La Chronique Agora

Comment transformer de mauvaises nouvelles en signes encourageants

▪ Alors que nous entamons une nouvelle année chargée d’espoirs, les investisseurs doivent faire face à une large série de "connues" et "d’inconnues". La plupart des connues sont, au mieux, sans intérêt.

Et alors ? Les inconnues peuvent être tout ce que nous voulons qu’elles soient… du moins jusqu’à ce qu’elles deviennent des connues. Nous allons vous montrer à quel point il est facile de transformer une connue sans intérêt en une inconnue vraiment enthousiasmante…

Début janvier, l’Institute for Supply Management (ISM) a annoncé que son indice manufacturier s’élevait à 57,0 en décembre — en légère augmentation par rapport à novembre (56,6), mais encore bien en deçà du chiffre de 60,4 d’avril dernier.

Voilà un rapport guère stimulant… jusqu’à ce qu’on tombe sur le numéro du lendemain du Wall Street Journal. "L’activité manufacturière s’est accélérée en décembre", clamait le Journal. Si l’on se fonde sur les chiffres, le compte du Journal est tout simplement faux. Mais ce n’est pas cela qui importe ici. Ce qui est important est l’affirmation optimiste du Journal sur la future activité manufacturière — c’est-à-dire l’inconnue magnifique. En d’autres termes, l’activité manufacturière ne s’est pas réellement accélérée en décembre mais elle va probablement le faire en janvier, pas vrai ?

▪ Voici un autre exemple fascinant de rêve construit de toutes pièces : à la fin de la semaine dernière, Moody’s a annoncé que le prêt aux entreprises a connu une hausse de 0,2% au quatrième trimestre. Armé de cette donnée franchement peu excitante, le Wall Street Journal a déclaré : "les banques ouvrent le robinet du crédit". Faux !

Le seul robinet qui soit actuellement ouvert dans les plus grandes banques américaines est celui qui verse des capitaux dans les opérations de trading pour leur compte propre. Comme le montre le graphique ci-dessous, le volume des "actifs financiers" dans les banques américaines a grimpé en flèche. Il s’agit des mêmes "actifs financiers" qui ont produit les résultats de trading parfaits et/ou presque parfaits chez Goldman Sachs, JP Morgan et d’autres.

Est-il donc étonnant que cette partie des bilans bancaires augmente alors que les composants traditionnels — comme les prêts réels — soit diminuent soit stagnent ? Si vous aviez accès à des fonds gouvernementaux bon marché, subventionnés, ainsi qu’à un cartel quasi-monopolistique sur la vente des titres gouvernementaux, vous embêteriez-vous à faire un prêt ?… Non. Et nous non plus.

Mais nous nous éloignons de notre sujet…

▪ Jetons un oeil sur une autre donnée peu inspirante. Le département du Travail américain a récemment annoncé que les demandes d’indemnités de chômage ont augmenté de 18 000, passant à 409 000. Bloomberg News a réagi avec ce double titre : "le mois dernier, les demandeurs d’emploi ont chuté à leur niveau le plus bas depuis juillet 2008", et "rebond du dollar sur fond d’optimisme sur un marché du travail renforcé".

Voyez à quel point c’est facile ? Si vous avez un rapport d’exploitation industrielle tiède, pas de problème. Intitulez-le : "les usines américaines prêtes à avancer alors que l’économie prend de la vitesse". Si vous avez un rapport des ventes au détail minable, ne vous inquiétez pas. Décrivez cet échec ainsi : "le blizzard empêche la consommation des ménages renaissante".

Allons, à votre tour d’essayer. Chez vous, avec votre famille, vous allez bien vous amuser.

Vous pourriez dire que les investisseurs sont doués pour créer quelque chose à partir de rien. Mais n’est-ce pas ce que fait également le LSD ? Hors du domaine financier, l’auto-illusion chronique nécessite généralement une combinaison de thérapie et/ou de rééducation. Mais à l’intérieur du domaine financier, l’auto-illusion n’est pas seulement normale, elle est souvent très rentable… du moins pendant un certain temps.

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