La Chronique Agora

De Benjamin Graham à Peter Lynch, leçons à un jeune investisseur

▪ "J’ai gagné 48 $ hier", m’a déclaré mon fils Calvin. "A ce rythme, je gagnerai 240 $ par semaine".

J’ai commencé à donner à Calvin, âgé de 14 ans, quelques notions de bourse et d’investissement. Avec un minimum de conseils et les règles de base que je lui ai inculquées, il s’est constitué un portefeuille virtuel de 4 000 $ lundi dernier. Au bout d’un jour, il avait gagné 48 $… et, comme de bien entendu, il croit que c’est simple comme bonjour. Il attend avec impatience de commencer à jouer avec de l’argent réel.

Suivent ici quelques réflexions sur la façon par laquelle se construit un investisseur dès son jeune âge.

"Mais tu ne sais pas encore grand’chose sur ces entreprises", ai-je répondu à Calvin. "Et tu n’as rien réalisé tant qu’elles ne sont pas vendues. Tes actions pourraient chuter la semaine prochaine".

"Je les ai achetées en phase de repli", m’a-t-il répondu. Les ados croient tout savoir. J’ai été jeune moi aussi.

"En fait, je pense que tu devrais attendre un peu et voir comment les choses évoluent. Tu devrais te renseigner sur ces entreprises puis choisir celles que tu préfères. Vas-y petit à petit. Ne les achète pas toutes en même temps".

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"La plupart des informations dont je dispose ne peuvent pas être diffusées dans les médias. Pourtant, certaines pourraient vous permettre de réaliser des plus-values de 25%… 34,5%… 60%… et bien d’autres"

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"Attendre m’a déjà coûté 48 $", a-t-il répliqué avec assurance. "Je pense qu’il faut acheter ces actions aujourd’hui". Au moins comprend-il les valorisations d’opportunité, ai-je pensé.

"Tu as oublié les commissions. Dans la vie réelle, tu aurais dû payer 7,99 $ par transaction".

Cela l’a fait réfléchir quelques instants. "Je devrais alors diminuer le nombre d’actions que je possède. Quelles sont celles dont je devrais me débarrasser ?" Il observa l’écran à nouveau. "Regarde, à présent je suis en hausse de 53 $ ! J’ai gagné cinq dollars en cinq secondes !"

"Calvin !" appela sa mère de l’autre bout de la maison. "Cesse d’observer tes actions et va faire tes devoirs de maths". Mon fils se lève pour chercher son bouquin de géométrie.

J’ai réfléchi à la façon dont je pourrais expliquer les dures réalités de l’investissement à mon fils. Comment lui apprendre à subir des revers sereinement ? Comment lui apprendre à se montrer patient et humble face à l’inconnu ?

▪ Petit investisseur deviendra grand

Lorsqu’on y réfléchit, c’est un exercice intéressant. Tout cela frise l’absurde. Tous ces millions d’yeux qui suivent le prix de milliers de symboles d’actions chaque seconde tous les jours. Tous ces gens qui échangent leurs titres, essaient de prédire leurs variations. Bavardage futile. Rumeurs quotidiennes. Mixture de mauvais conseils et de charlatans. Comment expliquer cette folie superficielle et la réalité : ces symboles d’actions représentent des participations dans des entreprises réelles ?

Je me souviens de la première action que j’ai achetée, Intuit. Elle a pris 10% en une semaine et je l’ai vendue. Je n’ai pas pu résister. Je me suis dit : "10% en une semaine… Je serai heureux de gagner ça en une année. De l’argent facile !" L’action n’a cessé de grimper et j’ai donc appris à être patient. La deuxième action que j’ai achetée était Intel, que j’ai gardée jusqu’à ce qu’elle triple.

Mais c’est également une bonne chose de faire l’expérience d’un beau gadin. Je me souviens avoir fait un important pari sur Loewen Group. J’y avais investi 2 000 $ — toute mon épargne retraite — tellement j’étais sûr de moi. J’ai fait faillite et j’ai tout perdu. C’est le prix à payer pour apprendre me suis-je dit, non découragé et plus déterminé que jamais à réussir. J’ai donc appris — réellement appris — l’importance des bilans.

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J’avais 20 ans. Je dévorais les ouvrages de finance et d’investissement. J’étudiais la finance à l’université. Je travaillais dans des banques, étudiais des entreprises et le concept de solvabilité. J’ai lu les livres de Ben Graham et les essais de Warren Buffett. J’ai lu les livres de Peter Lynch, les lettres de Marty Whitman. Le domaine de l’investissement en bourse me fascinait alors et me fascine autant aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, il faut que je réfléchisse à ce que je vais enseigner à Calvin (ma fille Charlotte, 11 ans, n’est pas en reste. "Qu’est-ce que cela veut dire, posséder une action ?" m’a-t-elle demandé. Voilà une question existentielle.)

▪ Des maîtres illustres

Je n’ai pas commencé aussi jeune que mon fils. En farfouillant de-ci de-là sur internet, il a eu connaissance des PER. Des chiffres bas signifient qu’une action est bon marché, toutes choses étant égales par ailleurs (ce qu’elles ne sont jamais). Il s’est donc mis à sélectionner certaines entreprises avec des PER faibles.

J’ai conseillé à Calvin de chercher autour de lui pour avoir des idées : ses chaussures préférées ; ses magasins préférés ; ses restaurants préférés, etc. De quoi parlent les jeunes ? Que souhaitent-ils posséder ? Qu’aiment-ils ? Voilà un bon début.

C’est la méthode de Peter Lynch : commencez avec ce que vous connaissez et ce que vous observez autour de vous. C’est le sous-titre de son premier livre, Et si vous en saviez assez pour gagner en Bourse. Je possède encore l’édition 1989 de ce livre ; les coins des pages sont un peu jaunis avec le temps. Il semble qu’il n’y a pas si longtemps, il était encore frais et neuf. Dans ce livre, Lynch raconte l’histoire de sa femme, Carolyn, qui lui parlait sans cesse de la marque de collants L’eggs. Il a gagné six fois sa mise sur l’action avant qu’elle ne soit rachetée.

J’ai parlé de Peter Lynch à Calvin. La méthode de Lynch a conduit Calvin vers Apple, ce qui n’est guère surprenant. Nous utilisons tous les jours des produits Apple à la maison. La méthode de Lynch l’a également conduit à Staples. "La rentrée scolaire est pour bientôt", a réfléchi Calvin. "Ce sera une bonne chose pour l’entreprise parce que les gens devront acheter des fournitures".

J’ai souri. Cela semble si simple pour lui aujourd’hui. Mais il devra apprendre avec ses propres expériences. Il devra accumuler ses propres échecs.

C’est à partir de ces premiers petits pas que l’on devient investisseur.

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