La Chronique Agora

La bataille des retraites commence… et elle sera sanglante

La réforme des retraites n’est pas enterrée, loin de là ; elle sera même extrêmement dure, car toutes les solutions sont envisagées. Pourtant, on n’en entend guère parler ces derniers temps…

Le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié jeudi dernier dans la curieuse indifférence de la presse grand public, propose des solutions explosives pour rétablir l’équilibre dans des régimes obligatoires extrêmement déficitaires…

En particulier, le COR évoque la piste de la baisse des retraites. Mais, officiellement, le président ne réformera pas avant les présidentielles, qu’il espère bien gagner. Une bataille de communication s’engage pour faire sans le dire, et pour ne pas dire ce qu’on va faire.

Il est vrai que la bataille des retraites ne s’engage pas dans les meilleures conditions pour Emmanuel Macron. Tailler dans des acquis sociaux apporte rarement de la popularité. En période électorale, c’est un problème majeur, pour ne pas dire rédhibitoire.

Face aux dizaines de milliards d’euros de déficit que le régime général devrait cumuler dans les années à venir, l’inaction risque pourtant d’être de plus en plus difficile à tenir. Voilà un cocktail fort embarrassant pour un président qui paraît par ailleurs bien mal entouré sur les sujets techniques.

La bataille des retraites et la mauvaise fortune de Macron

Depuis plusieurs semaines, le président ne peut guère se targuer d’avoir de la chance dans la conduite de sa politique.

L’arrivée de Jean Castex se traduit par des couacs à répétition, des erreurs politiques qui tournent au tragi-comique et une évidente perte d’autorité qui oblige le président à récupérer les dossiers en direct. Il est vrai qu’il aime ça, mais tout de même !

La loi sur la sécurité globale en donne un exemple parfait. Les excès de comportement de Gérald Darmanin finissent de braquer des composantes de l’opinion qui seraient « calmes » si l’attitude du ministre de l’Intérieur était moins fier-à-bras. Ces erreurs d’évaluation conduisent à la polémique de « l’article 24 », qui n’aurait pourtant pas lieu d’être si les dossiers étaient expliqués autrement.

Sur la réforme des retraites, les couacs évidents entre Bruno Le Maire qui annonce une réforme coûte que coûte, Elisabeth Borne qui la refuse, et Jean Castex qui semble dépassé par la situation, constituent la pire des préparations qui se puissent imaginer. On ne peut rêver, pour l’opposition, meilleure façon d’enterrer un dossier que cette communication désordonnée.

Pour le président, qui marche sur des œufs à cause de la séquence électorale qui se prépare avec les régionales en 2021 – dont Xavier Bertrand, potentiel rival, pourrait sortir renforcé –, et la présidentielle en 2022 où sa réélection se joue, la situation est donc tendue et complexe à gérer.

La Commission européenne en embuscade

Pour sa propre crédibilité européenne, Macron ne peut se permettre de laisser filer la dépense pour les retraites sans réagir. Avec 13,7% du PIB consacré à ce poste, la France fait figure de mauvais élève européen.

Si ce pactole est financé par du déficit et de la dette dont les épargnants allemands sont, in fine, les garants, il sera très compliqué de ne pas entamer une réforme a minima.

C’est la façon la plus commode d’acheter la paix sociale avec ses voisins. Simplement, il faut trouver la solution au casse-tête : réformer sans mettre les Français dans la rue. Voilà une opération qui demande pas mal de finesse dans la conception et dans l’exécution. Sur ce dernier point, le jeune président n’a pas toujours brillé par son savoir-faire.

Récupérer les réserves de l’AGIRC-ARRCO

Pour régler ces questions épineuses, le Conseil d’orientation des retraites a discrètement soufflé une idée au président de la République : pourquoi ne pas récupérer les 65 Mds€ de réserves de l’AGIRC et de l’ARRCO ?

Il faut lire les hallucinantes considérations du COR (nous conseillons ici aux lecteurs de se référer aux passages de l’article que nous citons en lien) pour comprendre l’état de décomposition de l’intérêt général en France.

Les cadres du secteur privé sont en effet désignés comme les victimes expiatoires d’une mal-gouvernance qui mène le pays à la décadence. Les fonctionnaires, eux, garderont leurs économies…

Charité bien ordonnée…

Discrètement baisser le niveau des retraites

Parallèlement, le COR suggère une autre piste d’intérêt : dégrader sans stress la dépense retraites en France en ne revalorisant plus les pensions. En 10 ans, de blocage, cette stratégie permettrait grosso modo de baisser le niveau de vie des retraités de 10%.

L’avantage de cette technique est d’être relativement indolore ou, en tout cas, d’offrir peu de prises à une contestation virulente : quel salarié descendra dans la rue pour protester contre le blocage des retraites ?

Ce projet confirme ce que nous avions annoncé depuis plusieurs semaines.

Bien mûrir sa stratégie patrimoniale

On l’a compris, les retraités devraient entrer dans l’œil du cyclone dans les prochaines semaines, mais de façon progressive et pour ainsi dire insaisissable. Il ne faut pas perdre de temps pour autant. Il faut d’ores et déjà bâtir sa stratégie patrimoniale pour éviter une déconfiture complète d’ici à 2030. Et ça commence tout de suite.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile