La Chronique Agora

Chaos sur la Grèce et l’Espagne : mais que fait la BCE ?

▪ Difficile de résumer cette séance de lundi en une seule formule tant les problématiques complexes s’entremêlent. Les sites boursiers anglo-saxons font dans le sensationnel mais passent à côté de l’essentiel.

Certes « la peur est de retour « , certes « l’Espagne est au bord du chaos », certes « les Allemands jettent de l’huile sur le feu »… mais ce qui nous frappe, c’est une absence : celle de réaction de la part de la BCE.

Silence assourdissant de Mario Draghi dont les dernières déclarations — qui datent d’avant l’effondrement de Madrid, Athènes et Milan — laissent songeur : « la Zone euro n’est pas en danger et l’Espagne reste un pays solvable ».

Reconnaissons qu’il a raison sur la forme puisque c’est lui qui soutient les banques ibériques à bout de bras… Mais qui irait prêter de l’argent à l’Espagne à 7,5% sur cinq et 10 ans (même rendement à 0,02% près) ou à 7% sur deux ans ?

Tout le monde sait d’expérience qu’il s’agit d’une rémunération offerte par un pays incapable de rembourser si son économie est en récession.

▪ Samba sur l’obligataire…
Rien à voir avec le Brésil qui se riait récemment de taux à 9% ou 10% avec sa croissance à plus de 5% et une balance commerciale excédentaire… mais la situation a bien changé en un an : restez sur vos gardes si l’on vous propose d’investir à São Paulo !

En attendant ce sont les taux longs de tous les pays méditerranéens qui dansent la samba. Dans le même temps, ceux des pays nordiques dansent un slow tellement déprimant qu’il semble extrait du film Melancholia (étymologiquement « bile noire ») de Lars Von trier, parsemé d’extraits de l’opéra Tristan et Isolde de Richard Wagner.

Allons-nous assister à la collision destructrice de deux planètes — celle du trading manipulatoire des actifs boursiers et obligataires percutant notre monde bien concret mais dévasté par la récession et le chômage (voire la dépression et le chaos social) ?

Certains « apocalyptiques » prédisent que la fin des temps (ont-ils lu ce roman de Barjavel ?) pour l’euro est désormais inscrite dans les étoiles qui se détachent les unes après les autres du drapeau européen… Tout du moins est-ce de cette façon qu’ils perçoivent la chose, au gré des ondulations provoquées par le vent mauvais qui souffle depuis décembre 2009 en provenance d’Athènes.

Il faut bien avouer que le vice-chancelier et ministre de l’Economie allemand Philipp Roesler attise les spéculations sur une sortie de la Grèce, une perspective « pas si horrible qu’il n’y paraît » !

▪ … et crise de nerfs sur les actions
Eh bien si. A en juger par la réaction de la bourse de d’Athènes (-7% ce lundi) ou de Francfort (-3,2%), les marchés n’ont pas tardé à présenter tous les symptômes d’une crise de nerfs. Les places européennes ont affiché plus de 3% de repli dès 14h30 et cela a duré comme cela jusque vers 16h30. Toutefois — faut-il y voir une petite lueur d’espoir ? — le CAC 40 a préservé le palier des 3 100 points en clôture après une incursion jusque vers 3 087, dans des volumes étoffés, supérieurs à 3,3 milliards d’euros. Une activité particulièrement soutenue pour un lundi de mi-juillet et qui interdit d’évoquer un point bas inscrit par excès dans un marché désert.

La pression à la vente a été sévère durant toute la séance mais elle s’est un peu relâchée en toute fin de séance. Cela alors que Wall Street réduisait spectaculairement ses pertes, notamment le Dow Jones qui repassait de -2% à -1%, le S&P 500 perdant 1,3% et le Nasdaq remontant de -2,5% à -1,75%.

Le stress est néanmoins de retour avec un VIX (l’indice du stress associé au S&P) qui a fait un bond initial de 25% à 19,1 (contre 15,5 jeudi dernier) avant de se stabiliser entre 17 et 19.

Et de la volatilité, Madrid nous en a offert une démonstration digne de celles provoquée par les montagnes russes les plus bluffantes. L’indice Ibex est passé en deux heures de -1,2% à -5% avant se redresser à -2,5% en l’espace d’une heure… puis vers -0,75% à la clôture (meilleure performance parmi les places européennes). Cela est dû à l’interdiction sine die de procéder à des ventes à découvert sur les valeurs financières ; idem en Italie, mais jusqu’à la fin de la semaine seulement.

Faute de pouvoir poursuivre leur jeu de massacre à Madrid, les vendeurs sont donc venus sévir sur les financières cotées à Paris et Francfort (qui chutait au final de -3,2%). L’écart le plus spectaculaire a été observé à Athènes, qui plonge de 7%, et Moscou (-4,85%) — tandis que Bruxelles et Milan perdaient 2,8%.

▪ Et maintenant ?
Tous les marchés sont passés en mode « aversion au risque ». La situation de l’Espagne est jugée critique tandis que le sort de la Grèce semble de plus en plus incertain avec l’arrêt du versement des sommes promises par la FMI (pour cause de non-respect des engagements de la Grèce en matière de privatisations).

La menace d’un plan de sauvetage s’appliquant à l’Espagne (sur le modèle irlandais) vient s’ajouter aux modalités du plan d’aide aux banques. Ce dernier entraîne un gonflement de la dette publique sur fond de sévère récession économique en 2012 et 2013 — probablement -2% l’an prochain, ce qui rendra impossible le respect des objectifs de désendettement du pays.

Illustrant le regain d’aversion au risque des investisseurs, le taux à 10 ans de l’emprunt espagnol franchit la barre des 7,53% — sachant que 7,5% pour du cinq ans, c’est presque pire, et 6,9% sur deux ans… un cauchemar. Quant au rendement des Bunds allemands, il atteint un nouveau plancher de 1,13%.

Les investisseurs s’inquiètent également de l’état des lieux que doivent dresser cette semaine les représentants de la Troïka (Commission européenne, FMI et Banque centrale européenne) alors que la situation budgétaire de la Grèce semble désespérée. L’Allemagne dément qu’un troisième plan d’aide en faveur d’Athènes soit à l’étude… et W. Schaüble balaye tout espoir de coup de pouce puisqu’il exige la stricte application des engagements signés par la Grèce en juin 2010 et novembre 2011.

Si le mot « espoir » peut encore être évoqué, ce ne peut être qu’en référence à une intervention non-conventionnelle de la BCE en faveur de l’Espagne… mais si l’Allemagne lui interdit cette option qui semble la seule à pouvoir nous épargner un krach (de l’Eurozone et des marchés financiers), il faudra savoir en tirer les conséquences.

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