La Chronique Agora

Bulle du crédit et enfer sur Terre

▪ Rappelez-vous, ce n’est qu’une question de temps avant que les actions américaines commencent à chuter. Combien de temps ? C’est bien le diable si nous le savons !

Nous avons passé la journée de vendredi à faire la cosecha (la récolte — ou, dans le cas présent, les vendanges). A genoux dans le vignoble du ranch familial, nous récoltions le raisin. Le salaire pour un tel travail est de 5,70 pesos argentins (soit environ 0,70 $) par gamela — le tonneau de plastique que nous traînions après nous.

C’était la première fois que nous faisions les vendanges. Des cueilleurs robustes et expérimentés peuvent remplir 40 gamelas par jour, ce qui donne environ 230 pesos (ou 28 $ environ) pour une journée de travail. Votre correspondant a travaillé aussi vite qu’il le pouvait — mais il n’a réussi à remplir que neuf gamelas à la journée. Ce qui lui donnait un revenu journalier de 51,30 pesos… ou 6,40 $ environ.

Le soleil tapait dur. Les grappes se cachaient derrière les feuilles et s’accrochaient à la vigne, difficiles à détacher. Nos genoux sentaient le moindre caillou dans le sol. Mais nous étions fier de faire un travail honnête… et heureux de gagner un peu d’argent en plus.

▪ Chaos, dépression et guerre
Maintenant, revenons-en à notre sujet du moment.

La civilisation ne sera probablement pas en mesure de survivre à une véritable déflation du crédit, selon l’économiste et auteur Richard Duncan

Vous vous rappellerez que la bulle du crédit doit continuer à se développer — sans quoi, ce sera l’enfer sur Terre. La civilisation ne sera probablement pas en mesure de survivre à une véritable déflation du crédit, selon l’économiste et auteur Richard Duncan. Ayant des visions de chaos, de guerre et de dépression en tête, il est en faveur de politiques donnant plus d’air à la bulle.

Nous vivons dans une économie nourrie par le crédit. La masse monétaire dépend du nouveau crédit créé par les banques. Il doit se développer… sans quoi l’économie s’affaiblit. Elle ne peut pas stagner car le niveau actuel d’emploi et de revenus dépend de la dette additionnelle.

L’année dernière, par exemple, par le biais de son programme d’assouplissement quantitatif, la Fed a créé 1 000 milliards de nouveaux dépôts bancaires (qu’elle a compensés avec 1 000 milliards de dollars de nouvelles réserves bancaires). En retour, l’économie américaine ne s’est développée que de 1,9% — soit environ 320 milliards de dollars. Imaginez ce qui se serait passé sans cette stimulation !

Pour que l’économie se développe vraiment sans l’aide du QE, les banques doivent trouver des emprunteurs qualifiés et volontaires. Qui se présentera ?

Pas les consommateurs. Ils n’ont pas les revenus disponibles nécessaires pour soutenir une grande quantité d’emprunt supplémentaire.

Pas les entreprises. Leurs revenus commencent eux aussi à baisser. L’époque où l’on empruntait de l’argent pour faire grimper ses propres actions (et, au passage, gonfler les bonus des dirigeants) touche sans doute à sa fin.

C’est la seule institution ayant le droit légal de contrefaire sa propre devise… et d’utiliser ensuite ce cash pour payer ses propres dettes

Qui est-ce qui reste ? Le gouvernement. Le gouvernement est la seule entité ayant la capacité (au moins en théorie) d’emprunter une quantité d’argent infinie. Parce qu’il n’a pas à s’inquiéter de le rembourser. C’est la seule institution ayant le droit légal de contrefaire sa propre devise… et d’utiliser ensuite ce cash pour payer ses propres dettes.

Quelle super affaire !

▪ Un monde stupéfiant
Duncan est d’avis que les Etats-Unis peuvent, vont et devraient suivre l’exemple donné par les Japonais.

Les Etats-Unis ont une dette équivalant à environ 100% du PIB ; la dette gouvernementale japonaise se monte quant à elle à 240% du PIB à peu près. Si l’on se base sur ce chiffre, les Etats-Unis pourraient emprunter 17 000 milliards de dollars supplémentaires — assez pour maintenir l’expansion de la bulle du crédit et de l’économie pendant de nombreuses années.

Voyez-vous, cher lecteur, nous vivons dans un monde stupéfiant. Notamment parce qu’il y existe une économie qui vit — et désormais prospère — d’air pur.

Chaque année, les ménages, les gouvernements et les entreprises dépensent leurs revenus… et plus encore. Ces dépenses supplémentaires devraient provenir de l’épargne ; au lieu de ça, elles viennent de nulle part — créées de toutes pièces par les banques centrales et le système bancaire.

Maintenant, imaginez que ce flux soit interrompu. Vous imaginez quel désastre ce serait. Tout le monde suffoquerait, en manque de cash… de crédit… d’une dernière goulée d’air.

Quelle est la solution ? Maintenir le flux de crédit !

C’est ce qu’ont fait les Japonais suite au krach de leurs marchés actions et immobilier en 1990. Et c’est ce qu’ils font depuis. Ils étaient confrontés au même défi — rien ne pouvait persuader les ménages d’emprunter… et les entreprises ne pouvaient plus se le permettre.

Le gouvernement est donc intervenu en tant qu’emprunteur de dernier recours… permettant au gouvernement japonais d’accumuler des quantités de dette record par rapport à la taille de son économie.

Mais attendez… avec un gouvernement empruntant et dépensant si librement, les prix n’ont-ils pas grimpé ? L’inflation n’a-t-elle pas découragé les gens de prêter au gouvernement ?

Non. Les prix sont restés stables, voire ont chuté. Pour deux raisons :

– Parce que les ménages japonais remboursaient leurs dettes et hésitaient à dépenser.
– Et parce que la concurrence de leur voisin chinois réduisait substantiellement le coût des biens de consommation.

Ainsi, sans menace d’inflation des prix à la consommation, le gouvernement a simplement continué à emprunter et dépenser. Grâce à ça, l’économie japonaise a pu tenir debout pendant 24 ans. De nombreux économistes considèrent l’exemple japonais comme un succès.

Toutefois, le dernier chapitre de cette histoire n’a toujours pas été écrit. Nous allons hasarder une hypothèse sur son dénouement : il sera tragique.

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