La Chronique Agora

Combien de semaines encore, avant que la crise n’éclate ?

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Le quatrième trimestre vient réellement de commencer et, suite à l’annonce de la Fed, il prend la forme d’un automne boursier.

La Fed a sans surprise maintenu son statu quo ce 21 septembre, et s’est, sans surprise, ménagé la possibilité de rajouter 25 points de base supplémentaires lors de sa prochaine réunion.

Powell a également déclaré :

« Nous sommes prêts à augmenter encore les taux si cela est approprié. Le FOMC n’a pas tranché sur le fait que le loyer de l’argent a atteint ou non un sommet. »

Les experts en politique monétaire ne le savent pas non plus, puisqu’au soir de ce 20 septembre, les probabilités d’une hausse ou d’une non-hausse de taux le 1er novembre prochain ressortaient à 50/50. Wall Street n’est pas plus avancé qu’au sortir de l’insipide symposium de Jackson Hole qui s’est tenu il y a quatre semaines, jour pour jour.

Deux prévisions

Les investisseurs se seraient donc livrés, en vain, durant ces semaines qui ont paru durer une éternité (tant on s’est ennuyé sur les marchés), à 1 000 exégèses sur la possibilité que la hausse du 26 juillet dernier ait pu être la dernière. En effet, dans ce cas, en partant du délai historique de temporisation, qui laisse prévoir l’amorce d’une décrue des taux entre six et neuf mois après la dernière hausse, le « pivot » de la Fed pouvait s’amorcer d’ici mars prochain.

Powell a tenté de faire voler en éclats ce scénario, en affirmant que les taux ne redescendront pas en dessous de 5% jusqu’à la fin de l’année 2024.

Cela permet tout de même d’envisager deux baisses de taux dans un an environ, pour revenir de 5,50 à 5%… mais cela repousse de six mois le fameux pivot, pourtant encore envisagé par beaucoup d’investisseurs dès la fin du premier trimestre 2024.

La désillusion aurait pu ébranler Wall Street, mais le S&P 500 n’a pas lâché plus de 1,1%. Les investisseurs en question continuent de privilégier leur propre agenda. C’est logique, car, s’ils y renoncent, la note va être très salée pour l’Etat américain surendetté, pour les consommateurs étranglés par des conditions de crédit durablement inabordables, et pour les entreprises en difficulté dans l’incapacité de se refinancer.

Les stratèges de Wall Street ont préféré dépenser leur énergie mentale dans des exercices divinatoires, plutôt que de faire face au tyrannosaure dans la pièce : la dette fédérale totale des Etats-Unis vient de dépasser le cap des 33 000 Mds$.

Nouveaux records

Depuis la résolution de la « crise du plafond de la dette » début juin, les Etats-Unis ont ajouté 1 000 Mds$ chaque mois (33 Mds$ par jour) sur cette montagne de dette, et ils empilent déjà 600 Mds$ de plus en huit mois de 2023 qu’à l’issue de l’année 2022 tout entière.

S’ils gardent le rythme actuel, les Etats-Unis auront ainsi ajouté un total de 12 000 Mds$ de dette à leurs comptes en 4 ans (depuis mi-2019 plus précisément, donc 50 mois), soit plus du tiers de l’endettement des Etats-Unis accumulé depuis leur création.

Alors que les Etats-Unis doivent déjà débourser 3 Mds$ d’intérêt par jour ouvré, le « service » de la dette aura atteint – c’est une certitude –  un rythme de croisière de 1 000 Mds$ au 31 décembre 2023.

Le paiement des intérêts représentera alors le premier poste de dépenses fédérales… en fait, le plus gros poste de dépenses de l’histoire du pays.

Ce ne serait pas trop inquiétant si les recettes fiscales accéléraient au même rythme que le volume de la dette, mais c’est l’exact inverse qui se produit : elles sont désormais en baisse de 8,4% sur les 12 derniers mois, tandis que le déficit fédéral explose à un rythme symétrique.

Une crise… un jour…

Cet effet de ciseaux ne peut que s’avérer dévastateur, et la seule question que Wall Street devrait se poser est : combien de semaines encore, avant que la crise n’éclate ?

Et c’est exactement cette question que Jerome Powell a éludé (naturellement) et qu’aucun journaliste – comme d’habitude – n’a osé lui soumettre, ce qui aurait été un excellent moyen de perdre son accréditation pour couvrir les prochains événements du genre.

Le problème, c’est que les créanciers de l’Amérique ont déjà leur réponse et s’empressent de réduire leurs stocks de T-Bonds, à l’image de l’Arabie saoudite, qui a réduit d’un tiers ses avoirs en dollars en un an… et ce n’est qu’un exemple parmi onze autres, qui formeront les BRICS élargis au 1er janvier 2024.

Le retour de la monétisation de la dette américaine n’est qu’une question de semaine, ou de quelques mois tout au plus : le franchissement des 4,36% par le bon du Trésor américain à 10 ans sonne le tocsin sur le marché obligataire, et il va falloir un degré d’inconséquences sidérale à Wall Street pour faire comme il ne s’était rien passé : le quatrième trimestre vient réellement de commencer… en forme d’automne boursier ?

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