Pour l’instant, les marchés boursiers tiennent malgré les anomalies consternantes qui y pullulent, avec le soutien des banques centrales. Mais la pourriture continue de se répandre…
Ce qui me frappe, moi qui ai bientôt 60 ans de présence professionnelle sur les marchés financiers – j’ai commencé à spéculer à 16 ans et j’en ai fait un métier –, c’est que des gens diplômés, surpayés doivent faire des études pour exposer des évidences.
Ici, l’évidence c’est que les créations plus ou moins sophistiquées de l’ingénierie et du marketing financiers sont déstabilisatrices et amplifieront un jour la catastrophe.
Ah, les braves gens.
Il n’y a plus d’investissement sur le marché financier, il n’y a que du jeu ! Et du jeu au carré, puissance quatre ou puissance dix.
Le jeu est endémique, depuis que l’on a basculé de l’étude des investissements économiques réels vers la recherche de martingales pour profiter des mouvements des cours de la Bourse.
On a remplacé l’étude du réel par l’étude et l’anticipation magique des prix des signes du réel.
On n’achète plus un titre qui recouvre une réalité économique, on achète ce que j’appelle depuis 50 ans « un bon de droit à écart de cours ». Et l’imagination est infinie pour multiplier et amplifier ces bons de droits à écarts de cours…
… Tout comme l’est le nombre de gogos à qui on peut les refiler.
Gagnants et perdants
Structurellement, la classe des gogos est perdante face à ces créations de l’ingénierie, mais comme il y a quelques gagnants et qu’ils s’en vantent, alors on les exhibe, on les montre, et ils attirent les faibles et les envieux. Les perdants, eux, ne se vantent jamais car ils sont honteux, ils ont subi une blessure narcissique.
La valeur, le maintien de toute la pyramide de bestioles, de bons de droits à écarts de cours, de dérivés etc., ce maintien ne repose que sur une seule chose : la liquidité.
La liquidité, c’est quand il y a plus de cons que de gens intelligents, plus d’acheteurs que de vendeurs.
La liquidité, c’est la croyance, disait l’économiste et ancien vice-président de la Fed Donald Kohn, que l’on peut toujours vendre plus cher. Quand la liquidité disparaîtra, toutes ces bestioles s’effondreront… et elles ne serviront même pas à tapisser les murs, comme les emprunts russes, car elles sont dématérialisées.
La liquidité qui maintient en vie ces montagnes de bestioles ne cesse de menacer de s’effondrer. Cependant, jusqu’à présent, à chaque alerte, les banques centrales, les tenanciers du casino, se sont précipités pour faire la contrepartie et se substituer aux gogos aux mains faibles.
Ils ont soutenu le niveau des marchés et la montagne de bestioles qui commençaient déjà à sentir mauvais… mais la pourriture ne fait que monter, gagner, s’enraciner…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]