La Chronique Agora

Crise des dettes souveraines européennes : le Katrina de la finance

▪ Plus nous observons Wall Street, plus nous sommes convaincu que les rumeurs des dernières 48 heures n’avaient d’autre but que de provoquer un vent de panique sur les places européennes.

Certes les circonstances s’y prêtaient admirablement bien. Certes les banques françaises paraissent plus exposées que leurs consoeurs allemandes ou italiennes sur la dette souveraine grecque. Mais les voir succomber à un risque systémique tel que suggéré par un Nuisible Anonyme dans les colonnes du Wall Street Journal, pas un investisseur américain ne semble y croire une seule seconde.

Soit les rumeurs de difficultés de refinancement en dollar sont exactes et BNP Paribas — qui perd la confiance des marchés et par là même l’accès à la liquidité — représente 10 Lehman en termes d’impact sur la clientèle des particuliers et des multinationales cotées à Wall Street.

Soit c’est du flan et certains petits malins n’en reviennent toujours pas d’avoir pu ramasser les titres de la première banque européenne à 40% de sa valeur d’actif. Elle affiche 23,5 euros contre 53 euros de fonds propres par action, d’après les derniers éléments communiqués aux marchés.

▪ Pendant que se déroulait un hold-up à huit milliards sur la capitalisation de la BNP, la seule présence médiatique de notre personnel politique se résumait à une série de déclarations du ministre de l’Intérieur recueillies à quelques centaines de mètres de son bureau.

Une opération médiatique de style coup de poing télécommandée par l’Elysée, non pas contre la spéculation qui fait disparaître en 48 heures des centaines de milliards de capitalisation boursière, mais contre… des pickpockets roumains qui dérobent quelques centaines d’euros aux touristes imprudents sur les Champs-Elysées.

Il est plus facile, en effet, d’attraper quelques enfants dont la maîtrise approximative du français et le fort accent roumain trahit leur origine dès qu’ils ouvrent la bouche que de mettre la main sur un Trader Anonyme dont les assertions invérifiables (sinon mensongères) coûtent, en quelques minutes, des milliards de pertes potentielles aux organismes qui gèrent nos retraites.

A quand une grande démonstration de force anti-spéculation ? A quand un bannissement des officines opaques opérant depuis des paradis fiscaux ? A quand une vraie coopération franco-allemande sur le dossier grec ? Il est vrai que la coopération de la police roumaine annoncée lundi constitue peut-être une avancée appréciable sur le front de la petite délinquance.

▪  L’Europe va-t-elle étonner les marchés par un — bien tardif — réflexe de survie ? Peut-elle mettre sur pied d’ici le sommet informel de vendredi une solution originale qui déjoue les anticipations d’un éclatement de la Zone euro ?

Tim Geithner va-t-il obtenir que la BCE joue officiellement un rôle d’acheteur en dernier ressort avec des moyens étendus, à l’image de la Fed depuis septembre 2008 ?

▪ Les Euro-obligations auraient pu constituer un rempart contre l’effondrement de la dette grecque sur les marchés il y a 18 mois. Mais leur mise sur le marché dans les conditions de perte de confiance absolue que nous connaissons aujourd’hui a tout de la fausse bonne solution.

Une des pistes imaginable, c’est l’activation dans l’urgence d’un FESF (Fonds de soutien européen) renforcé qui aurait pour vocation de participer à la recapitalisation des banques afin de leur permettre de faire face à une forte dépréciation des actifs grecs. Dans un second temps, cela permettrait un roulement de certaines positions de sorte qu’Athènes puisse se procurer des liquidités à des taux supportables.

Il semble en revanche illusoire de parier que la Grèce échappera au diagnostic de défaut partiel sur sa dette. Mais dans les circonstances actuelles, ce serait un moindre mal, d’autant qu’un tel scénario est déjà acté dans le cours des valeurs bancaires françaises.

D’autres scénarios sont possibles… Il nous est impossible de vous les décrire tous : ce serait fastidieux, très technique et terriblement rébarbatif.

Ce qu’il faut espérer, c’est que les mécanismes retenus aboutissent à la consolidation des fonds propres des banques, sans appel au marché. En effet, les cours actuels ne permettent plus de recourir à une augmentation de capital et il ne s’agit pas non plus d’avoir recours à une nationalisation — ce qui reviendrait à reconnaître que la situation est désespérée.

Il faudrait de surcroît que les solutions soient pérennes. Qu’elles ne consistent pas en un simple colmatage en attendant que la prochaine vague de panique — chaque fois un peu plus virulente — ne balaye les derniers sacs de sables posés à l’arrache sur les précédents.

Pour schématiser, les Européens ont fait preuve de la même inconséquence que les Américains avant l’arrivée de l’ouragan Katrina. Ils ont différé la consolidation des digues au prétexte que c’était trop coûteux (et que ceux qu’elles protègent ne payent pas l’impôt).

Mais si les flots spéculatifs s’engouffrent dans la brèche d’un défaut de paiement, même les beaux quartiers de Paris et de Berlin seront inondés ; les dégâts se chiffreront en centaines de milliards. Prévenir ce risque n’aurait coûté à l’origine que quelques de dizaines de milliards comme le suggéraient des économistes avisés dès le mois de décembre 2009.

En ce qui concerne le sort qui attend les marchés, rien n’est écrit. L’histoire semble bien différente vue de Wall Street ou de Francfort et Bruxelles.

▪ Le CAC 40 a certes ouvert un gap baissier de très mauvais augure sous les 2 967 points le 12 septembre, lequel n’a pas encore été refermé 48 heures plus tard. Mais si le vrai support moyen/long terme était 2 950 points, pourrait-on considérer qu’il est formellement cassé du fait de deux clôtures intervenues à 2 854 puis 2 894 points ? Pendant ce temps, Wall Street alignait trois séances de hausse consécutives.

Le cas de figure apparaît unique, puisque la cassure des 3 000 points à Paris, via une capitulation de -4%, survenait en même temps qu’une hausse de 1% (en moyenne) des indices américains à Wall Street.

Difficile d’interpréter une situation aussi inédite dans la mesure où le plus bas inscrit à 2 770 points ne correspond à aucun support moyen ou long terme identifiable… à aucun plancher de canal baissier… à aucun retracement standard… si n’est que le CAC 40 accusait à 2 769 points un repli de 33% sur son zénith annuel des 4 165 points.

Le test des 5 000 points comme plancher sur le DAX à Francfort a un sens. Il ne reste plus qu’à attendre que la position allemande sur le dossier grec fasse de même !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile