La Chronique Agora

Bienvenue dans la névrose mondiale

Les élites sont désormais totalement déconnectées du réel – et cela déséquilibre jusqu’à la nature elle-même.

Nous vivons dans une névrose envahissante de toute-puissance du langage truqué, dans un monde d’illusionnistes, de charlatans. Nous vivons, nous habitons une névrose qui nous désadapte au/du monde, et « les docteurs », les « sujets supposés savoir », les Macron du monde entier, pour prendre un exemple que vous connaissez, les Diafoirus, sont encore plus névrosés, malades que leurs patients, que les gens du commun, que les gens d’en bas.

Pourquoi ?

Parce que les gens du commun se coltinent le réel, le transforment, l’assument, en portent le fardeau. Ils restent en contact avec lui, et donc ils le connaissent d’expérience – alors que les « sujets supposés savoir » ne connaissent que les romans, les discours, les récits qu’ils se transmettent entre eux, à l’ENA par exemple. Or le but de ces discours n’est pas de conduire la société vers un mieux-être mais de gagner des élections ou de franchir les jalons de l’échelle sociale.

Leur volonté personnelle de puissance, leur volonté de domination de groupe, de classe, est leur seul guide.

La névrose – la leur –, c’est fondamentalement de confondre, pour donner une comparaison, les panneaux qui indiquent « danger » sur la route avec la réalité du danger, et ainsi de détourner leur attention de la configuration de la route. Un bon exemple : la réforme des retraites. On a conçu des modèles qui passent totalement à côté des besoins réels.

Revenons au coronavirus et à la planète, que nous avons commencé à aborder hier, et qui se situent en plein dans cette problématique.

Le monde a-t-il jamais été « équilibré » ?

Le débat porte sur la question de savoir si le capitalisme a provoqué une « rupture métabolique » entre l’homo sapiens et la planète – c’est-à-dire s’il a perturbé le précieux équilibre entre les espèces et la planète… et donc s’il peut fondamentalement générer des virus dangereux et, bien sûr, un réchauffement climatique potentiellement incontrôlables qui pourraient détruire la planète.

Le débat tourne autour de la question de savoir si, à un certain moment dans le passé, avant le capitalisme, il y avait un certain équilibre métabolique ou une certaine harmonie entre les humains d’une part et la « nature » de l’autre.

Il y en avait un, d’une certaine façon.

Certes, la nature n’a jamais été dans un état d’équilibre. Le monde a toujours changé et évolué, les espèces s’éteignant et émergeant à la Darwin. Mais ceci s’est fait en symbiose avec le monde, avec lui et sous sa pression.

Les humains n’ont jamais été en mesure de dicter leurs conditions sur la planète ou sur d’autres espèces sans répercussions. La « nature » définit l’environnement pour les humains et les humains agissent sur la nature. N’oubliez jamais la reine rouge : nous devons courir de plus en plus vite pour rester à la même place, l’adaptation est une course sans fin.

Pour citer Marx :

« Les hommes font leur propre histoire mais ils ne la font pas à leur guise; ils ne le font pas dans des circonstances choisies par eux-mêmes, mais dans des circonstances directement rencontrées et héritées du passé. »

On organise la disparition du monde

L’adaptation au monde est notre condition de survie, mais que se passe-t-il si nous organisons l’occultation du monde, si nous programmons sa disparition derrière des signes trompeurs et que nous le remplaçons par un monde imaginé ?

Nous lâchons la proie pour son ombre.

Le monde capitaliste financiarisé que nous avons créé n’est pas le monde, mais sa caricature. C’est une ombre de monde submergée par les chiffres de la finance.

Je reste provisoirement partisan d’un système social basé sur le profit et sa recherche opérationnelle, utilitaire, mais je doute de la validité d’un modèle social fondé sur la maximisation à tout prix de ce profit pour le bénéfice d’une classe.

La recherche du profit est utile pour l’efficacité, mais elle est relative, elle n’est pas absolue. Or on en fait, depuis les années 60, un absolu, un absolu ultime. La raison de toutes choses.

Que dire de la folie qui consiste à privilégier le présent aux dépens du futur et de l’avenir par les taux d’intérêt négatifs ? De privilégier le gaspillage et l’imprévoyance sur la frugalité raisonnable ? Une folie. Une folie logique, mathématique, produite par des théories fausses.

Ce qui est clair, maintenant, c’est que la recherche sans fin du profit, du profit pour le capital qui a colonisé le politique, exerce un pouvoir destructeur non seulement par l’exploitation du travail et des relations sociales, mais aussi par la dégradation de la nature.

Est-il étonnant que la nature réagisse périodiquement et de façon accélérée d’une manière mortelle ? Je ne le pense pas. L’épidémie de coronavirus peut s’estomper comme les autres avant elle, mais il est très probable qu’il y aura d’autres épisodes pathogènes encore plus mortels à venir.

Et d’autres, beaucoup d‘autres catastrophes pas forcément directement causées par les humains, mais indirectement, parce que nous bousculons des harmonies qui nous dépassent et dont malheureusement nous n’avons pas/plus conscience en raison de la division du travail, de la parcellisation des connaissances et de la généralisation d’optimisations partielles.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile