Les Etats-Unis sont en crise économique et sociale, divisés, fracturés – et l’élection n’y changera rien, quel que soit le vainqueur définitif. Cela en dit long sur l’état du monde dans son ensemble…
Les crises paupérisent le public. Elles le jettent dans le populisme ou le nihilisme. Nos sociétés sont fracassées – et cela est vrai partout dans le monde.
Sous nos yeux, le système phare, le système américain, se délite. Les milices paramilitaires poussent comme des champignons. L’élection fournit le triste spectacle d’un peuple qui se barricade par peur des émeutes post-électorales.
La disparition de la prospérité a réduit la production de richesse par tête, elle a accru les inégalités ; le système est perçu soit comme inefficace, soit comme injuste.
Pour se prolonger, le système est obligé de recourir d’abord à la dette puis à la production de fausse monnaie. C’est une voie sans issue, un aller sans retour, mais cela permet de gagner du temps. Au prix d’une catastrophe future.
Exacerbations et dislocation
La situation n’est pas meilleure en matière géopolitique : la paupérisation exacerbe les conflits, la coopération internationale a laissé la place aux affrontements de guerre froide puis tiède. Le monde devient dangereux.
Quand le butin se raréfie, les bandits s’entretuent.
Les gouvernements et leurs sponsors tentent de préserver l’ordre établi par la propagande, les mensonges, les fausses statistiques et, de plus en plus, par la censure et les contrôles. On voit de plus en plus apparaître l’usage de la force grâce à la militarisation des polices.
Derrière la question de la légitimité des gouvernements puis du personnel politique se profile maintenant clairement celle de la légitimité du système lui-même.
Ce n’est pas un hasard si aux USA, pays du capitalisme libéral, le démocrate Biden a dû emprunter aux idées socialistes et s’il doit flirter avec la clientèle des gauchistes « liberal », progressistes, au sens anglo-saxon du terme. Il a choisi une candidate à la vice-présidence pour leur plaire. 50% des jeunes Américains se déclarent proches des idées socialistes.
Bref, nous sommes sur la pente, la mauvaise pente de la dislocation de nos arrangements sociaux, de nos sociétés.
Qu’attendre de la « bidenomique » ?
Dans un éditorial intitulé « La bidenomique peut préserver le soutien au capitalisme », le Financial Times (FT) s’exprime ainsi :
« Depuis John Maynard Keynes, le meilleur argument pour justifier une intervention de l’Etat n’a pas été d’abolir le marché, mais d’essayer de conserver le soutien public en sa faveur […]. [Et si] elle était mise en œuvre, la bidenomique rendrait la vie plus difficile pour les entreprises et pour les hauts revenus, mais elle pourrait également éviter que vienne une heure des comptes plus douloureuse plus tard. »
Le FT appelle « bidenomique » la politique économique de Biden.
En clair j’affirme avec le FT que ce qui est en jeu en ce moment dans le monde occidental et singulièrement aux Etats-Unis, c’est le soutien du public au système ; c’est la survie du système tel que nous le connaissons, fut-ce au prix de décisions douloureuses pour les entreprises, les très grosses fortunes et l’orthodoxie libérale, économique, financière et monétaire.
Il est dommage que les élites, leurs politiciens aux ordres, les intellectuels, les médias, les corps constitués ne reconnaissent pas cette situation et n’en prennent pas conscience car faute de prise de conscience des enjeux, il n’y aura aucun débat.
Nous serons comme en 2009 dans l’unilatéralisme et dans la fabrication de consensus bidons qui ne feront que retarder la véritable authentique heure des comptes.
Une économie en position de fragilité
A l’heure où nous écrivons ces lignes, les sondages d’opinion indiquent que le candidat du parti démocrate Joe Biden va remporter l’élection présidentielle américaine et évincer le président sortant Donald Trump.
Les démocrates conservent également leur majorité à la chambre basse du Congrès américain, la Chambre des représentants ; en revanche, leurs chances de reprendre la chambre haute, le Sénat, s’amenuisent.
Mais même sans ce dernier, Biden et les démocrates auront le pouvoir politique de changer le cours de la pandémie de Covid-19 et de l’économie américaine au cours des prochaines années.
D’abord, il faut rappeler qu’avant que cette pandémie n’éclate à travers le monde, la plupart des économies, y compris les Etats-Unis, basculaient déjà dans la récession… avec, à l’horizon, une nouvelle crise financière en préparation.
L’économie américaine subit la pire crise économique depuis les années 1930. Les chiffres du PIB américain du troisième trimestre publiés il y a quelques jours montrent que l’économie américaine est toujours bien en deçà de son niveau d’avant la pandémie.
Le PIB américain est toujours 3,5% en dessous de son niveau d’avant la pandémie, tandis que les investissements des entreprises sont encore inférieurs de 5% environ.
Sur plus de 22 millions d’emplois perdus en mars et avril pendant les verrouillages, seuls 11,3 millions environ ont été récupérés jusqu’à présent.
Un nouveau projet de loi de relance de l’ancien Congrès censé aider les chômeurs n’a jamais été approuvé. Le chômage de longue durée est inquiétant.
Le gouvernement fédéral a certes reçu les fonds du Congrès – levés par la Réserve fédérale grâce à l’achat d’obligations gouvernementales –, mais les Etats et les comtés locaux ont été privés de fonds et sont contraints de licencier des centaines de milliers d’employés publics.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]