La Chronique Agora

Bernanke à la rescousse… tous aux abris !

** Lorsque les marchés ont commencé à montrer quelques faiblesses à la fin juillet, certains commentateurs de CNBC et autres observateurs du monde de la finance ont commencé à hurler à la lune, réclamant une baisse des taux. – Selon le raisonnement, une baisse des taux aide les marchés, et tout le monde peut alors recommencer à gagner de l’argent. Crise évitée, barrage colmaté, et ainsi de suite. Mais comme le notait récemment l’analyste financier Michael Belkin, "le consensus est 100% convaincu que les baisses de taux de la Fed sont toujours haussières (il ne faut pas lutter contre la Fed, etc.) — mais les données ne sont pas de cet avis".

– Ah, les données. Oui, il y a ce petit détail à prendre en compte : ce qui s’est effectivement passé la dernière fois que la Fed a commencé à baisser ses taux. Cela implique un minimum de travail. La plupart des grosses têtes de la télévision préfèreraient s’enfoncer des aiguilles dans les yeux ou avaler des poissons rouges tout vifs. Mais si l’on regarde la dernière série de baisse des taux, on obtient un tableau saisissant.

– Spécifiquement, durant le dernier cycle de baisse des taux, le S&P 500 a chuté de 47%. D’un point de départ à 6,5% en janvier 2001, la Fed a baissé les taux jusqu’à atteindre 1%. Pourtant, cela n’a pas semblé aider les marchés.

– Autre exemple, le Japon. En 1995, la Bank of Japan avait ramené ses taux quasiment à zéro — mais cela n’a pas empêché le Nikkei d’être divisé par deux. Aborder ce sujet avec un banquier central, cela revient à parler de la campagne de Russie avec un des maréchaux de Napoléon.

– Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est douloureusement évident : les taux d’intérêt ne font pas tout. D’autres choses ont plus d’importance, comme par exemple le prix qu’on paie pour les actions qu’on achète… et quelles actions on achète.

– En 2001, la bulle des dot.com éclatait enfin. La folie sur les TMT (technologie, média et télécommunications) prenait fin. Selon Bull: A History of the Boom ["Bull, une histoire du boom", ndlr.], de Maggie Mahar, "en février 2002, 100 millions d’investisseurs individuels avaient perdu 5 000 milliards de dollars, soit 30% de la richesse qu’ils avaient accumulée en Bourse — depuis le printemps 2000".

– Conséquence de cette baisse majeure — qui entraîna plusieurs grandes faillites, des pertes d’emploi, etc. — nous avons vécu une récession. Il y a débat sur la date exacte où tout cela a commencé, et quand cela a terminé. L’essentiel à retenir, c’est que l’économie a largement diminué durant cette période.

** Aujourd’hui, nous avons une fissure majeure dans les marchés du crédit. De mauvais paris faits sur des créances adossés à la dette immobilière ont fait disparaître certains hedge funds et occasionné de lourdes pertes pour les investisseurs de toutes catégories. Tout ce désordre a également infligé de gros dégâts dans les bilans de bon nombre de prêteurs hypothécaires, réduisant leurs cours à néant et menaçant jusqu’à leur existence. Le plus gros prêteur immobilier des Etats-Unis, Countrywide, pourrait se retrouver en faillite.

– Les prix de l’immobilier chutent. La baisse de 3,2% au second trimestre était la plus rapide depuis que Standard & Poor’s a commencé à suivre son indice immobilier US en 1987. Les stocks grimpent, eux aussi. La masse de maisons invendues aux Etats-Unis a récemment atteint un sommet de 16 ans.

– Donc, comme avec la période de 2001-2003, on voit une grosse bulle en train de se dégonfler. Difficile d’imaginer que le krach de l’immobilier ne ralentisse pas au moins la croissance économique, voire nous précipite dans les marais de la récession. Dans ce dernier cas, les baisses de taux seront comme des dentelles blanches sur un uniforme de mineur — c’est-à-dire complètement inutiles et même un peu ridicules. A court terme, les baisses de taux fournissent quelques rebonds temporaires, mais c’est à peu près tout.

– Je ne suis pas en train de prédire que les prix des actions chuteront aussi radicalement qu’en 2001-2003. Les valorisations sont plus basses aujourd’hui, d’une manière générale. Et tous les cycles boursiers sont différents. Mais je pense, par contre, que vous devriez ignorer la Fed. Ce que vous possédez — et le prix auquel vous le payez — sera bien plus important que tout ce que fera la Fed.

– Après tout, certains paris bien placés sur les matières premières et les valeurs immobilières en 2000 ont rapporté de jolis gains en cinq ans seulement. Il y aura donc des fleurs à cueillir dans la mine de charbon aujourd’hui… et je suis convaincu que les entreprises du secteur de l’eau, de l’énergie et des infrastructures en feront partie.

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