La Chronique Agora

Bons souvenirs et désunion européenne

Ah, qu’elle nous rappelle de bons souvenirs, cette série gagnante de cinq séances de hausse consécutives qui porte le CAC 40 au-delà des 3 660 et l’Euro-Stoxx 50 au-dessus des 2 700 !

Paris a engrangé 1% mardi soir, clôturant un peu au-dessus des 3 660 points. Cela représente plus de 2% repris sur les planchers du début de la matinée (3 593 points).

Les prises de profit initiales consécutives à la dégradation de la dette grecque par Moody’s ne se sont pas poursuivies au-delà de la première heure de cotations. L’euro s’est en effet rapidement redressé au-dessus des 1,23 $ ; il a terminé la journée à plus de 1,235 $, sur un gain de 1% par rapport à lundi soir (le pétrole bondit de 2% à 76,6 $/baril).

L’euphorie qui s’est amplifiée au fil des heures à Wall Street suggérait que la vague haussière avait encore quelques beaux jours devant elle, une sorte d’appel du 18 juin. Ce sera effectivement la dernière séance du mois, du trimestre et du premier semestre pour tous les gérants utilisant des instruments à terme comme les options et les contrats sur indices.

Il faut remonter à la période du 26 février au 5 mars dernier pour retrouver trace d’une période bénie où le terme de consolidation semble banni et où les marchés se retrouvent comme aspirés vers les sommets.

Les indices boursiers alignent les « bougies verte » (journées positives) par demi-douzaines. Ils ne reperdent jamais plus de quelques dizaines de points sur les centaines gagnées, et n’éprouvent pas plus le besoin de reprendre leur souffle.

▪ Nous ne sommes pas surpris de voir se dérouler un tel scénario à 48 heures de la fameuse séance des « Quatre sorcières » qui marquera la fin du premier semestre 2010. Une perte annuelle supérieure à 15% sur les indices paneuropéens (mardi dernier en clôture) faisait mauvaise impression.

Il s’en est même fallu de peu que les investisseurs se mettent à redouter de finir le mois de juin à -25% à Paris si Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se retrouvaient dos à dos… Cela après que les électeurs allemands ont fait clairement savoir qu’ils en avaient plein le dos de payer pour combler les déficits de pays qui n’ont d’autre vocation que d’être des destinations touristiques pas chères et non des partenaires pour un grand projet de monnaie de réserve constituant une alternative crédible au dollar (selon la rédaction du Stern et du Bild).

A propos… lorsque les 13 premiers Etats de l’union américaine se dotèrent d’une monnaie unique en 1786, les disparités économiques entre le minuscule Delaware et la vaste Virginie (qui englobait l’actuel Kentucky) étaient considérables. La Caroline du Nord était au moins trois fois plus vaste que la Caroline du Sud — avant d’être coupée en deux pour donner naissance au Tennessee, 20 ans après la Déclaration d’indépendance.

Il y avait des Etats agricoles, d’autres, plus maritimes, qui ne vivaient que du commerce. Certains toléraient l’esclavage (la plupart en fait), d’autres n’y avaient pas recours… Et la Pennsylvanie subit plusieurs mauvaises récoltes céréalières qui mirent les finances locales à genoux tandis que la Géorgie voyait exploser le rendement de ses champs de coton.

Une approche strictement « maastrichtienne » des finances de chacun des 13 « Etats souverains »aurait dû avoir raison de l’existence du dollar bien avant que ne s’écoule la première décennie… En fait, il n’aurait jamais dû survivre à la Guerre de Sécession, et encore moins à la création de la Fed en 1913 ou au krach de 1929/1932 qui entérina sa non-convertibilité en or pour les détenteurs domestiques.

Pourtant, même s’il a perdu 99% de sa valeur originelle, le billet vert a toujours un cours légal aux Etats-Unis. Mais de nombreuses sources concordantes affirment que l’Allemagne étudie tous les scénarios pouvant mener à une reconfiguration de la Zone euro. Cela comprend son propre retour au deutschemark après une année d’adaptation incluant la double circulation de l’euro et du DM… avant que le premier ne disparaisse complètement des comptes et des porte-monnaie germaniques.

La possibilité d’une désunion fait d’ailleurs partie du Traité de Lisbonne. Ce serait dommage de ne pas exploiter toutes les possibilités de ce document… d’autant que la BCE vient de procéder, dans l’urgence et au nom de la survie de l’Eurozone, à une monétisation de la dette grecque, ce qui était expressément proscrit par les textes officiels.

▪ Mais revenons-en aux indices boursiers. Il en est un, libellé en dollar, qui retient particulièrement notre attention : le Dow Jones.

Après une succession d’échecs sous les 10 260 points (c’est-à-dire la moyenne mobile à 200 jours, pour évoquer une référence incontournable dans les salles de marché anglo-saxonnes), le Dow effectue une belle percée au-dessus des 10 325 points. Ce seuil avait été testé la veille, peu avant que Moody’s ne ravale la dette grecque en catégorie « junk bond« .

Les « 30 industrielles » progressent tant et si bien depuis une semaine qu’elles n’affichent plus qu’un handicap symbolique de -0,5% par rapport au 31 décembre 2009.

Les 500 composantes du S&P ne perdent plus que 0,2% ; le Nasdaq Composite redevient positif de 1%. Autrement dit, un portefeuille bien diversifié doit générer de la plus-value pour le millésime 2010 depuis la mi-séance de ce mardi 15 juin.

Pour déterminer si les cours doivent aller plus haut, il suffit de se poser une question simple. Les perspectives de croissance économiques (et de hausse des bénéfices des entreprises) sont-elles plus favorables aujourd’hui qu’elles ne l’étaient au 1er janvier, quand la quasi-totalité des opérateurs niaient farouchement que le problème de la dette souveraine puisse surgir au sein même de la Zone euro et perturber la hausse des marchés ?

▪ Ceux qui se réjouissent aujourd’hui du rebond des Bourses mondiales nient avec la même énergie le risque de voir la bulle immobilière et d’investissement exploser en Chine. C’est à peine si les vagues de grèves et de suicides les alertent sur la formidable machine à créer des inégalités sociales qu’est devenu le dernier empire communiste de la planète.

Des dizaines de Chinois dévalisent les boutiques de luxe et rêvent de vacances dans un Club Med 4 étoiles dont ils détiennent plus de 7% et peut-être bientôt 15%… Mais leur richesse ne repose que sur la valeur — gonflée à l’hélium de la surabondance du crédit — de leur patrimoine immobilier et de leur portefeuille boursier.

Les derniers communiqués de la Banque centrale chinoise démontrent que Pékin est bien conscient de l’aspect explosif de la situation. Le danger est jugé d’autant plus grand que la clientèle européenne risque de voir son pouvoir d’achat sérieusement amputé.

▪ Une semaine après qu’Angela Merkel eut annulé un dîner de travail pour annoncer un plan de 80 milliards d’euros d’économies en Allemagne, Nicolas Sarkozy a eu son tour. Il a annoncé, devant un parterre de patrons de PME/PMI, une réduction de 45 milliards d’euros des dépenses en 2011 (et autant en 2012 ?) pour un retour sous la barre des 3% de déficits en 2013.

Le président a réaffirmé que le nombre de fonctionnaires allait continuer à être fortement réduit (après 100 000 suppressions de postes depuis le début de son mandat). Il a également annoncé que des niches fiscales seraient supprimées et que l’âge de la retraite serait repoussé (sans préciser de combien mais deux ans semble un minimum) « comme dans tous les pays ».

Une hausse des prélèvements touchant les plus hauts revenus est à l’étude… mais la « richesse » commençant statistiquement au-dessus de 4 500 ou 5 000 euros par mois, les classes moyennes supérieures peuvent s’attendre à un méchant coup de rabot sur leur pouvoir d’achat (qui a déjà perdu d’épais copeaux au niveau de la fiscalité locale)… Les entreprises ne seraient pas concernées, quant à elles — et les PME non cotées devraient par ailleurs être dispensées de se soumettre aux nouvelles (et coûteuses) normes IFRS.

Ponctionner la classe moyenne tout en ménageant les ultra-riches pour renflouer les caisses de l’Etat est une constante historique au moins aussi inaltérable que certaines lois de la physique… Tout comme la désintégration irréversible d’une monnaie papier, dès sa sortie de la presse, par rapport à sa contre-valeur en métal précieux.

Et allez comprendre : alors que les actions et l’euro grimpent avec des rendements obligataires qui se tendent violemment, l’or ne baisse toujours pas !

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