Les tribulations boursières de Beyond Meat en disent long sur l’état du système… et l’appétit des spéculateurs pour les « gros coups » aussi rapides que creux.
Cette semaine, Beyond Meat – une entreprise qui vend des substituts de viande – s’est mangé une perte de 12%. La société reste tout de même à un prix dix fois supérieur à celui de son entrée en Bourse.
La chose la plus remarquable au sujet de Beyond Meat n’est pas la fausse viande ; cela fait des décennies que l’on consomme des imitations de produits carnés. La chose la plus intéressante, c’est ce que l’entreprise révèle sur le système actuel.
« Oubliez ça »
Il y a des années de cela, nous avons envisagé d’introduire notre société en Bourse. Nous avons donc appelé un ami – partenaire de la meilleure société d’investissement de Baltimore – pour en savoir plus.
« Oubliez ça », nous a conseillé ce vétéran des marchés.
« Pour commencer, aucune banque d’investissement respectable n’acceptera le projet. Vous êtes trop petits. Et vous allez devoir prouver que vous pouvez croître et rester profitables. Mais si c’est bien le cas… pourquoi entrer en Bourse ? Pourquoi distribuer vos profits à des étrangers ? Cela ne fera que vous créer des ennuis supplémentaires.
« On introduit son entreprise en Bourse uniquement quand on a besoin d’argent… ou qu’on pense que l’activité a atteint un sommet. On vend alors à l’argent idiot. Réfléchissez-y : qui irait vendre son entreprise en étant convaincu qu’elle vaudra plus dans le futur ? Un idiot ou un charlatan. »
Nous avons réfléchi une minute à la catégorie qu’il nous fallait viser – et puis nous avons abandonné le projet.
Huile de tournesol et profits stables
Le moyen traditionnel de gagner beaucoup d’argent, c’est de lancer une entreprise, de travailler pendant des années pour prouver l’efficacité de son concept, puis d’entrer en Bourse. On récolte les lauriers et on laisse au public une entreprise qui en est à un stade plus mûr, moins profitable, mais plus prévisible.
Les entrepreneurs de Beyond Meat auraient pu passer les 10 prochaines années à rajouter un peu d’huile de tournesol… extraire les dernières traces de gluten… incorporer un peu d’extrait de soja. Ils auraient alors probablement pu produire un facsimilé de hamburger à peu près raisonnable.
Ensuite, ils auraient pu affronter les autres producteurs de substituts de viande pour conquérir des parts de marché. Avec un peu de chance, ils auraient été en mesure d’augmenter leurs ventes à 200 ou 300 M$ – avec des profits de 30 M$ par an, disons.
Au moins les investisseurs sauraient-ils à quoi s’attendre. Ils pourraient regarder le taux de croissance et les marges, extrapoler les futurs chiffres, déduire les profits attendus et déterminer une estimation raisonnable de la valeur de l’entreprise.
Sur les chiffres que je viens de donner, on pourrait supposer que Beyond Meat entrerait en Bourse à 10 fois les bénéfices environ, ce qui donne une capitalisation de marché aux alentours des 300 M$.
Est-ce que ça ne suffirait pas ? « Du travail bien fait », diraient les investisseurs. Le PDG Ethan Brown pourrait se dire qu’il a réussi… au lieu d’être un escroc.
Mais Brown et son équipe n’ont pas attendu. Avec moins de 10 M$ de ventes… seulement 381 employés… et aucun profit enregistré – à aucun moment –, ils ont proposé l’entreprise aux marchés.
Les pros de l’investissement leur ont-ils refusé leur soutien… comme à nous il y a 30 ans ?
Pas du tout…
Les investisseurs leur ont-ils ri au nez ? Comment l’entreprise allait-elle être profitable un jour ? Comment pourrait-elle faire concurrence à des géants de l’alimentaire comme Hormel et Tyson Foods ?
Tout le monde savait que Beyond Meat n’avait pas de formule déposée… pas de marque populaire : dans ce marché, il n’y avait pas de châteaux – ni de douves pour les protéger.
Peu importait, visiblement. L’action s’est tout de même envolée, prenant jusqu’à +734% depuis son IPO en mai.
Etranges présages
Nous vivons une époque bizarre… et d’étranges présages apparaissent dans le ciel nocturne. Rien n’est tout à fait ce qu’il semble être.
Nulle part le sol n’est assez solide pour y tenir debout. On ne peut faire confiance à aucun chiffre. Et toutes les anciennes traditions ayant résisté à l’épreuve du temps – les budgets équilibrés, les IPO, les prix honnêtes – ont été balayées par l’argent frauduleux.
Le dessein de la véritable monnaie est de coordonner, calibrer et commémorer qui doit quoi à qui. Ce sont des informations vitales pour une économie moderne, post-Paléolithique. Supprimez-les et les choses deviennent toutes flagada.
Généralement, les imbéciles perdent rapidement leur argent idiot. Cela impose une limite au nombre d’accord stupides que le marché peut absorber ; il n’y a qu’une quantité donnée de cash attardé disponible.
Mais en mai, lorsque Beyond Meat est entrée en Bourse, la Réserve fédérale a commencé à inverser sa politique de « resserrement », annonçant un cycle d’assouplissement.
Positionnez-vous maintenant, ont dit les promoteurs, sans quoi vous risquez de passer à côté de l’un des plus grands changements d’habitudes de consommation de ces 100 dernières années ! C’est « mieux que Bitcoin », ont dit les brasseurs d’argent.
C’est ainsi que l’IPO a eu lieu… et au lieu de rire, les investisseurs ont fait grimper le prix à neuf fois l’offre initiale. La capitalisation boursière a dépassé les 14 Mds$ – devenant ainsi plus grosse que 25% du S&P 500… et valant plus que Conagra Brands, un géant de l’alimentaire vieux de 100 ans.
A présent, le PDG Brown et les autres fondateurs allègent leurs positions tant qu’elles valent encore quelque chose – c’est-à-dire aussi vite que possible. Le PDG à lui seul prévoit de vendre quelque 6,2 M$ d’actions.
Conagra a tout ce dont manque Beyond Meat – des employés (au nombre de 18 000), des marqués (la société possède Duncan Hines, Birds Eye, Orville Redenbacher, Hunt’s et Slim Jim), des ventes (9,5 Mds$), et des profits (708 M$).
Il y a de la matière. Une vraie entreprise. Avec de vraies ventes et de vrais profits. Mais ce poids ne fait qu’alourdir Conagra. Elle se traîne, tandis que Beyond Meat s’est envolée. Que faut-il en déduire ?
Nous n’en savons rien… mais en ce moment, les spéculateurs veulent du factice.
Et pour l’instant, il ne semble pas y avoir de limite à leur argent idiot… ni à son degré d’idiotie.