La Chronique Agora

Comme un lapin traversant la route

** "C’est comme un lapin traversant la route".

* Elizabeth est venue à Londres le week-end dernier. Nous discutions dans un petit café.

* "Instinctivement, le lapin fait des zigzags", avons-nous expliqué. "Il voit venir un loup… il bondit d’un côté, puis oblique soudain de l’autre côté. Le loup qui le poursuit est plus lourd. Son élan l’entraîne dans la même direction, si bien qu’il manquera probablement le lapin. C’est l’instinct de survie… les lapins zigzaguent, parce que les lapins qui ne savaient pas zigzaguer étaient mangés par les loups avant d’avoir une chance de se reproduire"…

* "Mais nous voilà en 2007 : un lapin voit une voiture arriver sur la route. Au lieu de s’écarter de son chemin, il prend la voiture pour un loup et part en zigzags. Résultat : un lapin mort. L’instinct qui représentait une adaptation utile dans un précédent environnement est désormais mortel"…

* "Hmm…", déclara Elizabeth… "Je me demande lesquels de nos instincts étaient autrefois utiles — mais se révèlent dangereux aujourd’hui"…

* "Tu en as un exemple sous les yeux — la manière dont les hommes partent en guerre… ils se battent comme si la survie de l’espèce était en jeu. Et la manière dont ils se nourrissent ? Ils mangent comme s’ils étaient au bord de la famine — parce que durant la majeure partie de son évolution, l’homme était au bord de la famine. Et… ah oui… la manière dont ils investissent".

** Mais laissons là notre conversation de comptoir, et revenons-en aux marchés financiers.

* Le Dow a encore été mis à mal cette semaine. Et, cher lecteur, à peine avions-nous prévenu que l’or était prêt à corriger qu’il perdait 27 $. Il était aux environs de 804 $ hier soir à Londres.

* Le dollar a baissé. Mais même le dollar doit corriger, de temps en temps. Il a sévèrement chuté, ces derniers temps… si bien que nous nous demandons quand il va corriger cette tendance — avant de reprendre sa chute.

* Quant à votre serviteur, bien entendu… il aimerait voir une correction de l’or et du dollar. La vie devient simplement trop chère pour nous. Nous sommes retournés voir la pièce de Maria hier soir. Elle s’est améliorée, durant les quelques semaines écoulées depuis notre première visite. Les acteurs sont plus détendus… plus à l’aise avec leurs rôles. Hier soir, le public a crié et applaudi… et les acteurs ont eu droit à trois rappels.

* Après la représentation, nous avons fait un trajet en taxi de 10 minutes — 21 $. Puis nous sommes allés diner dans un petit restaurant chinois. Nous étions huit… et l’addition se montait à 425 $.

* Pendant ce temps, chaque jour, nous perdons plus que nous gagnons. Notre salaire n’a pas bougé depuis 2001. Mais, puisque nous vivons en Europe, il a été divisé par deux. Et chaque jour où le dollar chute, nous perdons un peu plus de pouvoir d’achat.

* Dans la mesure où ils vivent aux Etats-Unis, les Américains sont moins attentifs au dollar. Mais ils voient tout de même les prix grimper… et ils finiront par réaliser combien ils ont perdu.

* Pendant ce temps, nous espérons des corrections. En partie parce que nous aimerions voir le coût de la vie baisser… et en partie parce que nous aimerions profiter de l’occasion pour nous dégager encore plus du dollar.

* Depuis le début du siècle, notre approche a été très simple : acheter de l’or durant ses creux, vendre les actions (et les actifs libellés en dollars d’une manière générale) durant leurs rebonds. Cela nous semble encore être une formule gagnante.

* "Je met l’économie US au même rang que n’importe laquelle au monde en termes de compétitivité", déclare Henry Paulson. Mais c’est là le même homme que celui qui disait que les Etats-Unis s’engageaient pour un dollar fort. Si les USA s’engagent pour un dollar fort, nous n’en voyons guère de preuves. Un dollar fort nécessiterait un homme fort à la Fed pour augmenter les taux. Nous ne pensons pas qu’il y ait quiconque d’assez vigoureux pour s’en charger. Au lieu de cela, la politique financière US est entre des mains faibles depuis de nombreuses années. Les déficits ont été tolérés… excusés… puis acceptés. A présent, "les déficits n’ont pas d’importance", déclare Dick Cheney. On a laissé le dollar flotter… libre de tout lien avec le monde réel et les vraies choses. Le monde a été saturé de billets verts… inondé… trempé jusqu’aux os. Voilà pourquoi la valeur du dollar baisse ; nous ne voyons personne d’assez fort pour inverser la politique.

* Au lieu de cela, les dépenses gouvernementales ont échappé à tout contrôle. Le dollar a échappé à tout contrôle. La dette a échappé à tout contrôle. La balance commerciale a échappé à tout contrôle.

** Et imaginez un peu ça : aux Etats-Unis, les présidents d’université gagnent désormais plus d’un million de dollars par an. Fut un temps où la présidence d’une université était considérée comme un honneur. Les gens appréciaient le prestige. Ils aimaient les bâtiments couverts de lierre… les grands penseurs… les livres… les petites étudiantes. Ils n’attendaient pas d’argent.

* Mais à présent… c’est l’argent, encore l’argent, toujours l’argent… partout où on pose le regard — alors que la valeur de l’argent lui-même disparaît.

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