Personne n’a mieux compris comment tirer parti d’un crédit mal évalué que les grands argentiers de Wall Street. Les spéculateurs ont emprunté à des taux très bas – même inférieurs au taux d’inflation – et ont acheté des actions.
« Il n’y a aucun moyen d’éviter l’effondrement final d’un boom provoqué par l’expansion du crédit. » – Ludwig von Mises
Notre vision du marché boursier est « presque anti-américaine ». Elle va à l’encontre de l’évolution du marché boursier depuis 1925, qui a été multipliée par 366. Elle semble contredire le plus grand investisseur de tous les temps, Warren Buffett, qui dit qu’il ne faut « jamais parier contre l’Amérique ».
Et nos chers lecteurs pensent eux aussi que nous faisons fausse route :
« Etonnamment, Bill ne semble pas tenir compte des gains de productivité dans son argumentation. Bien sûr, une poule de 1925 produisait les mêmes œufs qu’une poule de 2025… *sauf* si, grâce aux connaissances bioscientifiques acquises au fil des ans, vous savez maintenant comment mieux garder la volaille en bonne santé et mieux la nourrir, de sorte qu’elle produise 6 oeufs par semaine au lieu de 4 et qu’elle produise pendant 4 ans au lieu de 2. On peut dire que cet oiseau vaut quatre fois la valeur de l’oiseau de 1925, même si les deux sont des Rhode Island Reds. L’augmentation de la productivité, que ce soit en travaillant plus d’heures ou en produisant plus par heure, est ce qui génère de la richesse au fil du temps. »
Cela semble évident. Cela semble juste.
Progrès. Amélioration de la productivité. Les entreprises produisent plus, même avec des intrants réduits. Elles valent donc plus cher… n’est-ce pas ? Et nous sommes tous plus riches ; tout ce que nous avons à faire, c’est de détenir des actions « à long terme », n’est-ce pas ?
Peut-être. Mais notre loi de la conservation de la valeur nous dit que les actions ne devraient pas valoir un centime de plus, même après 100 ans. Aujourd’hui, nous allons comprendre pourquoi.
Nous savons tous que le dollar n’est pas une monnaie fiable. Il a perdu environ 97% de sa valeur depuis 1925. Mais si les autorités fédérales peuvent manipuler le dollar, elles ne peuvent pas manipuler le temps. Celui-ci est une constante qui s’écoule inexorablement, minute après minute, heure après heure.
En 1925, un ouvrier boulanger de Baltimore gagnait près de 40 dollars par semaine. Pour simplifier les calculs, supposons que le salaire médian était d’environ 1 dollar de l’heure. A ce rythme, il lui aurait fallu trois semaines de travail pour acheter les 30 actions du Dow Jones. Aujourd’hui, le salaire moyen est d’environ 1 200 dollars par semaine. Il faudrait donc 36 semaines pour acheter ces mêmes actions, soit 12 fois plus.
Même en termes de « prix du temps », les actions ont beaucoup augmenté. Mais qu’en est-il en termes d’argent réel, l’or ?
L’or est la seule vraie monnaie. Tout le reste n’est que crédit. En avril 1929, il y a 96 ans, le ratio Dow/or était de… vous l’avez deviné… 14,80. A partir de là, les actions ont progressé pendant encore six mois, avant de s’effondrer au cours des quatre années suivantes, jusqu’à atteindre deux onces d’or pour le Dow Jones en 1933.
En 1929, vous pouviez échanger vos actions du Dow Jones contre 14,80 onces d’or. Il en va de même aujourd’hui. En dollars, les actions ont augmenté. Et en temps aussi, elles ont augmenté. Mais en monnaie réelle, elles sont montées et descendues… et n’ont abouti nulle part.
Que faut-il en penser ? Qu’est-il advenu de tous ces « gains de productivité » ?
Comme nous l’avons vu, les salaires, les revenus, les ventes, les coûts et les bénéfices sont tous liés les uns aux autres, comme des alpinistes reliés à une seule corde. Chaque entreprise peut faire cavalier seul et atteindre les sommets qu’elle souhaite. Mais dans l’ensemble, les éléments clés d’une économie réelle sont assez proches les uns des autres. La productivité les élève tous… et améliore notre situation à tous… mais elle ne sépare pas les valeurs du capital du reste de l’économie.
Les entreprises américaines (à l’exclusion des mèmes et des zombies) devraient valoir la valeur actuelle de leurs bénéfices anticipés. Or les bénéfices sont limités par les salaires, les ventes, la concurrence et les coûts. Dans l’ensemble, ces bénéfices ne devraient jamais s’écarter trop du reste de l’économie… y compris des améliorations de la productivité.
Grâce à la bioscience et aux innovations sur le lieu de travail, les poules peuvent produire plus d’oeufs. Mais les gens n’ont qu’une quantité limitée d’argent à dépenser et ne peuvent manger qu’une quantité limitée d’oeufs. Cette nouvelle abondance fait baisser le prix des oeufs, de sorte que les marges bénéficiaires des producteurs restent plus ou moins les mêmes. Les valeurs réelles des producteurs d’oeufs ne devraient pas changer.
A mesure que la productivité augmente la quantité de « choses » disponibles pour les consommateurs, elle augmente également la quantité d’argent réel avec laquelle ils peuvent les acheter. L’innovation, l’éducation et la spécialisation ont amélioré les résultats des entreprises en général et ont eu un effet similaire sur l’industrie minière aurifère. Pendant tout le XIXe siècle, l’or a augmenté en même temps que l’économie, ce qui a conduit à des prix plus ou moins stables.
Mais en 1971, les autorités fédérales ont remplacé la corde par un élastique. L’argent fictif a donné au système beaucoup plus de flexibilité… beaucoup plus d’élasticité.
Milton Friedman ne s’est pas trompé. Il l’a appliqué à son système de monnaie flexible d’après 1971. Il recommandait aux autorités fédérales d’augmenter la masse monétaire du pays de 3% par an, ce qui correspondait à peu près à la croissance du PIB.
Hélas, on ne pouvait pas faire confiance aux autorités fédérales pour gérer l’argent de la nation. Ils ont permis à la masse monétaire d’augmenter bien plus rapidement que ne le recommandait Friedman. Il en est résulté une économie tellement défigurée que même sa propre mère ne l’aurait pas reconnue.
Normalement, les consommateurs ne peuvent dépenser que ce qu’ils gagnent… et les investisseurs ne peuvent investir que ce qu’ils épargnent. L’arrivée du nouveau dollar – prêté à des taux d’intérêt artificiellement bas – a soudain permis aux entreprises, aux consommateurs et aux investisseurs américains de s’éclater, en utilisant l’argent que personne n’avait gagné ou épargné.
Les ventes ont augmenté et, en l’absence de coûts salariaux compensatoires, une grande partie de l’argent est tombée directement dans les caisses des entreprises. Les spéculateurs pouvaient désormais jouer sans avoir à supporter le moindre coût. Le PIB a également augmenté… grâce à l’argent fictif.
Personne n’a mieux compris comment tirer parti d’un crédit mal évalué que les grands argentiers de Wall Street. Les spéculateurs ont emprunté à des taux très bas – même inférieurs au taux d’inflation – et ont acheté des actions, des cryptomonnaies, des obligations et des biens immobiliers. Ils ont parié – à juste titre – que leurs paris conduiraient à des plus-values.
Grâce à la Fed, ils ont gagné leur pari. Mais la partie n’est pas encore terminée : l’élastique n’est toujours pas retombé. La phase de remboursement du boom du crédit reste à venir. Le ratio Dow/Gold dépasse les 40 (comme en 1999), mais il peut aussi chuter à 1 (comme en 1980). Il vient de dépasser 15… à surveiller de près.