La Chronique Agora

Comment aggraver une crise en deux leçons (2/2)

Frappant un système déjà très fragilisé, la crise du Covid-19 est désormais aggravée par des choix politiques et économiques désastreux.

Nous avons vu hier ce qu’il aurait pu advenir de l’économie si les fondamentaux avaient été sains – et les autorités moins interventionnistes. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur…

… Ce qui s’est réellement passé 

Dans un système monétaire fragile, ayant connu une longue période d’inflation pernicieuse du prix des actifs et où les experts de l’ingénierie financière sont parvenus à maximiser le recours à l’effet de levier financier, souvent de façon camouflée, de manière à capitaliser sur certaines forces irrationnelles (comme par exemple les investisseurs privés de rendement qui se sont mis à appliquer des stratégies de suivi de tendance), les réserves réelles de fonds propres excédentaires sont faibles.

Cet état de fait était masqué au plus haut de la période d’inflation du prix des actifs par les niveaux de valorisation stratosphériques observés sur le marché boursier, même lorsque les programmes de rachat d’actions étaient particulièrement agressifs.

En principe, lorsque les réserves de fonds propres sont confortables et qu’une catastrophe naturelle survient, les actionnaires et les créanciers sont en capacité de négocier un accord de redressement financier gagnant-gagnant.

Les créanciers se voient proposer (par les actionnaires) de transformer une partie de leurs créances en une participation au capital. Ainsi, l’opération permet de faire remonter la valeur de leurs titres de créance (après avoir chuté à un niveau qui reflète la dépréciation de ces créances suite au désastre naturel).

Les actionnaires sont également gagnants (tout comme les créanciers détenteurs d’obligations) du fait de la réduction du risque de faillite et du poids des charges financières.

Cette négociation volontaire entre égaux ne peut pas avoir lieu lorsque l’endettement est déjà tellement élevé, avant même que la catastrophe naturelle ne survienne, que la faillite est en fait inévitable.

La perte de valeur est inévitable… mais aurait pu être limitée

Même dans un système monétaire sain, la pandémie aurait entraîné une chute de la valeur globale des actions (et des obligations à risque) — mais seulement d’un montant qui reflète la chute de la rentabilité des entreprises sur toute la durée de la crise sanitaire.

A l’inverse, dans le contexte d’un environnement économique caractérisé par une inflation rapide du prix des actifs, des krachs à répétition se produisent, amplifiés par l’émergence d’une crise de la dette.

Les théories hautement spéculatives, autrefois populaires et tenues pour vraies par les investisseurs désespérément à la recherche de rendement, justifiant le recours à des stratégies de trading agressives sur l’écart de rendement entre devises et sur les actions, ont soudainement perdu leur attrait.

C’était la situation dans laquelle nous étions lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé.

Des dirigeants lavés de toute responsabilité

L’utilisation de l’effet de levier et la croyance naïve dans des théories hautement spéculatives se sont propagées bien au-delà du raisonnable. De ce fait, le choc d’offre est devenu le catalyseur qui a mis fin à la longue phase d’inflation du prix des actifs ayant débuté en 2012-2013, pour laisser place à une phase de dégonflement de la bulle.

Pourtant, paradoxalement, les responsables de cette inflation du prix des actifs — les banquiers centraux et les dirigeants politiques qui les ont poussés dans cette direction par le jeu des nominations — ont été lavés de toute responsabilité. Le krach est uniquement la conséquence du Covid-19, imbécile.

Cette cabale de néo-keynésiens, d’anciens barons du capital-investissement et de populistes aux commandes de la politique monétaire a élaboré un plan de « relance » plus radical que ce qui jamais été entrepris en temps de paix. Comme par magie, ce plan est supposé atténuer le choc d’offre.

Avec la Réserve fédérale qui montre la voie en lançant un programme de rachat illimité de bons du Trésor et en imposant des taux d’intérêt nuls, toutes les limites présentes dans le scénario contrefactuel d’un système d’étalon-or ont volé en éclats.

Il ne s’agit pas d’opérations temporaires — ce sont des mesures à long terme. Le plan de « relance » monétaire s’accompagne d’un programme gouvernemental massif de contre-garantie des emprunts d’entreprises sélectionnées, permettant à la Réserve fédérale de racheter ces dettes.

Inflation et krachs à répétition

La combinaison de l’ensemble de ces facteurs ouvre la voie à une inflation élevée au cours de la période qui suivra la pandémie, mais aussi à des krachs à répétition et une récession.

En pratique, la courbe en v du choc d’offre, suivi par un rebond, devrait se superposer à la récession et à la reprise économique ultérieure qui suivront la longue phase d’inflation pernicieuse du prix des actifs que nous avons connue. Une inflation élevée résulte d’une situation dans laquelle la dette publique est devenu écrasante et où le tissu économique est largement constitué d’entreprises en difficulté financière.

Il est impensable que les gouvernements et leurs banques centrales augmentent les taux d’intérêt directeurs ou cessent de manipuler les taux d’intérêt à long terme, même si une dynamique inflationniste venait à s’installer.

Ils nieront publiquement qu’une telle dynamique existe. Ils prétendront toujours que les signes d’une inflation élevée ne sont que passagers, que de toute manière l’inflation au cours des années précédentes était en dessous de l’objectif, et que les entreprises vulnérables ne devraient pas être mises en danger par une politique d’orthodoxie aveugle.

Pourquoi la dynamique inflationniste devrait s’accélérer ?

Dans le système monétaire actuel, qui n’est adossé à aucun élément tangible, l’inflation résulte d’un excès de création monétaire permettant au niveau général des prix d’augmenter fortement sans rencontrer d’obstacle.

Compte tenu du montant des investissements réalisés au cours des dernières années qui sont aujourd’hui économiquement obsolètes (c’est le résultat concret d’une mauvaise allocation du capital), du fait que le secteur productif est paralysé par le fardeau de sa dette et que la force de désinflation non monétaire que constitue la mondialisation tend à s’affaiblir, toutes les conditions sont en place pour qu’une forte inflation des prix des biens et des services fasse son retour.

L’obsolescence du capital humain et la raréfaction des opportunités d’emplois dans les secteurs où les employés peu qualifiés trouvaient autrefois du travail implique que l’inflation pourrait décoller au moment même où le taux de chômage agrégé atteint des niveaux remarquablement élevés par rapport à leurs niveaux récents. Au sein de cet agrégat, certaines sections du marché du travail, qui est hautement hétérogène, seront dans une situation particulièrement difficile.

Le jumeau monétaire de l’inflation des prix des biens et services — l’inflation du prix des actifs — va ressurgir, mais avec de nouvelles croyances pour la justifier (aux côtés d’autres plus anciennes, en particulier en ce qui concerne les grandes sociétés technologiques), ainsi qu’un ensemble d’épicentres différents de ceux auxquels nous étions habitués au cours des dernières décennies.

La compétence nécessaire pour analyser les cycles passés, présents et futurs est la même que celle que Balzac préconisait aux écrivains de développer — une capacité à simultanément individualiser les catégories et catégoriser les individus.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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