La Chronique Agora

Du berceau à la tombe

inflation, assurance, retraite, Etat-providence

Gouvernements en faillite, contrats sociaux moisis et monnaies défectueuses…

« Revenu annuel : vingt livres ; dépenses annuelles : dix-neuf livres, dix-neuf shillings, six pence ; résultat : bonheur. Revenu annuel : vingt livres ; dépenses annuelles : vingt livres, zéro shilling, six pence ; résultat : misère. »
~ Charles Dickens, extrait de David Copperfield.

Tous les trains pour Paris étaient annulés, la semaine dernière. Pourquoi ?

Est-ce parce que le modèle occidental de la social-démocratie est en faillite ? Parce qu’il a laissé ses dépenses dépasser ses recettes année après année ? La faillite de l’Etat-providence fait-elle partie de la série de catastrophes qui nous attendent ?

Voici l’article de CNN à ce sujet :

« Les travailleurs français [sont descendus] dans la rue jeudi pour protester contre une réforme radicale du système de retraite du pays qui, si elle est mise en œuvre, obligera la plupart des Français à travailler deux ans de plus avant de prendre leur retraite.

 Huit des plus grands syndicats français – couvrant les transports, l’éducation, la police, les cadres et les secteurs publics – ont [fait] de jeudi le ‘premier jour de grèves et de manifestations’ contre le projet de réforme des retraites. »

Nous sommes heureux de rester où nous sommes, à environ deux heures à l’ouest de Paris, dans une vieille ferme. Dehors, il pleut, il neige, il grêle – un hiver typique en Normandie. Mais nous sommes si bien installés, devant un feu de cheminée.

Service public

Pendant ce temps, les Français enchaînent les grèves. Les enseignants. La police. De nombreux employés du « secteur public »… c’est-à-dire que les personnes payées pour fournir des services au public… ne font pas ce pour quoi ils sont payés.

Pour mettre cela en perspective… Otto von Bismarck a inventé le modèle d’Etat-providence pour la Prusse à la fin du XIXe siècle. Quel homme brillant. Il a lancé trois guerres courtes et victorieuses contre l’Autriche, le Danemark et la France. Il a compris que les masses pouvaient être ralliées derrière le drapeau national en temps de guerre.

Mais la plupart des efforts de Bismarck, le « Chancelier de Fer », ont été consacrés à la diplomatie, pour essayer de préserver la paix. Et, en temps de paix, « le peuple » a moins besoin du gouvernement. Si la guerre est la santé de l’Etat, comme le suggérait Randolph Bourne, la paix doit être sa maladie. La médecine de Bismarck est décrite par Kees van Kersbergen et Barbara Vis comme suit :

« […] l’octroi de droits sociaux pour favoriser l’intégration d’une société hiérarchisée, permet de tisser un lien entre les travailleurs et l’État afin de renforcer ce dernier […]. »

Dans la maladie et la santé

L’Etat a été renforcé parce que sa nouvelle mission a permis à l’élite gouvernementale de prendre une plus grande part du PIB de la nation en promettant de fournir des services sociaux en retour. Il a également unifié le peuple derrière le gouvernement, dans un programme d’assurance sociale unique et partagé, donnant aux citoyens un réel intérêt dans le système lui-même.

Ils ont commencé à voir le « gouvernement » pas seulement comme une nuisance, mais comme une source de sécurité et de richesse. Après tout, c’est l’Etat qui les soutiendrait dans leurs vieux jours. Aujourd’hui, au moins 60 % des Français et 50 % des Américains reçoivent de l’« argent » de leur gouvernement.

Le problème de ce système est d’ordre mathématique. Les gouvernements ne peuvent donner que ce qu’ils prennent. Logiquement, l’argent pour payer les pensions doit encore et toujours provenir de personnes qui reçoivent de l’argent. Et, en pratique, le gouvernement est un très mauvais gestionnaire des fonds de retraite. Il gaspille une grande partie de ses revenus (surtout aux Etats-Unis, où le budget de la « défense » éclipse tous les autres postes de dépenses). Et une grande partie de l’argent est siphonnée au profit des décideurs eux-mêmes. Ainsi, le retour sur investissement réel pour le retraité moyen est faible.

Ce défaut a été retardé et masqué pendant plus d’un siècle, grâce à la croissance extraordinaire de l’économie alimentée par les combustibles fossiles… et à la forte augmentation de la population. Comme la société est devenue plus riche, avec plus de gens pour soutenir le gouvernement, les gouvernements ont pu payer les retraités plus qu’ils ne le méritaient. Donc, les retraités ont commencé à s’attendre à plus. Les politiciens ont augmenté les versements. Les coûts ont augmenté… alors que les revenus n’ont pas suivi.

Valeur de remplacement

Toute chaussure blanche aspire à la boue. Et toute politique publique vise l’échec. Aujourd’hui, presque partout, les programmes de retraite publics sont sous-financés. Presque tous les gouvernements du monde sont très endettés. Les taux de croissance du PIB sont au ralenti. La productivité – sous le poids de tant de réglementations sociales – est en baisse. Et les populations plafonnent.

En Europe, le taux de fécondité – le nombre d’enfants par femme – était de 3 en 1950 ; aujourd’hui, il est de 1,6. Aux Etats-Unis, les femmes n’ont pas assez d’enfants pour maintenir le niveau de population actuel ou le système de sécurité sociale. Globalement, le taux de fécondité est de 1,7. Pour les femmes blanches, il est à peu près le même qu’en Europe, soit 1,6. C’est pourquoi les élites ont tendance à favoriser l’immigration ; elle permet de maintenir la solvabilité des systèmes de sécurité sociale.

Le gouvernement français essaie d’alléger la pression en augmentant l’âge de la retraite (ainsi que d’autres mesures), mais ces mesures ne font que rendre le « contrat social » de Bismarck moins attrayant. Et maintenant, le jeune Français, qui s’attend à être pris en charge du berceau à la tombe, se demande comment cela va se passer.

Comment un gouvernement en faillite… croulant sous les dettes et les obligations héritées du passé, et géré par une large classe de décideurs incompétents, surpayés et surpuissants… pourra-t-il tenir ses promesses ?

Ne devra-t-il pas utiliser l’inflation pour en faire disparaître une partie ? Ses banques centrales et ses gouvernements centralisés ne devront-ils pas renoncer à leurs politiques de « resserrement » ? Et cela ne signera-t-il pas l’arrêt de mort de leurs monnaies et de leurs obligations à taux fixe ?

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