Barnier redoute un risque de « chaos ». Qu’il ouvre les yeux, on y est déjà depuis le 9 juin.
Michel Barnier, dans son interview sur TF1 mardi soir, a actionné tous les leviers de la peur. Et comme pour le COVID il y a 4 ans, il y a quelques « faits » qui tiennent la route (les marchés nous surveillent et deviennent nerveux) et beaucoup de fake, d’affirmations dénuées de fondement et de mensonges par omission.
En d’autres termes, Macron a tout changé (avec la dissolution) pour que rien ne change avec Barnier, eurofédéraliste et « OTANien » convaincu tout comme lui, et surtout pas la manipulation de l’opinion, le gouvernement par la peur, en mode : « Acceptez ce qu’on vous impose ou ce sera le chaos, des morts par millions, des rivières de sang, tous les nouveaux nés périront, etc. »
Commençons par le « vrai », avec « la France emprunte désormais ‘plus cher’ que la Grèce ». Le 10 ans grec se traite au même niveau que nos OAT, autour de 3,0200%, tandis que le 5 ans évolue vers 2,42% et que notre équivalent affiche 2,61% (presque 20 points en faveur des bons du Trésor helléniques).
La seconde affirmation – « des turbulences graves pourraient affecter les marchés » – est également vraie, mais il enfonce une porte ouverte, puisque c’est une évidence au quotidien depuis le 9 juin dernier.
La sous-performance des valeurs françaises par rapport aux indices US devient abyssale : le CAC 40 affiche -5,5% depuis le 1er janvier (contre +26% pour le S&P 500) et depuis les législatives européennes, le CAC 40 fait une performance de -12%, contre +13% pour le S&P.
Et sur l’obligataire (on y revient), nos OAT voient leur spread s’élargir de +78 à +88 points de base face au Bund allemand en une semaine, contre 45 à 50 points de base avec la dissolution.
Passons maintenant au fake et autres fariboles (pour rester correct)…
Le blocage des finances publiques et le risque de shutdown (plus d’argent pour payer les fonctionnaires) est un mensonge pur et simple. Il n’y aura pas de shutdown, ni total, ni partiel… Bercy ne peut en aucun cas cesser de payer les agents de la fonction publique.
Ce que Barnier ne dit pas, c’est que si son gouvernement tombe et que le PLF 2025 n’est pas adopté par 49.3, c’est le budget 2024 qui serait reconduit en l’état, tel que le prévoit notre Constitution.
Les taxes supplémentaires et les coups de rabot sur les niches fiscales prévues pour 2025 (notamment la réduction des primes pour l’achat d’un véhicule électrique qui tombe au plus mauvais moment) ne passeraient pas.
Et l’Etat devrait faire, pour de bon, des économies sur son budget de fonctionnement, c’est-à-dire « dégraisser le mammouth »… et peut-être s’attaquer enfin au millefeuille des strates administratives, aux comités Théodule qui coûtent des milliards et ne produisent que de vagues rapports qui restent lettre morte, dont le contenu n’est souvent pas accessible au grand public qui les a financés (un vrai scandale)… et donc au bout du compte, licencier des fonctionnaires.
Ce qu’il ne dit pas non plus, c’est à quel point la France va mal depuis 2017 et à quelle vitesse elle s’enfonce dans le déclassement : le budget 2025 qu’il défend ne fera que l’y précipiter davantage. Ce ne sont pas moins de 250 plans sociaux qui seraient à l’étude pour fin 2024 ou 2025, avec un enjeu portant sur quelques 200 000 emplois. Ce sont cette fois de grosses entreprises cotées, à l’image de Stellantis au Royaume-Uni, Michelin puis Valéo, Arcelor-Mittal, puis Teleperformances, Casino, etc.
Le PIB par habitant a régressé au 26e rang mondial (c’est également la triste place de notre pays dans le classement PISA) : il est désormais inférieur de 15% à celui de l’Allemagne et de 46% à celui des Etats-Unis (alors que nous étions à égalité en l’an 2000, il faudrait un rebond de 85% pour « égaliser »).
Le pouvoir d’achat est lourdement plombé en France par l’envol des prix de l’électricité, des loyers ou des mensualités de crédit : se loger n’a jamais été aussi difficile depuis la période de l’après-seconde guerre mondiale (difficile d’agrandir une famille sans pouvoir rajouter une chambre). Notre président n’a eu de cesse d’euthanasier le secteur immobilier depuis 2017 au nom de sa transition vers la « start-up nation ».
Pas étonnant que le moral des Français plonge de -3 points en novembre et que leur propension à consommer retombe au niveau de la crise de l’euro en 2011/2012 : il y a désormais 20% de Français à découvert tous les mois, et 47% au moins une fois par an.
Et pour ceux qui sont au-dessus du seuil de pauvreté (et des problèmes financiers), le mot d’ordre en prévision de 2025/2026 est « épargner, épargner, épargner ».
Et si le gouvernement Barnier tombe, si Standard & Poor’s abaisse notre notation vendredi, ce ne sont clairement ni les OAT ni la Bourse de Paris qui fourniront le bon refuge pour mettre à l’abri ses économies.