La Chronique Agora

Combattre la Fed

Les obligations mondiales chutent, les actions s’effondrent et… des craquements se font entendre.

Cette semaine, Wall Street n’était pas en joie. Petit à petit, jour après jour, les choses se précisent : rentrer à la maison ne sera pas facile.

Acheter les creux n’est pas une bonne idée. Lutter contre la Fed est un combat perdu d’avance. Et la Fed ne soutient plus les prix des actifs.

N’oubliez pas qu’il s’agit d’une période de transition. Il est difficile de se faire une idée de ce qui se passe réellement. Mais il y a près de trois ans, il nous semblait que la tendance primaire s’était inversée. Nous pensions que nous étions aux prémices d’un grand marché baissier. Les actions et les obligations étaient orientées à la baisse.

Le marché obligataire a atteint son apogée à l’été 2020. Depuis lors, les obligations américaines ont baissé de plus de 15%. Mais les prix à la consommation ont augmenté de près de 20%. Par conséquent, si vous récupérez votre capital aujourd’hui, vous subissez une perte d’environ 35%.

Baisse des obligations dans le monde entier

Voici un article de Bloomberg sur la chute mondiale des obligations :

« La chute des bons du Trésor s’étend au monde entier alors que les rendements de référence américains avoisinent les 5%. 

Les traders s’attendent à ce que les rendements américains à 10 ans dépassent les 5% pour la première fois depuis 2007, après qu’ils aient grimpé à 4,85% cette semaine. La corrélation entre l’indice Bloomberg des titres mondiaux et l’indice des bons du Trésor a atteint son plus haut niveau depuis mars 2020. 

La chute incessante des emprunts d’État américains provoque des remous sur les principaux marchés obligataires, les opérateurs réalisant que les taux d’intérêt risquent de rester élevés plus longtemps.

Quant aux actions, il a fallu attendre 18 mois de plus (après que les rendements obligataires aient atteint leur niveau le plus bas), mais elles se sont finalement repliées au début de 2022. Cette semaine, les investisseurs du Dow Jones ont perdu environ 10% de leur richesse en termes nominaux. Si l’on ajoute à ce chiffre la diminution de 20% de leur pouvoir d’achat, cela équivaut à une perte de 30% de leur richesse. »

Il s’agit là d’un sérieux revers.

Comme disent les traders, « votre première perte est la meilleure ». Cela signifie que lorsque vous voyez que la tendance ne va pas dans votre sens, vous devez rentrer chez vous le plus rapidement possible.

Plus longtemps à la hausse

Même CNBC a compris :

« Le craquement sur les marchés financiers n’est pas une rupture habituelle, où une classe d’actifs se fracture et cède. Il s’agit plutôt d’une rupture dans un récit, qui a des répercussions à grande échelle. »

L’histoire en question est celle où la Réserve fédérale maintient les taux d’intérêt à un niveau très bas, et où tout le monde à Wall Street en profite.

Ce récit est en train de changer.

Il est en train d’être remplacé par un récit dans lequel les taux vont rester plus longtemps élevés ; il s’agit d’une idée que les responsables de la Fed ont tenté de faire accepter au marché, et que les investisseurs commencent à peine à assimiler.

L’idée d’une hausse prolongée provoque de nombreuses fissures. Les acheteurs de logements, par exemple, envisagent d’avoir recours à des prêts hypothécaires à taux fixe sur 30 ans, qui se heurtent à un taux de 8%. C’est un grand changement par rapport au creux de 2020, où l’on pouvait obtenir un taux à 30 ans de seulement 2,65%. Nombreux sont ceux qui doivent s’en vouloir de ne pas avoir bloqué ce taux bas lorsqu’ils en avaient l’occasion.

Notre hypothèse est que ces taux d’intérêt plus élevés déclencheront une crise financière, qui elle provoquera une crise économique. De nombreux propriétaires ayant contracté des prêts hypothécaires à faible taux d’intérêt ne peuvent se permettre de vendre leur maison. Ils ont fait une bonne affaire ; ils se doivent de la conserver. D’autres personnes, qui doivent payer des intérêts beaucoup plus élevés, ne peuvent pas se permettre d’acheter.

Le fantasme des taux bas

Si l’on considère le coût du logement aux Etats-Unis en termes de pourcentage des revenus, on constate qu’il a atteint le niveau le plus élevé jamais enregistré, à savoir 43% du revenu médian.

Résultat ? L’une des principales industries du pays – le logement – est en train d’entrer en hibernation. Les ventes de logements en attente n’ont jamais été aussi basses depuis avril 2020, lorsque le pays était à l’arrêt. Quant aux mises en chantier, elles représentent à peine la moitié du niveau atteint en 1973, il y a un demi-siècle, lorsque le pays comptait 120 millions d’habitants en moins.

Mais les fissures et l’effritement ne se limitent pas au secteur du logement. La première pierre de l’édifice financier mondial est l’obligation américaine à 10 ans. Hier, le rendement réel (corrigé de l’inflation) de l’obligation à 10 ans a atteint 2,27%. C’est le même chiffre qu’en janvier 2009, juste après que Ben Bernanke a commencé à réaliser son terrible fantasme de taux ultra-bas (comme si l’on pouvait améliorer la situation des gens en falsifiant le coût du capital)… cause immédiate de la détresse financière d’aujourd’hui.

Avant que Bernanke ne déraille, le système financier américain était plutôt sain, du moins en apparence. Les gens se souvenaient de l’endroit où ils vivaient ; ils pouvaient encore rentrer chez eux.

A l’époque, emprunter coûtait de l’argent (les taux d’intérêt étaient positifs)… ce qui limitait l’endettement à ce que les gens pouvaient se permettre. Mais après que la Fed a ramené les taux d’intérêt en dessous de zéro, en termes réels, il n’y avait plus aucune limite. C’est ainsi que le monde financier américain est devenu ce qu’il est devenu – durant la période 2009-2020 : le pays des nuages, où de faux capitalistes ont emprunté de l’argent fictif à des taux d’intérêt fictifs afin de réaliser des profits fictifs.

Ces profits disparaissent lorsque toute la mascarade prend fin. Soudainement dégrisés, les gens cherchent leurs clés de voiture… et tentent de se rappeler comment rentrer chez eux.

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