La Chronique Agora

La Chine se désoccidentalise

Chine, Occident, valeur, soft power

L’empire du Milieu a compris le danger du rapprochement avec les valeurs occidentales, et s’en éloigne ainsi de plus en plus.

On dit aux banquiers en Chine de rectifier leur état d’esprit, de nettoyer leur « mode de vie hédoniste », et d’arrêter de copier les habitudes occidentales.

Les commentateurs occidentaux ne peuvent comprendre ce qui se passe en Chine. Ce n’est pas une question d’intelligence, c’est une question de culture et de formation. Formation au sens de forme : ils n’ont pas dans leur esprit les formes, ou les structures qui leur permettraient de mettre en ordre et d’interpréter les décisions chinoises.

Pire, ils jugent des actions du Parti communiste chinois (PCC), qui pense en termes de matérialisme dialectique, à partir de schéma spiritualistes, volontaristes, positivistes, mécanistes !

Système de valeurs

La Chine se prépare au conflit depuis maintenant de nombreuses années. Elle a stoppé l’occidentalisation, repris en mains l’éducation des enfants, la culture populaire, mis au pas les stars, les ploutocrates et milliardaires, elle a changé le patron de la banque centrale, car l’ancien voulait trop l’ouvrir et l’insérer dans le maillage occidental. Elle a maintenu le contrôle de la monnaie et des mouvements de capitaux, elle a donné un coup d’arrêt aux réformes, elle a crevé sa bulle immobilière, etc. Elle a resserré sa centralisation.

D’une façon générale, les dirigeants du PCC ont compris que, s’ils laissaient leur système interne original se banaliser sous l’influence occidentale, ils étaient perdus.

Ils ont compris qu’il fallait préserver l’isolement et le système de valeurs internes – dans tous les sens du mot : valeurs civilisationnelles, valeurs marchandes spécifiques, valeurs politiques, valeurs morales, etc.

Ils ont compris que le fondement de leur survie c’était, au sens large, le maintien et le contrôle de leur système de valeurs.

Ils ont compris que les Etats-Unis leur tendaient un piège. Celui qu’ils avaient tendu aux Soviétiques était celui de la confrontation sur le terrain choisi par les Etats-Unis. Donc, ils se sont retirés et se retirent encore de ce terrain.

Un système de type marxiste, non fondé prioritairement sur le marché et la marchandise, mais sur l’impulsion étatique, les directives du PCC, l’investissement étatique, et la valeur-travail, ne peut se laisser aller à accepter tels quelles qu’elles les valeurs extérieures véhiculées par les marchandises, la monnaie et la culture des rivaux.

La Chine ne peut survivre en tant que Chine et expérience originale que si elle se protège et évite la confrontation avec des systèmes de valeurs de l’Occident. C’est ontologique.

Pour contrer le soft power

La preuve que c’est ontologique, c’est que l’Occident cherche par tous moyens à implanter son système de valeurs chez ses ennemis, système de valeurs incluant la consommation sans limite, la jouissance, la priorité du désir sur les besoins, la vision libertarienne, la transgression, l’hédonisme généralisé, la déstructuration, etc.

Le vrai « soft power » de l’Occident, c’est sa capacité à imposer par le spectacle et l’imitation ses valeurs de décadence parce que ce sont des valeurs de laissez-aller, de confort, d’égoïsme, de moindre effort.

La Chine ne peut supporter par exemple l’extension des valeurs dites « démocratiques » occidentales.  Elle a compris que ces valeurs n’étaient pas démocratiques, qu’elles ne venaient pas du peuple, mais d’en haut, des marchands du temple. Que ces valeurs démocratiques ne l’étaient qu’en apparence, qu’elles n’étaient que formelles sans contenu réel.

La Chine a compris qu’en réalité les valeurs occidentales, par le biais du progressisme idéologique étaient des manipulations ; des manipulations comme la victimisation, la féminisation, le wokisme, la dictature de la mode, la dictature de la com’ et du pognon, la destruction du culte des ancêtres et le respect des personnes âgées, la négation des identités, etc.

Si la Chine avait continué dans la voie suivie il y a plus d’une décennie, le rêve américain se serait réalisé ; sous les coups de boutoir de l’extérieur, la Chine aurait perdu sa spécificité, ses forces et ses atouts.

D’où le coup d’arrêt et les reprises en mains.

Un mot encore sur ce sujet. Aux Etats-Unis, il y a quelques personnes qui pensent comme les Chinois et le PCC, mais ce sont surtout les néocons qui sont capables de comprendre ce qui se passe en Chine. La culture des néocons straussiens n’est pas celle des milieux politiques traditionnels en Occident ; non, leur culture est trotskiste, et à ce titre, ils sont capables de comprendre et de démonter des stratégies qui sont inspirées par le marxisme.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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