La Chronique Agora

De Cendrillon à l’effet Cantillon

chateau disney

Une héritière de la fortune de Disney voudrait plus de solidarité et critique les gains des ultrariches. Mais ceux-ci ne sont imputables qu’à l’effet Cantillon.

Le jour s’est levé sur de nouvelles hausses sur les marchés… le CAC 40 revient vers les 5 600 points (le plus haut du mois de mai 2018). Du côté des États-Unis, les marchés ont connu le meilleur début d’année depuis 1987 !

Mais tous n’approuvent pas…

Une héritière de la fortune Disney, Mme Abigail Disney, écrit une tribune dans le Washington Post pour déplorer les gains des “méga-riches”.

Le PDG de la Walt Disney Company, Bob Iger, aurait empoché 65 M$ en 2018 en salaires et bonus alors que le groupe n’a payé que 1 000$ de prime annuelle à la plupart des employés. Et puis, écrit-elle, les hausses d’actions profitent davantage à ceux qui sont déjà riches.

Selon Mme Disney, le problème vient de la “cupidité” des riches et des PDG d’entreprises. Elle a raison mais elle passe à côté de l’important.

Manifestation de “l’effet Cantillon”

Pour rappel, la Réserve fédérale et la BCE ont repris leurs politiques d’assouplissement monétaire en réponse à la “volatilité” survenue fin 2018. Les marchés ont compris : les autorités ne permettront pas de rechute.

Mais cela a un prix. Quand vous créez de l’argent de toutes pièces, les gens finissent par comprendre que l’argent vaut moins qu’avant. Avec la même quantité de choses à acheter et plus d’argent en circulation, les prix grimpent.

La société dans l’ensemble n’a pas plus de richesse qu’auparavant. Cependant, l’argent neuf en enrichit certains au passage… En effet, il doit bien aller quelque part, et il n’atteint pas tout le monde à égalité.

C’est “l’effet Cantillon.”

L’économiste irlandais Richard Cantillon en a fait l’expérience directe.  Il était à Paris au début du XVIIIème siècle et a fait une fortune durant la “Bulle du Mississippi.”

Lors de cette bulle, les autorités, sous la direction de l’Écossais John Law, avaient tenté de régler un problème d’endettement excessif de la royauté française en créant de nouveaux actifs financiers pour les rembourser — les actions de la Compagnie du Mississippi.

En pratique, la Compagnie était insolvable, mais les marchés ne l’ont pas tout de suite vu.

Entre temps, certains — tels que M. Cantillon — ont pu acheter et vendre des quantités importantes de titres, puis dépenser les plus-values sur de l’immobilier ou des terres agricoles, par exemple, avant que le marché ne se rende compte de leur juste valeur (qui était de zéro).

Réalité ou bulle ?

Mme Disney voit aujourd’hui une histoire de “gentils” et de “méchants”.

Comme elle l’écrit, la paye de M. Iger n’est qu’une goutte d’eau par rapport à ce que la société a rapporté aux actionnaires par le biais de rachats d’actions. Le groupe a acheté pour 3,6 Mds$ de ses propres actions en 2018… ce qui a soutenu le cours.

Il est temps de tenir responsables ceux qui profitent sur le dos de leurs ouvriers”, écrit-elle. “Je pense que la société Disney devrait ouvrir la voie vers une manière plus humaine et plus éthique de gérer une entreprise…

En gros : payer moins les cadres et les actionnaires… et plus les autres.

Les rachats d’actions, la paye des PDG, la hausse des valorisations, l’enrichissement des “méga-riches »… Tout ceci repose sur un “effet Cantillon” à grande échelle. La Fed et la BCE poussent davantage de liquidités dans le système sous un prétexte ou autre…

Les actionnaires de Disney, ou les PDG de grosses sociétés tels que M. Iger sont simplement en position d’en profiter.

Mme Disney déplore “l’injustice et l’inégalité” du système et elle a raison : personne ne mérite de bénéficier de cet argent.

Elle met le problème au compte de la cupidité et de l’égoïsme de la part du “top 1 %”.

Si seulement ils avaient plus de compassion, dit-elle !

Cependant, la compassion n’empêche pas à l’eau de couler du haut vers le bas. Les robinets ouverts de la Fed et de la BCE vont continuer à créer leurs distorsions et effets pervers dans l’économie et la société quels que soient les sentiments de M. Iger ou Mme Disney.

Et nous n’en sommes qu’aux débuts.

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