▪ Nous analysions hier les innovations introduites sur le marché par la Fed, aux Etats-Unis… qu’en est-il du reste du monde ?
En Europe, par exemple, qu’est-ce qu’un bon à 10 ans italien avec un rendement de 1,1% sinon une invitation aux problèmes ? Et qu’en est-il d’une obligation espagnole présentant le même rendement ? Ou une obligation allemande ultra-sûre avec un rendement de 0,2% ?
Il est impossible de savoir ce qui va se passer — exactement — mais quelqu’un va perdre de l’argent à cause des ces rendements obligataires ultra-bas. Ils sont contre nature. Effroyables. Et dangereux.
En Europe comme aux Etats-Unis, les prix à la consommation ont sévèrement augmenté ces 40 dernières années. Peut-être que cette tendance a pris fin. Si c’est le cas, les banques centrales restent discrètes sur le sujet. Leur forward guidance nous dit d’attendre 2% d’inflation par an. Si c’est bien le cas, les investisseurs dans toutes ces obligations souveraines européennes perdront leur argent.
Le risque n’est pas simplement de voir les prix à la consommation augmenter plus rapidement que le rendement rapportera des intérêts — c’est aussi que le payeur ne paiera pas. Les gouvernements européens sont lourdement endettés. Il est peu probable qu’ils soient un jour capable de rembourser de telles sommes — d’autant que la BCE facilite l’endettement. Dans le cadre de son dernier programme, elle achète quatre fois les nouvelles émissions obligataires de la Zone euro.
L’Europe a déjà les rendements obligataires les plus bas de ces 150 dernières années. Un tiers s’échange désormais à des rendements négatifs. A quoi sert de faire baisser les rendements plus encore… tout en faisant grimper le prix des obligations ?
A rien du tout… sinon à ce que la BCE puisse, avec un cynisme parfait, débarrasser ses banques membres d’une grande quantité de mauvaise dette — pour leur plus grand profit.
Et essayez d’imaginer le gouvernement européen qui se refusera à augmenter les dépenses de santé, ou les dépenses d’infrastructures, ou n’importe quelle sorte de dépenses, quand l’argent est quasiment gratuit !
La banque centrale de l’Europe finance, dans les faits, tous les déficits du continent |
La banque centrale de l’Europe finance, dans les faits, tous les déficits du continent — et toutes les illusions de ses peuples — sans rien demander en retour.
C’est d’ailleurs pour cette raison que Krugman, Summers et même notre ami Richard Duncan poussent les Etats-Unis à tirer parti de l’argent gratuit pour lancer un gigantesque programme de travaux publics — exactement comme ce que le Japon a fait ces 25 dernières années. Parce que l’argent est gratuit. La banque centrale le crée à partir de rien. Il est accompagné d’un coupon qui est, net d’inflation, à zéro ou moins de zéro. Et les autorités n’ont jamais à le rembourser.
Lorsque la banque centrale achète une obligation, dans les faits, elle annule la dette. Cette dernière n’est plus en jeu… plus "dans le marché". Les intérêts à payer sont nuls… et la banque centrale prolonge le principe, éternellement. En d’autres termes, les banques centrales font entièrement disparaître la dette.
▪ Et puisqu’on parle du Japon…
L’Empire du Soleil Levant a des années d’avance. Il a inventé le QE. Et les taux zéro. Désormais, il finance 100% de son déficit gouvernemental grâce au crédit facile des banques centrales. Cela fait des années que ça dure — ce n’est donc pas nouveau.
Mais les Japonais ont un autre atout dans leur manche. Non seulement ils soutiennent directement le marché obligataire… mais ils font la même chose avec le marché boursier. J’en ai la tête qui tourne, mais c’est vrai.
Lorsqu’il s’agit d’en faire trop, personne ne bat les Japonais |
Lorsqu’il s’agit d’en faire trop, personne ne bat les Japonais. Rappelez-vous la fin de la Deuxième Guerre mondiale : alors que le combat était clairement perdu, les pilotes japonais montèrent à bord de bombes volantes. Ces kamikazes s’envolaient dans le but de s’écraser, en une flamboyante explosion, sur le pont d’un porte-avion américain.
Aujourd’hui, ce sont les politiques monétaires japonaises qui semblent décidées à mourir. Chaque mois, la Banque du Japon (BoJ) ajoute 250 000 milliards de dollars de dette supplémentaire (en termes proportionnels à son économie) à son bilan. Cela a tué le marché obligataire japonais : le seul acheteur, désormais, c’est la BoJ.
Elle continue à fournir du crédit illimité, permettant au gouvernement japonais de s’endetter de plus en plus lourdement. Il a déjà le plus gros fardeau au monde — avec une dette gouvernementale égale à 240% du PIB. Même aux taux microscopiques actuels, plus de 40% des recettes fiscales japonaises actuelles sont consacrés au paiement des intérêts. Si les taux devaient revenir à la normale un jour, le service de la dette mobiliserait 100% des recettes fiscales.
Qu’est-ce que le Japon a obtenu en retour de tous ces déficits et ces dettes ? Rien du tout |
Qu’est-ce que le Japon a obtenu en retour de tous ces déficits et ces dettes ? Rien du tout. Son PIB stagne depuis 20 ans.
Il continue pourtant. Non seulement ça, mais il a trouvé un nouveau truc — plus d’explosifs à attacher à ses kamikazes financiers.
Oui, pourquoi s’arrêter aux obligations ? Pourquoi ne pas acheter aussi des actions ?
Il s’avère que la BoJ est acheteuse d’ETF japonais depuis 2010. Et en septembre 2014, la BoJ a acheté une quantité record d’actions par le biais de ce programme. Cela fait d’elle le plus grand détenteur d’actions japonaises au monde, avec 1,5% de la capitalisation nippone totale.
Vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre que la BoJ achète pendant les creux. Je doute que ce soit parce qu’elle suit les principes de l’investissement par la valeur. C’est probablement plutôt parce que la BoJ veut manipuler les prix des actions directement — exactement comme elle le fait avec les prix des obligations. Elle est intervenue sur le marché un jour sur trois depuis 2010, rapportait le Wall Street Journal.
A quoi est-ce que ça mène ?
A une flamboyante explosion !