La Chronique Agora

BRICS : Une nouvelle confédération souveraine face à la domination du dollar ?

Kul Sharif mosque, Kazan, Tatarstan, Russia. View of Kazan Kremlin, landmark of Kazan. Famous tourist attraction, modern architecture in city center. Islam and travel concept.. High quality photo

Les BRICS ressemblent davantage aux Etats-Unis d’origine – une confédération d’Etats indépendants et souverains – qu’à la version plus moderne des Etats-Unis, dans laquelle tous les Etats sont sous la coupe de Washington.

Où se situe Kazan ? Et qui en a quelque chose à faire ?

Nous ne le savions pas et cela ne nous préoccupait pas. Mais, pour les curieux, Kazan se trouve au Tatarstan, une république de Russie, et il ne s’agit pas d’un pays indépendant. Il est situé à environ 800 km à l’est de Moscou, entre la Volga et la Kama. Quant à ses habitants, ce sont des turcophones descendants de la Horde d’or… et ils mangent leur viande crue.

C’est tout ce que nous savons au sujet du Tatarstan. Mais, la réunion qui vient de se tenir dans sa capitale, Kazan, mérite peut-être plus d’attention.

La presse occidentale a largement ignoré la réunion des BRICS qui s’est tenue la semaine dernière. Les délégués de trente-neuf pays différents, représentant la majeure partie de la population mondiale, ont tenu une réunion historique que les médias occidentaux n’ont pas jugé utile de mentionner.

Tout ce que nous avions appris sur le sommet des BRICS nous avait été communiqué par des sources « alternatives ». Et puis, hier, l’un de nos chers lecteurs de Montréal nous a envoyé des liens vers la couverture du sujet de la presse française. Une interview en particulier, celle de Pascal Mas, nous a aidés à comprendre ce que les BRICS sont en train de faire.

Vous vous souviendrez qu’il n’y a pas si longtemps, à part les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux, le reste du monde était « en développement » ou bien faisait partie du tiers-monde… Quel que soit le nom qu’on leur donnait, ils n’avaient pas beaucoup d’importance.

Mais aujourd’hui, la lumière du soleil semble avoir atteint le « Sud global ».

« Les BRICS ne sont pas vraiment une alternative à l’ONU ou à l’OTAN, a expliqué M. Mas. Il ne s’agit pas d’un groupe hiérarchisé et il n’est pas dominé par un seul pays, ou un seul dirigeant. Il n’y a pas de bureaucratie… pas même de siège ou de secrétaire général. La presse occidentale a considéré qu’il s’agissait d’un show de M. Poutine. Mais il ne contrôle pas les BRICS. Les membres sont tous égaux. »

A entendre M. Mas, les BRICS ressemblent davantage aux Etats-Unis d’origine – une confédération d’Etats indépendants et souverains – qu’à la version plus moderne des Etats-Unis, dans laquelle tous les Etats sont sous la coupe de Washington.

« Il ne s’agit pas non plus d’une organisation qui donne des ordres ou résout des conflits. Au contraire, les membres se réunissent pour discuter et régler leurs différends… publiquement. Des pays qui ne se parlaient pas – la Turquie et l’Iran, par exemple, sont des ennemis historiques – se réunissent et parlent ouvertement. Ce n’est pas comme le G7, où les questions importantes sont réglées à huis clos.« 

L’un des événements les plus importants du phénomène des BRICS s’est probablement produit avant le début de la réunion.

La Chine et l’Inde se disputent leur frontière commune depuis plus de cinquante ans. Il n’existe pas de frontière convenue et, de temps à autre, les gardes-frontières se tirent dessus. Mais il y a une semaine, en prévision du sommet des BRICS, les deux pays les plus peuplés du monde ont conclu un accord. CNN rapporte :

« L’Inde et la Chine sont parvenues à un accord sur le désengagement militaire le long de leur frontière contestée, a déclaré New Delhi ; il s’agit d’un pas vers la réduction des frictions entre les voisins dotés de l’arme nucléaire qui précède une rencontre attendue entre les dirigeants des pays en marge d’un sommet en Russie. Pékin a ensuite confirmé mardi que les deux parties étaient ‘parvenues à une solution’ à la suite d’une ‘communication étroite sur les questions pertinentes de la frontière Chine-Inde par le biais de canaux diplomatiques et militaires’. »

Tous les empires doivent mourir. Est-ce ainsi que les Etats-Unis vont disparaître, coincés et épuisés entre la main-d’oeuvre apparemment illimitée de l’Inde et l’industrie manufacturière inégalable de la Chine ?

Cela ne vaut probablement pas la peine de s’inquiéter. Pas encore.

Mais l’une des parties du spectre que les élites américaines souhaitent le plus dominer est celle de l’argent. Une grande partie de la prospérité de l’Amérique provient de sa capacité à reporter son inflation monétaire sur le reste du monde. Les Etats-Unis « impriment », mais une grande partie de l’argent imprimé finit à l’étranger, dans les banques ou dans les matelas.

Depuis 1999, le total des déficits commerciaux accumulés s’élève à environ 13 000 milliards de dollars, ce qui équivaut à un tiers de la dette nationale. Si les étrangers n’avaient pas souhaité détenir des dollars, l’inflation aurait frappé le pays plus tôt et plus fort… faisant grimper les taux d’intérêt et provoquant une crise financière. Et si le dollar perdait aujourd’hui son statut de réserve, ce serait un coup dur pour l’économie, les marchés et la puissance américaine.

Le Financial Times explique :

« Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas seulement l’érosion du rôle dominant du dollar, mais aussi un changement progressif dans le fonctionnement du système mondial… un nombre croissant de petits tuyaux sont construits pour contourner ce noyau [du dollar] ; et un nombre croissant de pays s’y intéressent et s’y impliquent de plus en plus. Ce qui est arrivé à l’or n’est pas seulement inhabituel en termes d’influences économiques et financières traditionnelles… A mesure qu’il s’enracine, il risque de fragmenter le système mondial et d’éroder l’influence internationale du dollar et du système financier américain. »

Au cours des deux dernières années, les dollars basés à l’étranger – des milliers de milliards – ont perdu environ 20% de leur valeur. Leurs propriétaires doivent chercher des alternatives.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile