de créer un appareil pour gérer ces dettes et les mobiliser, couvrir les risques, les disséminer, et donc déréguler, ce qui fut fait vers le début des années 1980.
On a financiarisé pour pallier les conséquences de l’excès de capital et l’insuffisance de vraie épargne que l’on n’arrive plus à mettre en valeur et à rentabiliser, pour compenser l’insuffisance des cash flows, les pertes de pouvoir d’achat des revenus des salariés qu’il a fallu surexploiter, et pour bonifier par le Ponzi monétaire la fortune des capitalistes.
Réguler la finance sans détruire la masse de capital ancien qui s’est sur-accumulée conduirait à une terrible déflation, pire que dans les années 1930. La finance permet de durer au prix d’une aggravation de tous les déséquilibres.
C’est pour cela que l’on fait semblant de réguler, mais sans jamais que les régulations mordent. Il faut faire semblant. Il faut maintenir le shadow banking, le levier, les hedge funds, les family office, la communauté spéculative; les dérivés, les faux bilans, le put, et, de temps en temps, éponger un peu…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]