La Chronique Agora

Brexit : 1 an de « transition » pour décider des termes du divorce

Après force rebondissements et tergiversations, le Brexit a bien eu lieu. Maintenant, le dur travail commence : négocier de nouveaux accords…

Cette fois-ci, la volonté du peuple britannique est indiscutable. Aucun second vote sur le Brexit ne viendra remettre en cause la décision des électeurs : la Grande-Bretagne a quitté l’Union européenne (UE) au 31 janvier 2020.

S’est désormais ouverte une période de transition qui durera jusqu’au 31 décembre 2020, pendant laquelle la législation européenne continuera de s’appliquer au Royaume-Uni, après quoi la relation entre les deux parties reprendra sur de nouvelles bases.

Du point de vue de l’Union européenne, cela pose au moins trois problèmes :

– la perte de la contribution britannique au budget communautaire ;
– la redéfinition des relations commerciales avec le marché britannique ;
– le risque de voir se développer un modèle économique et social concurrent de l’autre côté de la Manche.

L’UE devra se passer de la contribution britannique à son budget

Comme le rappelle Stéphane Montabert, le Royaume-Uni n’est pas le premier pays venu.

 « Le Royaume-Uni est la cinquième économie mondiale. Le Royaume-Uni est la deuxième économie de l’Union Européenne, derrière l’Allemagne et devant la France. Le Royaume-Uni est aussi riche et puissant que les dix-neuf économies les plus faibles de l’Union européenne réunies.

 Sur le plan économique européen, le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne est aussi énorme que si celle-ci passait de 27 membres à huit membres. Et ce n’est même pas exact parce que c’est le deuxième membre le plus riche qui s’en va, et non la famille des cousins pauvres qui se remettent péniblement de leur demi-siècle de joug soviétique, alliée aux forçats obligés de se soumettre à l’euromark allemand. » 

Or, comme la contribution des Etats-membres au budget de l’UE dépend en très grande partie de leur PIB (ou plus exactement de leur RNB), vous comprenez bien qu’outre outre les conséquences affectives de la séparation entre le Royaume-Uni et le continent, il y a un enjeu financier considérable.

Le 3 novembre, Stéphane Montabert remettait ce dernier en perspective en ces termes : 

« L’Union européenne ne veut pas que les Anglais s’en aillent. Point. Ils contribuent bien trop au budget de l’Union. Toutes les tractations depuis le lendemain du vote sur le Brexit, jusqu’à la durée interminable de ces tractations elles-mêmes, ne servent qu’à perpétuer les contributions anglaises au budget de l’UE. C’est aussi simple que ça ! 

Par conséquent, tout Brexit sans accord doit être rendu absolument, rigoureusement impossible. Tout Brexit ‘ordonné’ doit faire en sorte de perpétuer les contributions anglaises au budget de l’UE pour les siècles des siècles, fut-ce au prix de discussions perpétuelles. Les détails finaux ne seront jamais réglés, comme un divorce traîné devant les tribunaux et qui en fin de compte ne se conclurait pas, malgré des années de procédure. »

Pendant les trois ans et demi qui ont suivi le référendum du 23 juin 2016, l’UE a conservé l’ascendant sur le Royaume-Uni du fait des incessantes tergiversations britanniques.

Cependant, le 12 décembre, la situation a évolué. Pour certains, elle s’est même renversée.

Négociations : le 12 décembre, le rapport de force s’est rééquilibré

Tout l’enjeu de la période de transition est de déterminer les modalités des futures relations entre l’UE et la Grande-Bretagne, en particulier en matière commerciale.

Le problème, du point de vue de l’Union européenne, c’est que Boris Johnson a fait voter par la nouvelle Chambre des communes l’impossibilité de prolonger cette période de transition.

Le scénario d’un Brexit in name only suivi d’une période intermédiaire de plusieurs années est donc définitivement écarté. En fonction des résultats des négociations, on aboutira à un Brexit plus ou moins soft ou hard. En somme, au 31 décembre 2020, la Commission perdra totalement la main sur les sujets sur lesquels les deux parties ne seront pas parvenus à se mettre d’accord.

Evidemment, la nouvelle a été moyennement appréciée à Bruxelles. Ursula von der Leyen, entrée en fonction le 1er décembre à la tête de la Commission, démarre sa mandature sur les chapeaux de roues.

« Je suis très inquiète devant le peu de temps dont nous disposons. Il ne s’agit pas seulement de négocier un accord de libre-échange, mais de nombreux autres sujets », a-t-elle déclaré le 27 décembre au journal Les Echos.

« Il me semble que, des deux côtés, nous devrions nous demander sérieusement si toutes ces négociations sont faisables en si peu de temps. Je crois qu’il serait raisonnable de faire le point en milieu d’année et, si nécessaire, de s’entendre sur une extension de la période de transition », a-t-elle ajouté.

L’opinion de l’ancienne ministre fédérale allemande de la Défense est assez unanimement partagée : personne ne croit une seconde que les négociations pourront être bouclées dans les règles de l’art en à peine une année. A titre de comparaison, l’économiste Sébastien Jean indique dans L’Opinion que « l’accord qui a été le plus rapidement bouclé, à ma connaissance, a été celui conclu avec la Corée et qui a nécessité deux ans et demi de discussions. »

Or, l’UE n’est plus en position de négocier d’extension pour favoriser un Brexit le moins hard possible, comme l’explique Stéphane Montabert :

« Ceux qui pensent que l’Union européenne a encore des moyens de pression sur le Royaume-Uni se trompent, comme ils se trompent toujours. L’UE ne fait plus rêver personne depuis longtemps. Boris Johnson va négocier un accord très avantageux avec une UE qui ne peut se passer ni du marché britannique ni de son armée. Il va économiser sa contribution à l’UE. Il conclura un accord commercial préférentiel avec les USA. » 

Evidemment, Donald Trump se frotte les mains. 

13 décembre : « […] La Grande-Bretagne et les Etats-Unis sont maintenant libres de conclure un énorme nouvel accord commercial après le Brexit. Cet accord a le potentiel pour être beaucoup plus important et plus lucratif que n’importe quel accord qui pourrait être conclu avec l’UE. Bravo Boris ! »

Charles Gave ne dit pas le contraire :

« Le rapport de force a complètement changé et Boris a fait savoir qu’en décembre 2020, la Grande-Bretagne serait sortie de la nasse européenne, accord ou pas accord. C’est-à-dire que le Premier Ministre anglais n’exclut pas la possibilité de sortir sans accord si Bruxelles traîne trop les pieds. Voilà qui va concentrer les esprits sur le continent, qui a bien besoin des 40 milliards de livres pour que le budget de la Communauté n’explose pas. »

Mais le risque majeur pour l’UE se situe à moyen terme. Comment le Royaume-Uni va-t-il se transformer maintenant qu’il a les mains libres ? C’est ce que nous verrons demain.

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