Malgré les affirmations des ministres concernés, les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques français restent les plus élevés d’Europe. Le « retour à la normale » n’est pas pour demain.
Le mois d’octobre annonce la saison des débats budgétaires et financiers. Ils donnent toujours aux différents gouvernements qui les animent l’occasion de faire valoir une propagande ficelée par Bercy, expliquant méthodiquement que cela va tout de même mieux que si c’était pire.
Le débat 2022 échappera d’autant moins à la règle que la proximité des élections oblige à des contorsions de haut vol. Nous vous proposons ici de déjouer les pièges du budget de l’État et des menaces fiscales qu’il porte en lui.
Les amateurs du genre auront suivi avec attention (rassurez-vous, il y a moins de cinquante personnes qui s’intéressent à cela dans le pays, économistes bancaires compris) les interventions de Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, et d’Olivier Dussopt, ministre du Budget, le lundi 22 septembre, pour expliquer que tout allait bien dans le pays, surtout depuis 2017. On pourrait ici passer en revue les phrases extraordinaires entendues à cette occasion dans la bouche des ministres. Par exemple :
« C’est le courage politique qui nous a permis de rétablir les comptes publics et de sortir la France de la procédure pour déficit public excessif », dixit Bruno Le Maire. Quand on connaît avec quelles hésitations le gouvernement a mené la réforme des retraites, pour déboucher sur un conflit historique et un renoncement à promulguer une loi votée, quand on se souvient de son absence d’action sur les dépenses de l’administration, quand on mesure l’hyper-endettement du pays commencé bien avant la crise de 2020 et du Covid, l’expression de « courage politique » ne manque pas de faire sourire.
Dans la bouche d’Olivier Dussopt, on a aussi entendu : « Mais le fil de conducteur qui caractérise les projets de loi de finances de ce quinquennat est sans aucun doute l’engagement pris par le Président de la République de faire de la France le champion d’une croissance durable. » La France deviendrait donc un « champion d’une croissance durable », comme le souhaite Emmanuel Macron.
On le voit, aucun ministre n’a cherché à éviter les discours politiques habituels qui contribuent tous à endormir les Français et à les convaincre qu’ils peuvent dormir tranquilles pendant que Papa État et Maman Sécurité sociale veillent consciencieusement sur leurs intérêts. L’essentiel est que, dans la gestion de la crise du Covid, les Français ne pensent, ne se posent pas de question, laissent la caste diriger le pays.
L’énorme mensonge des prélèvements obligatoires
Cette technique de zombification des esprits cache d’énormes mensonges qui devraient en principe être relevés et dénoncés par la presse. Mais les abondantes subventions versées par Emmanuel Macron aux différents journaux sont passées par là, jointes à la médiocrité grandissante des journalistes. Il ne se trouve donc plus une seule âme pour procéder au travail d’information correct des profanes.
On prendra l’exemple du discours délirant du gouvernement sur les prélèvements obligatoires. Bruno Le Maire prétend ainsi ramener « le taux de prélèvements obligatoires à 43,5 % en 2022, c’est-à-dire un taux qui nous permet tout juste de nous rapprocher de la moyenne européenne ». On s’amusera de cette affirmation.
Pour le montrer, nous avons cru bon rappeler les dégâts de la gestion macronienne depuis 2017 :
Les chiffres d’Eurostat, qu’il n’est pas très compliqué de trouver – et dont la dernière mise à jour ne présente pas les chiffres postérieurs à 2019 –, montrent que la moyenne européenne des prélèvements obligatoires est très concentrée entre 39 et 40% du PIB, selon qu’on y inclue le Royaume-Uni ou pas. De façon constante depuis 2016, les prélèvements obligatoires français se sont situés au moins 5 points au-dessus de la moyenne européenne.
S’il était vrai que les prélèvements réels en France baissaient à 43,5%, ils se situeraient donc encore très au-dessus de la moyenne européenne. Cependant, pour relever ce point, il faut évidemment aller chercher ses informations hors des dossiers préparés par Bercy.
Beaucoup d’impôts, beaucoup de déficits
Le tableau que nous reproduisons ci-dessus ne sert pas seulement à rappeler que les impôts en France demeurent, et de loin, les plus élevés d’Europe. Il sert aussi et surtout à montrer l’ampleur du mensonge officiel lorsque Bruno Le Maire affirme que les impôts ont baissé sous Emmanuel Macron. S’il est vrai que, pour 2022, ces impôts vont baisser pour des raisons purement circonstancielles, ils ont en réalité fortement augmenté durement les deux premières années du quinquennat. En 2019, ils ont à peine retrouvé leur niveau de 2016, quand le très dépensier François Hollande était au pouvoir.
Dans le temps même où Emmanuel Macron augmentait les impôts, il augmentait encore plus fortement les dépenses, jusqu’à l’explosion du « quoiqu’il en coûte ». Pour 2022, les dégâts sont tels que le gouvernement ose à peine dévoiler la réalité. Le texte du dossier de presse effleure à peine l’ampleur du mal. Mais nous avons retrouvé pour vous le tableau qui dit tout.
Le tableau ci-dessous parle de lui-même et illustre, sans qu’il soit besoin de commenter, la dégradation cataclysmique des comptes publics en France. En 2022, le déficit public français flirtera encore avec les 5% du PIB, et les dépenses publiques dépasseront les 55% du PIB. Autant dire que le « retour à la normale » dans les dépenses n’est pas pour demain et que le prochain quinquennat ne pourra longtemps ignorer la question de la réduction des déficits et du désendettement du pays.
Nous complèterons cette analyse demain par un tour d’horizon des impôts qui viendront probablement, en 2022, compenser ce déficit, une fois l’élection présidentielle passée.