La Chronique Agora

Ben Bernanke : mission accomplie ?

** Les marchés US ont légèrement grimpé, les matières premières ont légèrement chuté, et l’or a reculé.

* Ce sont de très bonnes nouvelles pour Ben Bernanke et sa joyeuse bande de manipulateurs de marché. M. Bernanke a fait il y a quatre ans de cela une remarque restée célèbre, affirmant que le monde était meilleur grâce à "une politique monétaire améliorée".

* Les autorités monétaires "n’oublieront pas les leçons des années 70", a-t-il assuré aux investisseurs.

* Nous nous demandons de quelle leçon il voulait parler. Pour autant que nous nous en souvenions, la leçon des années 70 disait que l’inflation monétaire ne fonctionne pas toujours. A un moment ou à un autre, ajouter de l’argent et du crédit devient contre-productif… Ensuite, au lieu de produire la croissance et la prospérité désirées, l’accroissement de l’inflation engendre la stagflation — la hausse des prix sans la croissance.

* Quand une telle chose se produit, le seul moyen d’y remédier consiste à faire intervenir quelqu’un comme Paul Volcker, qui cesse d’attendre que tout s’écroule : il donne un coup de pied dans la fourmilière… avec des taux d’intérêt dépassant les 15%.

* Confronté à ce qui semblait être un ralentissement comme celui des années 70, Bernanke s’est précipité dans la direction opposée — offrant des taux d’intérêt plus bas et plus de cash. Il espère éviter une récession… et qui sait : cette semaine, les nouvelles semblent montrer qu’il y est parvenu.

* Un gouverneur régional de la Fed a déclaré à la presse que, selon lui, il n’y aura pas de récession en 2008. Les journaux rapportent une résurgence de l’inflation des prix à la consommation.

* "L’inflation mondiale grimpe à des niveaux historiques", déclare un titre du International Herald Tribune. A Londres, officiellement, l’inflation atteint un sommet de sept mois. De l’autre côté du globe, au Japon, les niveaux d’inflation sont plus élevés qu’ils l’ont jamais été en 27 ans. Et partout dans le monde, les prix grimpent.

* Pas étonnant. Le taux directeur de la Fed n’est que de 3,5%. Quel que soit le taux réel de l’inflation des prix à la consommation, il dépasse à coup sûr les 3,5%. Peut-être 4,5%… peut-être bien plus haut.

* Et la politique de chèque en blanc du gouvernement américain aide aussi. Business Week rapporte :

* "Le déficit budgétaire fédéral augmente à un rythme deux fois plus rapide que le déséquilibre de l’an dernier au cours des quatre premiers mois de l’année fiscale. Dans sa revue mensuelle des finances gouvernementales, le département du Trésor US a annoncé mardi que le budget était en surplus en janvier, mais enregistre une perte totale de 87,7 milliards de dollars à ce jour, soit le double du déséquilibre de 42,2 milliards de dollars enregistré au cours de la même période en 2007. La nouvelle année fiscale a commencé le 1er octobre dernier".

* "L’administration Bush a soumis son dernier budget au Congrès US la semaine dernière, projetant que le déficit sur l’ensemble de 2008 atteindrait les 410 milliards de dollars, très proche, en termes de dollars, du sommet historique de 413 milliards de dollars enregistré en 2004".

* "A ce jour cette année, les dépenses fédérales ont augmenté de 8,3% par rapport à l’an dernier, à 949,1 milliards de dollars. C’est bien plus que l’augmentation de 3,2% des revenus, qui atteignent 861,4 milliards de dollars durant l’année fiscale actuelle"…

* "On espère que le plan de sauvetage permettra à l’économie d’éviter la récession — ou au moins de rendre le ralentissement moins sévère et moins long qu’il aurait pu l’être".

* Vous voyez combien cette nouvelle "politique monétaire [et budgétaire] améliorée" est merveilleusement sophistiquée, cher lecteur ? On soutient l’économie tout entière avec du crédit et de l’argent facile… et lorsque les choses commencent à vaciller, on met de nouvelles béquilles encore plus grosses.

* Nous ne savons pas quelle leçon Ben Bernanke a retenue des années 70. Celle dont nous nous souvenons, c’est qu’on ne peut pas soutenir une économie éternellement. Il faut lâcher prise à un moment ou à un autre, sinon, elle vous tombe sur la tête.

* Mais la gestion d’une banque centrale n’est pas une science. Au mieux, c’est un tiers de mauvaise théorie, un tiers d’art médiocre… et un tiers de sottise pure et simple.

** Un mot de notre collègue Chris Mayer :

* "La Chine a plus contribué à la croissance économique mondiale de 2007 que les Etats-Unis. C’est la première fois qu’un pays autre que les Etats-Unis tire la majeure partie du train économique planétaire depuis les années 30 au moins".

* Selon Buffett, il n’est pas très intelligent de vendre les Etats-Unis à découvert. Cependant, ça s’est révélé être un très bon investissement ces huit dernières années. Nous aurions tendance à penser que ça va le rester, d’une manière générale, pendant les huit prochaines.

* Les Etats-Unis sont une économie "à la General Motors" — ils perdent de l’argent tous les ans, avec des coûts élevés, des dettes astronomiques, des équipements obsolètes et une part de marché déclinante. Pourraient-ils renverser la situation ? Oui. Mais pas sans un bouleversement majeur — une guerre… une révolution… ou une faillite nationale.

* Chris nous transmet le conseil d’un autre ami : "sortez du dollar, apprenez le chinois à vos enfants, et achetez des matières premières, déclare Jim Rogers.

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