La Chronique Agora

Comment Barack Obama peut-il résoudre l'incompatibilité entre l'emploi et les bonus ?

▪ Barack Obama a organisé une allocution surprise hier avant de s’envoler pour sa première tournée officielle en Asie. L’intervention n’a pas duré plus de trois minutes et le message principal concernait l’organisation d’une vaste consultation de toutes les forces vives de la nation début décembre visant à relancer le marché du travail.

Les 17,5% d’Américains sans emploi ou effectuant des missions de quelques heures par mois ne peuvent que s’en réjouir — ainsi que de l’extension de la période d’indemnisation du chômage à 14 semaines sur l’ensemble du territoire — mais c’est aussi un terrible aveu de la part de la Maison Blanche.

L’encouragement d’une politique de taux zéro mise en place il y a maintenant plus de neuf mois ne débouche sur aucune véritable embellie économique. Les entreprises continuent d’utiliser la masse salariale comme principale variable d’ajustement, au nom de la rationalité financière et de l’impératif de satisfaction des actionnaires qu’exige Wall Street.

Le seul résultat véritablement tangible des mesures non conventionnelles appliquées par la Fed, c’est un transfert de richesse d’une rapidité et d’une ampleur inégalée dans l’histoire des Etats-Unis : des contribuables en faveur d’une minorité de brasseurs d’argent.

Ben Bernanke et ses collègues ne cessent de les encourager à spéculer — sans limite de prise de risque — contre le dollar afin d’engranger des plus-values d’arbitrage (avec effet de levier) sur toutes les autres classes d’actifs (actions, junk bonds, matières premières, or).

Pas question bien entendu de redistribuer ces gains sous forme de prêts à des conditions avantageuses pour la recherche/développement ou la création de nouvelles start up. Pas question d’inviter l’Etat (et donc le contribuable) à profiter de l’envol des cours des banques généreusement sponsorisées à coup de centaines de milliards de dollars depuis l’automne dernier. Pas question non plus de réduire le taux de chargement des cartes de crédit — qui s’étage entre 16% et 25% en moyenne selon les banques et le profil des emprunteurs.

Nous sommes prêts à parier que Wall Street fera tout pour que l’éventuel plan de relance de l’emploi sous l’impulsion de Barrack Obama échoue. Il suffira de dissuader les entreprises d’alourdir leurs coûts et d’intensifier la pression pour qu’elles mettent le paquet sur les marges. Pas de profit signifie pas de crédit ainsi que la promesse d’un massacre boursier si le chiffre d’affaires ne progresse pas alors que le dollar est consciencieusement laminé depuis mars.

L’équation davantage de chômage = davantage de bonus (une variante du "chômez braves gens, nos bonus en dépendent" évoqué dans la chronique de mardi) est plus que jamais d’actualité. La courte intervention présidentielle relative à l’emploi prouve que la question est au coeur des débats au sein même de la Maison Blanche. L’enrichissement sans borne de ceux-là même qui ont provoqué l’effondrement du système et la dépression économique qui s’en est suivie — et qui perdure –, voilà qui devient socialement explosif.

▪ La rengaine de la normalisation de la situation du secteur du crédit n’est qu’un tissu de mensonges. Plusieurs réassureurs (monoliners) qui avaient échappé au dépôt de bilan à l’automne dernier sont plus que jamais au bord du gouffre et le font savoir.

Capmark et CIT se sont mis sous la protection de la loi sur les faillites. L’enjeu pour les emprunteurs dépasse les 80 milliards de dollars en cumulant les engagements de ces deux spécialistes de l’immobilier commercial. La FDIC ne sait comment gérer une avalanche de 300 dossiers de banques qui doivent déposer le bilan — en plus des 120 établissements qui ont déjà mis la clé sous la porte — alors que les caisses du fond de garantie des dépôts des épargnants sont vides.

Un des tous derniers sinistres — il date du week-end dernier — lui a coûté très cher. United Commercial Bank de San Francisco, gérait 11,2 milliards de dollars d’actifs, c’était la huitième plus grosse faillite bancaire des 20 dernières années… mais la presse américaine a carrément étouffé l’info !

C’est compréhensible, l’essentiel de la pagination était consacrée à la couverture du G20 finance réuni à Saint-Andrews, lequel venait d’inviter les marchés de la manière la plus ouverte à se livrer à une orgie de carry trade aux frais du contribuable américain. Car lorsque le dollar chute et que le prix du fuel et des produits importés augmente, qui paye la note ?

▪ Les cambistes ne donnaient pas cher (littéralement) des chances du dollar de préserver le plancher des 1,5060 euro cette semaine. Le consensus baissier était tellement univoque mardi et mercredi derniers que nous ne sommes pas surpris que le billet vert prenne tout le monde à contre-pied avec un rebond de 1% qui a pris beaucoup de spéculateurs de court.

Cela dit, la réaction très modestement baissière des places boursières démontre que ce sursaut ne convainc et n’impressionne pas grand monde.

Le CAC 40 a simplement ricoché pour la seconde fois en 48 heures sous les 3 843,7 points, à l’issue d’une séance un peu plus volatile que la veille (en terme d’instabilité des cours) et marquée par une hausse des volumes de 10%.

C’est devenu un phénomène récurrent mais qui demeure paradoxal. Les phases haussières se développent sur fond de volumes réduits, ou tout juste quelconque. Et les corrections marquent à chaque fois une intensification des échanges.

La tendance demeure pourtant globalement haussière depuis huit mois, accréditant la thèse selon laquelle des institutionnels, structurellement acheteurs, faisaient la différence.

Mais peut-être que la hausse paradoxale des derniers mois — qui devient intégralement spéculative via la mécanique du carry trade — reflète en premier lieu cette stratégie si répandue chez les day traders qui consiste à s’abstenir de vendre dès que le marché monte. La hausse dans ces conditions s’opère dans le vide.

En ricochant une seconde fois sous les 3 840/3 845 points, le CAC 40 dessine avec une application d’élève des Beaux-Arts l’ébauche d’une configuration en tête/épaules. Aucune chance de voir ce scénario se confirmer si le dollar rechute sous 1,5050 euro. Mais gare à la validation sous les 3 580/3 600 points si le billet vert corrigeait sous les 1,4750 euro.

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