La Chronique Agora

Comment l’industrie financière a pris le mors aux dents

▪ Les sociétés deviennent plus complexes à mesure qu’elles mûrissent. Chaque défi… ou opportunité… est accueilli par un nouveau trucage d’une sorte ou d’une autre. Un impôt. Une réglementation. Un bidouillage organisationnel.

A mesure que le temps passe, ces bidouillages agissent comme une friction : ils ralentissent la machine. Elle s’ankylose… elle devient inflexible et peu réceptive. Au cours du temps, de plus en plus de gens profitent des trucages — des groupes de lobbying, chacun bénéficiant de son propre renflouage ou subvention… et chacun s’y accrochant désespérément.

C’est ainsi que les activités non-productives prennent le dessus. Les vrais producteurs sont punis — à coups de taxes et de réglementations — tandis que les activités improductives sont récompensées par des renflouages, des subventions et des faveurs.

L’industrie financière représentait 2,5% de l’économie américaine lorsque la Deuxième Guerre mondiale a pris fin. Elle est désormais à 8,5%. Comment est-elle devenue aussi énorme ? Que fait-elle pour tout cet argent ?

▪ La financiarisation de l’économie américaine
La réponse à la première question, c’est que le secteur financier s’est développé à mesure que l’économie se « financiarisait ». De plus en plus de lois ont été passées accordant de plus en plus de faveurs et de protection au secteur financier. Il suffit de lire le Code des Impôts américain. Allez-y si vous l’osez ! Vous y trouverez des dérogations et des accords pour le secteur des assurances quasiment sur toutes les pages. Il y a également des règles pour les fonds de pension. Et pour les retraites elles-mêmes. Tout est réglementé… contrôlé… protégé.

Tout ça est arrivé à la suite de la plus grande expansion d’instruments financiers de l’histoire mondiale. Les autorités ont transformé l’économie ; c’était un système fabriquant des choses… avec profit… qui est devenu un système ne faisant que générer de l’argent. La masse monétaire américaine a augmenté de 1 300% durant les 40 années qui ont suivi la fermeture de la « fenêtre de l’or » par Nixon au Trésor US. Cette « richesse » n’a pas pris la forme de nouvelles usines en Nouvelle-Angleterre ou de nouveaux tracteurs dans le Vieux Sud. Elle est passée en grande partie dans des instruments monétaires… canalisée grâce à l’industrie financière vers les riches qui possédaient des actifs financiers.

Chaque nouveau concurrent potentiel devait se plier à une telle montagne de lois et de réglementations qu’il abandonnait rapidement. Même s’il obtenait un permis, il ne pouvait espérer fournir un nouveau produit. Il ne pouvait qu’offrir les mêmes services et produits que ceux que les principales entreprises, solidement installées, avaient déjà en stock.

John Kay, dans le Financial Times, explique ce qui serait arrivé si le secteur informatique avait été soumis aux mêmes exigences.

« S’il avait fallu un permis pour s’installer dans le secteur informatique américain, imaginez l’Agence de réglementation information interroger Bill Gates et Steve Jobs dans les années 70. Quel régulateur zélé permettrait à quelqu’un qui n’a même pas terminé son diplôme de Harvard de vendre des logiciels au public ? »

Protégée, gâtée, l’industrie financière a pris le mors aux dents. Elle était censée mettre en contact des investisseurs avec des investissements dignes de ce nom, aidant à générer croissance et prospérité aux Etats-Unis. Au lieu de ça, elle a mis en contact la majeure partie du nouvel argent avec… lui-même.

L’Américain moyen s’en est trouvé appauvri. Quarante ans après que la devise américaine a pris le large, il n’a pas un sou de pouvoir d’achat supplémentaire par heure. Et 4,5 fois plus de dette, en tenant compte de l’inflation.

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