▪ Sortez les baguettes ! Révisez vos sushi ! Apprenez à lire de droite à gauche et de haut en bas !
Oui… l’Occident devient japonais !
Voici la situation japonaise en quelques mots :
La bulle a éclaté en 1990. Mais au lieu de laisser leurs grandes entreprises mettre la clé sous la porte, les Japonais ont utilisé tous les trucs possibles et imaginables. Des déficits contracycliques. Une politique de taux zéro. Et de l’assouplissement quantitatif.
L’économie ne s’est pas développée. Elle ne s’est pas effondrée. Elle s’est juste engluée… comme un moustique dans de l’ambre. Pas de nouveaux emplois. Pas de nouvelle production. Et imaginez un peu : le Japon devrait perdre 40% de sa population en âge de travailler d’ici 2050.
Mais le Japon est un leader, pas un suiveur. Au cours des 40 prochaines années, l’Allemagne perdra elle aussi plus de 30% de sa population en âge de travailler. La Russie et la Pologne perdront encore plus.
La croissance devrait être négligeable au cours des 40 prochaines années au Japon. Elle sera quasi insignifiante dans de nombreux autres pays aussi, selon un rapport de HSBC. Il estime que les Etats-Unis se développeront de 1,5% par an environ. 1,1% pour la France. Danemark, Norvège, Suède — à peine.
A quoi est-ce que ça vous fait penser, cher lecteur ? On dirait que le monde développé tout entier suit le Japon — avec une croissance basse et des dettes élevées jusqu’à la fin des temps.
Ce qui se passe au Japon arrive aussi en Europe et aux Etats-Unis. La Banque centrale européenne prête aux banques autant qu’elles le veulent — à taux bas. La Fed a sa propre politique à taux zéro… qu’elle affirme vouloir maintenir jusqu’en 2014.
La croissance a calé… les dettes s’accumulent. Bonjour Tokyo !
▪ Mission impossible pour le CBO
Attendez… côté américain, le Bureau budgétaire du Congrès (CBO) nous dit que le Congrès US maîtrisera les déficits en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
« Les déficits devraient chuter rapidement, selon les prévisions US », rapporte l’International Herald Tribune.
Quel soulagement ! Le CBO a trituré les chiffres. Il a fichu une raclée au 2. Il a mis les 5 K.-O. Il a boxé les 6. Et enfin, comme des prisonniers à Guantanamo, les chiffres ont dit ce qu’on voulait entendre :
La dette américaine baisse !
Attendez une minute… Parle-t-on des mêmes statisticiens que ceux qui, au début du xxie siècle, prédisaient des surplus fédéraux à perte de vue ?
Absolument !
Bon, d’accord, ça n’a pas fonctionné comme prévu. Ils ont fait les calculs, mais les chiffres se sont défaits tout seuls. Satanés chiffres ! On ne peut pas leur faire confiance.
▪ Alors que peut-on faire ?
C’est bien ça, cher lecteur : rien. Pour que tout se passe comme prévu, il faudrait que :
1. le Congrès US laisse expirer les réductions d’impôts décidées par Bush. Hm… est-ce que ça arrivera ? Nous n’en avons pas la moindre idée. Cela dépend probablement de qui gagne les élections en novembre… ce qui dépend probablement de ce que l’économie fait d’ici là… ce qui dépend probablement d’un plus grand nombre de choses que ce que nous pouvons estimer et calculer ;
Mais l’idée centrale — l’idée que le Congrès US agira de manière responsable — semble impossible à affirmer sérieusement. Les pandas arrêteront-ils de manger des bambous ? Les adolescents arrêteront-ils de s’avachir devant la télé ? Les marchands de vins feront-ils des livraisons à domicile gratuites ? Non. Chaque chose a sa propre nature. Et la nature du Congrès, c’est de dépenser de l’argent qu’il n’a pas sur des choses dont il n’a pas besoin. Puis de pousser la facture au Congrès suivant… au gouvernement suivant… et à la génération suivante.
2. non seulement les impôts doivent grimper, mais il doit en aller de même pour la croissance économique. C’est un problème. Selon les théories en vogue, si on augmente les impôts durant une phase de désendettement, on n’obtient pas une croissance plus rapide du PIB. On obtient une croissance plus lente.
Le CBO tient compte de ce problème, dans une certaine mesure. Il admet que le chômage pourrait grimper suite aux augmentations d’impôts. En fait, il déclare qu’il pourrait passer à 9% en 2013.
Comment le président US, le Congrès et la Fed réagiront-ils à la hausse du chômage ? Est-ce que ça ne les tenterait pas de se lancer dans un peu plus de relances contracycliques… aux dépens des baisses d’impôts ?
Et qu’arrivera-t-il au taux de croissance ? Le CBO pense que la croissance peut dépasser les déficits. Peut-être. Peut-être pas. On en est loin, en tout cas. Le déficit américain atteint les 1 100 milliards de dollars cette année. La croissance ? Peut-être un cinquième de cette somme. En d’autres termes, la dette grimpe cinq fois plus vite que l’économie.
Durant le premier (et peut-être le dernier) mandat de M. Obama, la dette américaine se développera de plus de 5 000 milliards de dollars. Déjà, le poids de la dette pèse sur les taux de croissance… et ça empire.
Et si HSBC a raison, la croissance américaine sera très lente. Les déficits seront-ils aussi très bas ? Sous les 1,5% du PIB ?
Mais nous sommes aussi benêt que n’importe qui. Nous aussi, nous aimerions que le problème disparaisse d’un claquement de doigts. Et peut-être que ce sera le cas…
… Mais nous ne parierions pas là-dessus.