La Chronique Agora

Comme le bouffon le disait au voleur (2)

Par Bill Bonner (*)

Le 6 septembre dernier, le gouvernement américain nationalisait Freddie Mac et Fannie Mae, ruinant les actionnaires. Le 14, Lehman Brothers rendit l’âme. Le grand chef de Lehman, Dick Fuld, accusa les quelques personnes qui semblaient avoir compris ce qui se passait — c’est-à-dire celles qui avaient vendu les actions de la société : "quand je rencontre un vendeur à découvert, j’ai envie de lui arracher le coeur et de le manger devant ses yeux alors qu’il est encore vivant". Le lendemain, Merrill Lynch cessa d’être une banque d’investissement ; elle fut reprise par Bank of America. Et le jour suivant, la Fed renfloua American International Group Inc. en échange d’une participation de 80 %.

Mais à la mi-septembre, les autorités financières — qui ne voyaient ni n’entendaient aucun mal — étaient sur le coup. Le 18 septembre, la Financial Services Authority britannique adopta l’approche de Fuld ; elle interdit la vente à découvert des valeurs financières. Le lendemain, le secrétaire au Trésor US Paulson s’attaqua au problème qu’il n’avait jamais vu, faisant appel au Congrès pour avancer jusqu’à 700 milliards de dollars. D’où provient ce chiffre de 700 milliards ? "Il n’est basé sur aucune donnée en particulier, nous voulions juste choisir un nombre vraiment élevé", déclara une porte-parole du département du Trésor.

Qui avait le temps de chercher des données ? "Si nous n’agissons pas, nous n’aurons peut-être plus d’économie lundi", annonça Ben Bernanke au Congrès US. M. Bernanke se trompait sur ce point comme sur tout le reste. Lundi arriva, lundi passa — l’économie ne sembla pas s’en apercevoir. Puis la Chambre des Représentants US rejeta le plan de sauvetage de Paulson et les places boursières du monde entier s’effondrèrent. Le Dow Jones enregistra la plus forte chute de son histoire. "Je pense qu’il faut laisser les entreprises qui prennent de mauvaises décisions faire faillite", déclara George Bush.

Début octobre, cependant, les sauveteurs de la planète avaient branché leurs défibrillateurs ; le Congrès US approuva l’acquisition des actifs toxiques de Wall Street jusqu’à 700 milliards de dollars, tandis que le gouvernement britannique annonçait un renflouage des banques se montant à 400 milliards de livres. "Non seulement nous avons sauvé le monde"… commençait le discours de victoire de Gordon Brown, avant d’être noyé sous les huées des Tories.

Paulson, le 13 novembre : "je pense que nos plus grandes institutions ont été stabilisées. J’en suis fermement convaincu". Deux semaines plus tard, la plus grande banque et le plus grand constructeur automobile américains étaient au bord de la banqueroute. Et alors que l’année commençait à agoniser, les bouffons étaient aux commandes des plus grands secteurs américains — l’immobilier, l’automobile, la banque et la finance — tandis que le président des Etats-Unis parvenait à capturer l’esprit de toute cette période remarquable avec un bon mot d’une absurdité flagrante : nous avons dû "abandonner les principes de l’économie de marché pour sauver le système d’économie de marché", a-t-il affirmé.

Au revoir, 2008… snif, snif.

Meilleures salutations,

Bill Bonner
Pour la Chronique Agora

(*) Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Publishing, maison-mère des Publications Agora aux Etats-Unis. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450 000 lecteurs), il intervient dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning. Il est également l’auteur des livres L’inéluctable faillite de l’économie américaine et L’Empire des Dettes.

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