La Chronique Agora

La BCE réfléchit à la mise en oeuvre d’un mécanisme de limitation des spreads au sein de la Zone euro

▪ La semaine précédente a vu le CAC 40 culminer vers 3 525 points… le S&P500 renouer avec ses sommets de mai 2008 et le VIX atteindre un plancher de 13,5 durant quelques minutes mardi matin. Voilà autant d’exploits indiciels et techniques qui traduisaient un niveau de confiance des opérateurs qui n’avait plus été observé depuis l’été 2007 !

Une confiance un peu trop excessive qui a débouché sur une amorce de consolidation mercredi et jeudi (dans de très petits volumes) et vendredi matin. Mais la BCE veille au grain et elle n’a pas laissé les marchés aligner une troisième séance de baisse consécutive.

L’effet des dernières déclarations de Mario Draghi ou Ben Bernanke commençant à s’estomper, une source officielle — officiant dans l’entourage de la BCE — s’est chargée vendredi de ranimer la flamme haussière des marchés en toute fin d’après-midi.

▪ Une stratégie pour mettre la pression sur la Bundesbank et la chancelière
La BCE confirme presque ouvertement les rumeurs parues dans la presse allemande en début de semaine. Ce n’est donc pas un simple ballon d’essai destiné à tester l’approbation des marchés. Cela signifie que Mario Draghi et ses collègues réfléchissent bien à la mise en oeuvre d’un mécanisme de limitation des spreads (écarts de taux) au sein de la Zone euro.

Cette stratégie de communication semi-officieuse/semi-officielle a pour vertu de ne pas heurter frontalement la ligne politique germano-finlandaise. Rappelons que le gouvernement allemand avait aussitôt exprimé son opposition à une initiative sur les spreads de taux basés sur des rachats de dette. Mais cette technique de la BCE permet de mettre indirectement la pression sur la Bundesbank et la chancelière.

Le message implicite que distille Mario Draghi est facile à capter : « Voyez comme les marchés et les pays du sud retrouveraient leur sérénité si la BCE avait les mains libres pour racheter les dettes des pays en difficulté, sans limitation de montants ni deadline. »

Les marchés, tout comme la BCE, font le pari que l’Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas lèveront leur veto face au risque d’éclatement de la Zone euro.

Si tel n’est pas le cas, l’Eurozone éclatera. Nous entendons par là que ce processus ne se limitera pas à la sortie de la Grèce — déjà programmée mais sans cesse repoussée — pour trouver un moyen de gérer un retour à la drachme tout en évitant un phénomène de bank run qui risquerait de faire tâche d’huile en Espagne et également en Italie.

▪ L’Italie se dégrade de plus en plus dans un silence général
Les médias en parlent très peu de l’Italie ! De Mario Monti oui, mais de la réalité économique et sociale dans ce pays, très rarement.

Cela n’a guère d’importance puisque la BCE, Paris et Berlin encensent depuis 10 mois l’action du président du Conseil italien.

Nous recueillons dans le même temps beaucoup de témoignages qui soulignent la rapide dégradation de l’activité en Italie. Cette dernière est caractérisée par un plongeon des transactions immobilières, de l’investissement, une surmortalité des PME, une sinistralité record dans le commerce de détail — qui n’est pas sans rappeler ce qui se passait en Grèce dès 2010.

Et la hausse de la pression fiscale est qualifiée par certains assujettis (plutôt fortunés) de persécution — ce qui en fera sourire certains.

Le problème, c’est que les classes moyennes sont du même avis, et c’est dans ses rangs que se recrutent les bataillons de nouveaux chômeurs dont les médias font si peu de cas : pourvu que M. Monti soit couvert de louanges pour sa chasse aux fraudeurs !

Revenons-en au véritable héros de l’été boursier, Mario Draghi. Il pousse ses pions avec tout la subtilité et l’intelligence dont peut faire preuve un ancien de Goldman Sachs.

▪ L’Eurozone, déjà en mort clinique ?
Mais alors que de nombreuses solutions techniques semblent pouvoir sortir du chapeau de la BCE à tout moment, l’Europe se livre à un concours de lenteur.

La proposition d’Angela Merkel de plancher sur un nouveau traité européen ne ferait que rendre les discussions actuelles plus compliquées. Pourquoi accepter telle décision ou tel sacrifice aujourd’hui si l’Europe change les règles du jeu demain ?

Comme nous avons déjà eu l’occasion de souligner à maintes reprises, ce n’est pas le fait de savoir pratiquer le massage cardiaque, la respiration artificielle, de maîtriser le défibrillateur et la seringue d’adrénaline qui importe : c’est le moment où on l’applique sur le noyé ou l’asphyxié.

N’importe lequel de ces moyens — ou plusieurs utilisés en combinaison — peuvent sauver des vies… Mais tout est question de timing. Si le coeur a cessé de battre depuis plus de cinq minutes et que les lèvres sont bleues, le ou les secouristes ne ranimeront qu’un légume.

Rappelez-vous des formidables élans d’enthousiasme des marchés chaque fois que la rumeur a circulé concernant une mutualisation de la dette par des procédés plus ou moins alambiqués –et il y en a eu pour tous les goûts depuis trois ans !

A chaque fois, l’Allemagne et la Finlande ont bien flairé le piège des rachats de dette par la BCE — ou tout autre organisme sous sa supervision — qui faisait des pays du nord les cautions illimités des pays du sud.

Pourquoi les pays du nord changeraient-ils d’avis, surtout maintenant que cela ne sert pratiquement plus à rien compte tenu de l’état de délabrement économique de l’Espagne, du Portugal ou de l’Italie ? L’état de cette dernière largement passé sous silence, où les fameux excédents primaires ne sont pus qu’un lointain souvenir.

Et si la mutualisation des dettes constituait depuis le début la solution — comme un bon coup de respirateur artificiel — pourquoi avoir laissé l’Europe sombrer dans la récession et le chômage de masse jusqu’à dépasser le point de non retour ?

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