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Les cartes, objet de spéculation rémunérateur ?

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Les cartes à collectionner peuvent-elles faire votre fortune ? Commençons un tour d’horizon des possibles avec deux types de cartes venant du Japon…

Récemment, j’ai failli me heurter à un groupe de trois adolescents qui avançaient de front sur le trottoir, non pas, pour une fois, en ayant les yeux rivés sur leur smartphone, mais en comparant leurs cartes Yu-Gi-Oh! respectives. Celles-ci, et bien d’autres, font fureur dans les cours de récréation, mais aussi auprès des célébrités et des investisseurs. Tentons de comprendre ce marché pour le moins original.

« En trois mois, j’ai gagné 15 000 € » en revendant des cartes Yu-Gi-Oh!, affirme Paul au Figaro. Voilà donc un commerce des plus lucratifs. Mais de quoi s’agit-il ?

Les cartes Yu-Gi-Oh!, une spéculation bien entretenue

Ces cartes trouvent leur origine dans le manga Yu-Gi-Oh! (qui veut dire « le roi des jeux »), initialement publié dans le magazine japonais Weekly Shōnen Jump entre 1996 et 2004. Les histoires seront ensuite compilées dans 38 albums parus entre 1997 et 2008. Il ne fait pas partie des mangas les plus vendus au monde, mais il a tout de même été tiré à 40 millions d’exemplaires.

Le manga met en scène un lycéen qui se livre, avec ses amis à des duels de monstres à travers un jeu de cartes. Comme beaucoup de mangas, Yu-Gi-Oh! a donné naissance à de nombreux produits dérivés : films et séries d’animation, jeux vidéo et, bien sûr, cartes à jouer permettant de reproduire les duels de monstres auxquels participent les héros. Des tournois sont organisés. Il existe même un championnat du monde.

Les cartes sont très nombreuses, au moins 20 000 différentes. Si certaines sont très répandues, d’autres sont extrêmement rares. En moyenne, une carte vaut 0,15 €. Mais le prix peut vite monter à quelques centaines, voire quelques milliers d’euros en fonction de sa rareté et de son état de conservation si elle ancienne.

En 2021, une Japonaise, pour se venger de son mari qui la trompait, a vendu en ligne la collection de celui-ci : 26 boîtes jamais ouvertes et donc en parfait état. Elle en a retiré 160 000 € (20,5 M¥). En 1999, pour les premiers championnats du monde, l’éditeur a offert au gagnant une carte unique en acier inoxydable. Elle a été vendue en 2013 pour 2 M$ et est estimée aujourd’hui à 10 M$.

Il existe donc un marché pour ces cartes, relativement liquide, et dont certains arrivent à gagner leur vie. Mais ce n’est pas le seul jeu de carte du genre, et pas forcément le plus profitable : cliquez ici pour lire la suite.

Il existe donc un marché des cartes Yu-Gi-Oh!. Déjà, parce que des joueurs cherchant à se procurer les cartes qui leur manquent, notamment celles qui ont des effets particulièrement recherchés. Ils cherchent aussi à se procurer les cartes utilisées par les joueurs renommés. Mais aussi parce que certains en profitent pour faire de la spéculation. Ainsi, lorsque de nouvelles cartes sont éditées, ils achètent le plus possible d’exemplaires de celles qu’ils estiment prometteuses. S’ils ont vu juste, c’est-à-dire si ces cartes font de bons résultats dans les tournois, ils les mettent sur le marché pour les revendre à un prix supérieur à celui auquel ils les ont achetées.

La spéculation est aussi entretenue par Konami, l’éditeur, qui publie, tous les trois mois, la liste des cartes interdites d’utilisation dans les tournois. Ces cartes perdent alors leur valeur du jour au lendemain, tandis que celles qui sortent de la liste voient leur cote remonter. Certains joueurs en profitent, soit en revendant à temps les cartes qui vont être bannies, soit en revendant celles qui sont de nouveau admises (et qu’ils ont pris de soin d’acheter lorsqu’elles étaient au plus bas).

C’est, on le voit, un marché complexe que celui des cartes Yu-Gi-Oh! puisque de nombreux acteurs différents y opèrent :

On comprend alors que certains puissent gagner leur vie avec les cartes Yu-Gi-Oh! Non pas en jouant, puisque Kazuki Takahashi, le créateur de la licence, s’est toujours opposé à ce que les tournois officiels mettent en jeu de l’argent, mais en faisant commerce de cartes. Paul, cité au début de cet article, affirmait gagner environ 5 000 € par mois. Pour lui, « c’est un métier ». Il lui arrive pourtant de perdre beaucoup d’argent parce qu’il a misé sur des cartes qui, finalement, ont été très peu jouées.

Le décès de Takahashi l’été dernier pourrait faire entrer l’argent dans les tournois. Mais plus d’argent signifie souvent plus de triche et plus d’arnaques. C’est ainsi qu’on voit parfois fleurir de fausses annonces sur internet : une carte est proposée de multiples fois à prix cassé. Le but est d’inciter les autres vendeurs à s’aligner en baissant leur prix, et l’arnaqueur achète alors la carte convoitée à moindre prix.

Les cartes Pokémon, un record à 5 M$

Les Pokémon sont sans doute plus connus du commun des mortels que les personnages de Yu-Gi-Oh! Ces petits monstres sont nés, eux aussi, en 1996, mais initialement dans un jeu vidéo. C’est ensuite qu’ils seront déclinés en dessins animés, mangas et cartes à collectionner.

Les Pokémon ont notamment défrayé la chronique avec le jeu Pokémon Go, lancé en 2016 et qui utilise la géolocalisation et la réalité augmentée, et qui consistait, pour faire simple, à capturer des Pokémon à l’aide de son smartphone. Les joueurs étaient, en effet, prêts à tout pour réaliser une capture : utiliser le jeu en conduisant leur voiture, s’introduire dans des propriétés privées, voire des lieux interdits comme des centrales nucléaires ou des bases militaires !

Quoi qu’il en soit, en août 2016, le Livre Guinness des records annonçait que le jeu avait battu le record du nombre de téléchargements en un mois pour un jeu sur mobile avec 130 millions de téléchargements, mais aussi le record de revenu généré en un mois avec 206,5 M$. Il a été le jeu sur mobile le plus téléchargé simultanément dans 70 pays.

Plus largement, Pokémon était, en 2021, la licence la plus rentables de tous les temps avec 105 Mds$ de chiffre d’affaires.

Pour en revenir aux cartes à collectionner, elles sont apparues dès 1996 au Japon, et 1998 à l’international. Comme pour les cartes Yu-Gi-Oh!, il existe, pour les cartes Pokémon, des tournois locaux, un championnat du monde, des sites web, des magazines, des groupes Facebook et… de la spéculation.

Celle-ci est d’abord le fait de l’éditeur des cartes, qui les commercialise avec parcimonie. L’offre, en effet, reste toujours en-deçà de la demande. Pour éviter que les spéculateurs raflent tout le stock, des magasins comme La Grande Récré ou JouéClub ont limité le nombre de paquets (boosters dans le langage des initiés) vendu par personne. Il est courant que des boosters vendus moins de 8 € en boutique se retrouvent sur internet à un prix quatre ou cinq fois supérieur.

Nous verrons dans le prochain article qu’il existe bien d’autres cartes dont la valeur peut exploser du jour au lendemain, qui passionnent les collectionneurs du monde entier.

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