La Cour internationale de justice a tranché.
Il s’agissait d’une confrontation entre un « ordre fondé sur des règles » et la puissance de feu. La loi contre la brutalité. La civilisation contre la barbarie.
Vendredi, la Cour internationale de justice a rendu son verdict.
« La Cour internationale de justice a ordonné vendredi à Israël de prendre des mesures pour prévenir les actes de génocide dans le cadre de la guerre menée contre le Hamas dans la bande de Gaza, mais elle n’a pas demandé de cessez-le-feu immédiat, rapporte Reuters.
Statuant sur une affaire portée par l’Afrique du Sud, la Cour a déclaré qu’Israël devait s’assurer que ses forces ne commettaient pas de génocide, et prendre des mesures pour améliorer la situation humanitaire des civils palestiniens dans l’enclave.
Dans son arrêt, 15 des 17 juges du panel de la Cour internationale de justice (CIJ) ont voté en faveur de mesures d’urgence qui couvrent la plupart des demandes de l’Afrique du Sud, à l’exception notable de l’arrêt de l’action militaire israélienne à Gaza. »
Même la juge américaine Joan E. Donoghue s’est rangée du côté de la majorité.
S’agit-il d’un progrès ? L’arrêt a été largement ignoré aux Etats-Unis, mais il a fait la une des journaux dans le reste du monde. Il s’agit de quelque chose d’inédit : un pays tente d’empêcher un massacre perpétré par un autre pays, en faisant appel à un tribunal international.
Des preuves plausibles
Quoi qu’il en soit, c’est bien la première fois qu’une bande d’extrémistes religieux en marge du monde civilisé – sans marine – tente d’imposer un blocus maritime. Et c’est la première fois qu’un tel « acte de terrorisme » (tirer sur des navires de passage) a été commis avec l’approbation apparente de « l’ordre fondé sur des règles ».
En d’autres termes, maintenant que la CIJ a identifié des preuves plausibles de génocide, toutes les nations sont censées faire ce qu’elles peuvent pour l’empêcher. Jusqu’à présent, les Houthis sont les seuls à prendre cette responsabilité au sérieux… ce qui est en soi extraordinaire.
Il convient de noter que la CIJ n’a pas demandé à Israël de mettre un terme à ses activités militaires, simplement de veiller à ce qu’aucun génocide ne soit commis. Cela laisse aux Israéliens une certaine marge de manoeuvre, pour débattre sur les caractéristiques spécifiques d’un « génocide », et de s’ils en sont coupables ou non.
D’un autre côté, cela met tout le monde en garde. L’ordre fondé sur des règles nous scrute. Est-ce qu’il triomphera ?
Le progrès de la civilisation a été dû en grande partie à une prévalence du droit sur la brutalité. Moins de violence, plus de consensus, plus de règles coutumières. Plus d’accords gagnant-gagnant. Moins d’accords gagnant-perdant. Et aujourd’hui, la plupart des transactions dans le privé sont de type gagnant-gagnant.
A quelques exceptions près. Les voleurs à l’étalage, par exemple, prennent et ne donnent rien. Mais, en général, nous attendons de nos concitoyens qu’ils nous traitent comme nous les traiterions.
La grande exception, c’est le gouvernement. Il revendique le droit d’avoir recours à autant de violence que nécessaire pour parvenir à ses fins. Il prend notre argent. Il met les gens en prison. Il bombarde et assassine.
La mort par démocide
Aux Etats-Unis, un mouvement se dessine pour limiter le nombre d’armes à feu (466 millions !) détenues par des particuliers. Mais ce sont les armes à feu – fusils, artillerie, bombes, chars – utilisées par les forces de l’ordre qui font le plus de dégâts. Parfois, les autorités fédérales les utilisent pour tuer leurs propres citoyens. Parfois, ils les utilisent pour tuer des étrangers.
Dans son ouvrage de 1994 intitulé Death by Government, R.J. Rummel parle de « démocide« . Il évaluait alors le nombre total de morts du siècle dernier à 262 millions… et le siècle n’était pas encore terminé.
Lors de la seconde guerre mondiale, aucun des deux camps ne s’est soucié de respecter les règles. Les Japonais ont été particulièrement brutaux (plus tard, nombre d’entre eux ont été jugés et condamnés pour crimes de guerre) en Extrême-Orient. Les Allemands voulaient exterminer des groupes entiers de personnes – y compris des millions de Slaves et de Juifs (entre autres) qu’ils considéraient comme inférieurs. Les procès de Nuremberg ont condamné et pendu quelques-uns d’entre eux.
Mais les Alliés avaient aussi du sang d’innocents sur les mains. L’Union soviétique a assassiné des millions de soldats et de non-combattants de diverses manières, en affamant les prisonniers de guerre et en exécutant des officiers polonais.
Les Anglais et les Américains ont bombardé Dresde pendant trois jours en 1945, faisant 25 000 morts, presque tous des civils. Arthur « Bomber » Harris, chef du commandement des bombardiers de la RAF britannique, a parlé d’un « acte de terreur ». A titre de comparaison, il a fallu trois mois à Israël pour faire autant de victimes.
Ensuite, dans ce qui semblait n’avoir aucun objectif militaire, les Etats-Unis ont lâché deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki (des cibles civiles), alors même que le Japon tentait de se rendre.
Le pouvoir au détriment du droit
Les vainqueurs ne sont toutefois pas poursuivis pour crimes de guerre. Au contraire, ils sont gravés dans le granit et prêchent la vertu de suivre les « règles ». Après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont établi les règles. Puis ils les ont interprétées à leur guise.
Leur attaque contre l’Irak, par exemple, non provoquée et presque improvisée, constituait manifestement une violation des règles. Mais personne n’aimait l’Irak. Et la guerre a été menée en respectant au moins raisonnablement les règles de la guerre. Les civils n’ont pas été pris pour cible. La guerre s’est donc achevée sans gain pour les vainqueurs, mais sans confrontation majeure avec « l’ordre fondé sur des règles ».
Mais après le 7 octobre 2023, les Etats-Unis ont cessé de parler de règles. Son allié numéro un au Moyen-Orient, Israël, a commencé à faire des choses qui ont suscité l’indignation du monde entier, en tuant des milliers de civils. Cela a conduit l’Afrique du Sud à accuser Israël de « génocide ». Le Yémen (du moins la partie du pays dominée par les Houthis) a imposé un blocus limité aux navires israéliens.
Et maintenant que la CIJ s’est positionnée contre Israël… quelle sera la prochaine étape ? Israël va-t-elle se plier à la loi ? Ou va-t-elle ignorer la Cour et devenir un pays hors-la-loi ? Qui va gagner ? Les règles ? Ou la puissance de feu ?
En fin de compte, le monde politique est une affaire de pouvoir… et non de droit. C’est la puissance de feu qui donne le ton.
Mais les « règles » ne sont généralement pas simplement « inventées ». Elles reflètent des jugements plus profonds, sur le bien et le mal, et sur ce que les gens devraient être autorisés à faire. Et lorsque d’autres nations voient une nation hors-la-loi, elles sont susceptibles de s’alarmer et de renforcer leur propre puissance de feu…
… Se préparant à une résolution extrajudiciaire.