La Chronique Agora

Le combat contre le mal

combat bien mal

Tous les empires sont égaux… mais certains sont plus égaux que d’autres.

La semaine dernière, l’ambassadeur de France au Niger est rentré chez lui, après être resté coincé plusieurs semaines dans son ambassade, après le récent coup d’Etat.

Il y a encore quelques années, la France y aurait envoyé son armée, qui aurait fessé quelques derrières… distribué des francs à quelques dirigeants locaux… et « remis de l’ordre ». Ce n’est plus le cas. Désormais, elle se retire.

Mais ce n’est pas que la France qui perd de son influence ; c’est tout « l’Occident ». Les BRICS gagnent en puissance. Le yuan est utilisé à la place du dollar. Et même si les Etats-Unis peuvent encore distribuer des volées de bois vert… elles sont vites oubliées.

Les Européens ont été les premiers à bénéficier de la révolution industrielle. L’un de ces bénéfices, si vous pouvez le qualifier comme tel, a été d’avoir une plus grande puissance militaire. Ils s’en sont servis pour prendre le contrôle d’une bonne partie du monde. Les Etats-Unis sont arrivés en retard dans ce grand jeu géopolitique – ayant été restreints par la sagesse des pères fondateurs et surtout préoccupés par leurs conquêtes nord-américaines. Mais, arrivés à la fin du XIXe siècle, le pays avait la plus grande économie du monde… et des troupes des deux côtés du Pacifique.

De nombreuses colonies ont obtenu l’indépendance après la Seconde Guerre mondiale… souvent de manière désastreuse… mais « l’Occident » restait le groupe le plus puissant du monde. Quand les Soviétiques ont abandonné la partie en 1991, les Etats-Unis n’avaient plus de compétition.

Mais ces jours-là sont derrière nous.

Les « experts » – érudits en politique étrangères… diplomates… généraux à la retraite… et amateurs de géostratégie – nous ont tellement appris à propos de l’Ukraine, que s’ils continuent, bientôt, nous penserons que c’est un pays au nord du Japon… et le lieu de naissance de la musique de la musique country.

Ces « experts » ont convaincu les Etats-Unis de promettre 100 Mds$ au soutien à la guerre. Désormais, il semble qu’aucune victoire ne soit possible. Comme l’aurait dit Yogi Berra : « C’est du déjà-vu, encore une fois. »

Pour un bourbier de plus

Dans une édition récente du New York Times, Tom Friedman, un éditorialiste que nous n’apprécions pas particulièrement, a expliqué qu’il avait visité Kiev pendant trois jours. Il a vu ce que les dirigeants ukrainiens voulaient qu’il voit, et était présent à une conférence rassemblant des personnes affichant les mêmes idées creuses que lui.

Alors maintenant, il est lui-même devenu un expert de la question. Le doute a disparu de son esprit ; alors qu’il ne la voyait que péniblement, il regarde désormais la vérité clairement, face à face. Et, tout comme la campagne catastrophique en Irak, il s’agit d’un combat entre le bien et le mal, entre les gentils et les méchants.

Ou, peut-être pas. Voici l’avis de Bill Kristol, qui collecte des fonds pour un groupe appelé Républicains pour l’Ukraine :

« Quand les Etats-Unis arment l’Ukraine, nous obtenons beaucoup pour peu de coûts. Poutine est l’ennemi des Etats-Unis. Nous avons utilisé 5% de notre budget de défense pour armer l’Ukraine et, avec cela, ils ont détruit 50% de l’armée de Poutine. Nous avons accompli cela en envoyant des armes qui étaient en réserve, et non pas des troupes. Plus l’Ukraine affaiblit la Russie, plus cela affaiblit l’allié le plus proche de la Russie, la Chine. Les Etats-Unis doivent garder une position ferme contre nos ennemis, et c’est pourquoi les républicains au Congrès doivent continuer à soutenir l’Ukraine. »

Cela ressemble plus à de la géopolitique qu’un combat entre le bien et le mal. Et voici ce que rapporte le sénateur Mitch McConnell, qui explique pourquoi l’aide à l’Ukraine a en réalité bien peu à voir avec la démocratie et la justice :

« Le soutien des Etats-Unis à l’Ukraine n’est pas une oeuvre caritative. Il s’agit de défendre nos propres intérêts directs – notamment parce qu’éroder la Russie permet également de dissuader la Chine. »

Une fois de plus, des points d’interrogation manquent désespérément. Comment la Russie est-elle devenue un ennemi des Etats-Unis ? Que cherchons-nous à dissuader la Chine de faire ? Pourquoi ? Et la Russie est-elle vraiment « érodée » ? Si les Russes s’en sortent moins bien, dans quelle mesure les Américains s’en sortent-ils mieux ?

Plus égaux que d’autres

Mais peut-être que tout le monde sait désormais comment le Grand Jeu est joué. Pas de points d’interrogation nécessaire. Pas besoin de spéculer sur les inquiétudes sécuritaires de Poutine… sur les avancées de l’Otan… ou sur des coups d’Etat orchestrés par la CIA.

Récemment, Joe Biden a prononcé un discours remarquable à l’ONU. Il a enchaîné face aux notables assemblés tellement de mensonges, que nous nous attendions à ce que son nez s’allonge considérablement. Il a fait savoir que les Etats-Unis supportaient pleinement la « souveraineté », « l’intégrité territoriale » et « un monde gouverné par des règles de base qui s’appliquent de manière égale à toutes les nations ». Il a ensuite qualifié la guerre russo-ukrainienne de « guerre de conquête » russe.

Les délégués présents ont dû bien ricaner. Ils savent bien que la Russie ne peut pas conquérir l’Ukraine, ou quelconque autre territoire. Et aucun des 193 membres de l’ONU n’a violé les règles de base de manière aussi régulière et flagrante que les Etats-Unis.

Durant le seul XXIe siècle, des soldats américains sont intervenus – souvent avec des drones d’ailleurs – en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Somalie, en Lybie et en Syrie. Les Etats-Unis ont aussi parrainé des dizaines d’efforts de « changement de régime » – dont au moins un cette année, durant lequel le Premier ministre populaire du Pakistan, Imran Khan, a été remplacé par une révolution de palais. Son péché ? Il était trop « agressivement neutre » concernant la guerre en Ukraine.

Peut-être que les membres de l’ONU se sont aussi souvenus de l’attaque menée par les Etats-Unis contre la Serbie en 1999. Elle a été organisée, avec le soutien des Russes, pour soutenir la lutte du Kosovo pour son indépendance. Mais qu’est-il resté de ces considérations sur « l’indépendance » lorsque la Russie est venue à l’aide des séparatistes du Donbass, 25 ans plus tard ?

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