La Chronique Agora

Le chômage aux Etats-Unis indique des bouleversements plus profonds qu'une crise économique

▪ La semaine dernière, l’économie semblait en convalescence. Pas de récession. Pas de marché baissier. Pas de soucis. Pas de vagues.

Cette semaine-ci, en revanche, s’est levée du pied gauche. Tout à coup, les soucis et les vagues ont fait leur retour. Les actions sont en baisse, le pétrole et l’or aussi.

Tout ça ne nous surprend pas, n’est-ce pas, cher lecteur ? Après tout, nous sommes dans une Grande Correction qui pourrait basculer dans une dépression mondiale. Voici David Rosenberg avec plus d’explications :

« La réalité, c’est que les Etats-Unis se débattent encore avec les excès créés par chacune des deux dernières bulles de 1999-2000 et 2005-2006. […] Seuls 2,1 millions sur les 8,75 millions d’emplois perdus durant la récession de 2007-2009 ont été récupérés. Dans le bassin de main-d’oeuvre disponible, plus de 20 millions de personnes se font concurrence pour trois millions d’offres d’emploi — un ratio de sept pour un, soit plus du double de la norme historique, et bien au-delà de ce qu’on considérerait comme normal même durant une récession ordinaire — et nous sommes censés vivre (avoir vécu ?) dans une sorte d’expansion ».

Dans un rapport publié par deux ex-employés du Recensement US, on découvre qu’avec ce grotesque excès de capacité sur le marché de l’emploi, le salaire réel médian depuis décembre s’est contracté de près de 10%.

Faut-il s’étonner de ce que les citoyens soient si déprimés ? Un sondage récent Wall Street Journal/NBC a révélé que plus de 70% des Américains sont d’avis que leur pays est « sur une mauvaise pente » (74% pour être précis, contre 17% qui pensent le contraire). En octobre 2008, au plus haut de la crise, ce chiffre était de 78%.

Faut-il s’étonner que la révolte du popolo minuto se poursuive ? Comme nous l’avons expliqué hier, les masses ont des fourmis dans les jambes. Elles savent que quelque chose ne va pas. Bien sûr, elles ne savent pas quoi, ni comment réagir. Mais elles savent qu’elles n’aiment pas ça.

▪ Le bon côté d’une révolution, c’est qu’il est inutile de la comprendre. Elle n’a pas besoin d’avoir « un sens ». Les gens n’ont pas besoin de buts raisonnables ou de propositions réalistes. Les révolutions sont comme des actions dot.com : elles permettent aux gens de croire ce qu’ils veulent. Ils peuvent s’imaginer que la révolution les rendra tous riches… et puissants aussi. Ils s’imaginent à la retraite au soleil… ou ambassadeur à Londres. Ils peuvent s’imaginer que la révolution fera repousser leurs cheveux et ajoutera quelques centimètres à la partie la plus intime de leur anatomie. Ils peuvent croire tout ce qu’ils veulent.

Mais sous les fantasmes, on trouve une vérité bien tangible : le système actuel ne fonctionne plus pour eux.

« En France, avant la Révolution, tout le monde essayait d’obtenir des privilèges », explique notre historienne de femme. « Les riches et les puissants trouvaient toujours le moyen de s’en sortir mieux que les autres. J’imagine que c’est toujours le cas. L’un avait un monopole sur le tabac. L’autre avait le droit de collecter des impôts dans telle ou telle région de France. Un autre encore pouvait vendre des tissus ou importer de la porcelaine. Quasiment toute l’aristocratie avait été transformée en zombies ».

« Le gouvernement était ruiné. Il avait désespérément besoin d’argent. Il a donc commencé à taxer tout ce qu’il pouvait. Ce qui n’a fait qu’empirer la situation ».

Parallèlement, l’économie sous-jacente changeait rapidement. Alors que les zombies contrôlaient encore la majeure partie des terres et du gouvernement, une nouvelle classe de marchants et d’entrepreneurs créait de la richesse réelle. Cette nouvelle bourgeoisie dynamique devait se débarrasser des zombies qui l’entravaient.

La Révolution française a commencé fort sagement, avec des pétitions et des mouvements pacifiques. Les Etats Généraux furent convoqués. On écouta les griefs des uns et des autres. On promit des changements. Une grande réforme fut proposée. Et pendant quelque temps, il sembla que la France deviendrait une démocratie constitutionnelle, comme l’Angleterre, avec son monarque et des aristocrates ayant encore leur tête sur leurs épaules, mais un pouvoir réduit. Il sembla que ça pouvait fonctionner ; une révolution pacifique… une évolution vers un meilleur système, plus adapté aux besoins de la nouvelle ère capitalistique, avec moins de zombies.

Mais ce ne devait pas être. Les zombies s’obstinèrent. Ils résistèrent au changement… comme le font toujours les élites. Ils ne pouvaient pas plus accepter d’abandonner leurs privilèges que l’élite de Washington actuelle peut admettre de laisser tomber ses revenus.

Mais le spectacle doit continuer. Les élites bien installées n’évoluent pas facilement, mais on ne peut arrêter la marche de l’Histoire. La force irrépressible de la Révolution industrielle et des Lumières heurta de plein fouet la monarchie et les classe privilégiées. Le résultat ? Une collision violente et gigantesque. Le Comité de salut public… le règne de la Terreur… et les guerres napoléoniennes.

Qu’est-ce qui attend les Etats-Unis et autres pays développés ? Nous n’en savons rien. Mais le modèle « taxer-dépenser-emprunter » ne fonctionne plus. Parce que ces économies ne se développent pas assez rapidement pour suivre la hausse de la dette. Elles ne tarderont pas à être noyées.

Et ensuite ? Réussiront-elles à se réformer ? Le « changement » sera-t-il plus qu’un slogan de campagne ?

Quelle Bastille sera prise d’assaut par les foules ? Quelles têtes vont tomber ?

Nous devrons attendre pour le savoir.

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