▪ Nous voici parvenus à 100 jours du coup d’envoi des Jeux olympiques qui sera donné par la Reine Elisabeth II le 27 juillet. La plupart des gérants et spécialistes des marchés financiers s’accordent à penser que cette période d’un peu plus de trois mois va s’avérer… sportive !
Il se trouve le Royaume-Uni a largement contribué à alimenter le fil des dépêches ce mercredi. Mais les informations en provenance d’outre-Manche ont été largement éclipsées par celles — jugées alarmantes à juste titre — en provenance des pays riverains de la Méditerranée.
Avant d’y revenir — sachant que vous êtes certainement bien informé des déboires de l’Espagne et de l’Italie — il nous paraît intéressant de revenir sur la publication du compte-rendu de la dernière réunion de la Bank of England. Les membres de cette vénérable institution se disent moins enclins à faire tourner la planche à billets ces prochains mois.
▪ Les J.-O pourraient-ils sauver le Royaume-Uni ?
Le programme de rachat de dettes libellées en livres sterling devrait être allégé (et peut-être suspendu, sait-on jamais ?), dans l’espoir que les Jeux olympiques dopent l’activité et génèrent des retombées positives pour l’économie britannique.
C’est en tous cas la conviction de David Cameron qui voit grand et propose une rallonge de 100 millions de livres pour que les festivités (et le spectacle inaugural) n’aient rien à envier aux Jeux de Pékin.
David Cameron admet également que le budget de la sécurité avant, pendant et après les J.-O, devra être revu à la hausse — il devrait atteindre l’équivalent de 700 millions d’euros.
L’Angleterre va devoir se fendre d’une nouvelle rallonge budgétaire, mais il serait déshonorant de donner au monde l’impression d’Olympiades au rabais !
▪ L’Italie et l’Espagne plombent la Zone euro
Cette séance de mercredi a donc été marquée par une brusque remontée de la livre sterling face au dollar (0,6% à 1,62) et à l’euro (0,7%). Cette hausse est toutefois passée relativement inaperçue tant les regards restaient braqués sur la parité euro/dollar après l’annonce d’une révision à la baisse des prévisions de croissance de l’Italie mercredi matin.
Mario Monti repousse également l’objectif d’un retour à l’équilibre budgétaire au-delà de fin 2013. Il est plus facile de jeter une série de réformes fiscales et structurelles en pâture aux marchés que de les faire voter par le Parlement puis les faire appliquer dans une économie en récession.
Comme si cette désillusion ne suffisait pas, les marchés se sont retrouvés confrontés simultanément à une autre réalité encore plus angoissante : les banques espagnoles revoient à la hausse le montant de leurs créances douteuses.
Elles représenteraient plus de 8% des encours — un record depuis la crise immobilière de 1994, qui n’avait épargné ni la France ni l’Angleterre.
Les marchés estiment par ailleurs que les pertes potentielles sur les crédits hypothécaires sont probablement deux fois plus élevées que les estimations officielles.
Les banques espagnoles se sont en effet abstenues de liquider leurs stocks de logements saisis (et parfois même non achevés par les promoteurs) pour éviter l’effondrement du marché, et donc le passage de provisions bien plus considérables.
En cas de délestage massif des actifs immobiliers qui bénéficient actuellement d’une faible décote de 10%, les prix pourraient reculer de 25% à 30% supplémentaires.
Un engrenage infernal que le Japon a bien connu dans les années 90… sauf que le pays connaissait (et connaît toujours) une situation de pénurie de mètres carrés, alors que l’Espagne en aurait plusieurs dizaines de millions en excédent ; le chiffre est certainement assez proche de 100 millions !
▪ Une solution qui pourrait coûter cher à l’Espagne
La seule solution pour éviter un krach immobilier consiste à recapitaliser les banques mais aussi les régions autonomes espagnoles : qui va faire le chèque ?
Pour ne rien arranger, depuis l’automne dernier, les créanciers étrangers réduisent régulièrement leur exposition à la dette espagnole. Les taux longs flirtaient avec les 5,9% ce mercredi. Ce sont les banques ibériques qui ramassent le papier et elles ne le font que parce qu’elles bénéficient du soutien jusqu’à présent sans faille de la BCE
Dès que la BCE fait savoir qu’elle suspend ses programmes de rachat de dette, la spéculation ne tarde pas à remettre la pression. L’émission espagnole de ce jeudi va donc constituer un test important, voire décisif. C’est aussi l’occasion pour « Super Mario » (Draghi) de faire honneur à son surnom en s’imposant comme un sauveur des marchés financiers… à la Ben Bernanke.
Signe imparable de la montée en flèche des inquiétudes, les bons du Trésor à deux ans émis en Allemagne mercredi matin affichaient un rendement record de 0,14%. Il s’agit là du plus faible taux jamais observé sur cette échéance. La sécurité offerte par les Bunds semble décidément ne pas avoir de prix.
▪ Une dernière danse pour la BCE ?
Symétriquement, les indices boursiers ont replongé en quelques heures : à Paris, le CAC 40 affichait -2% vers 15h, ce qui effaçait les 70% des gains de la veille… Le sursaut survenu entre 15h30 et 17h — grâce au repli symbolique de Wall Street au cours de la première heure de cotations — a fait long feu.
Les vendeurs ont repris la main pour ne plus la lâcher jusqu’à 17h30, alors que la Bourse de Madrid perdait complètement pied (-4% et -17,3% sur l’année en cours).
Le CAC 40 qui rechutait de 1,6% s’est maintenu in extremis au-dessus des 3 240 points. Nous sommes là à un niveau bien éloigné des 3 290 points testés en début de séance. Les opérateurs avaient manifestement les yeux rivés sur les issues de secours et nombre d’entre eux avaient déjà un pied dans l’entrebâillement au moment du fixing de clôture.
La salle de bal du premier trimestre s’est déjà vidée de la moitié de ses occupants. Si les musiciens (les banques centrales) font mine de remballer leurs instruments (monétaires), ça va être la ruée vers les vestiaires et les derniers taxis !
Oui, cette joyeuse fête boursière du 20 décembre au 20 mars s’achève comme tant de soirées privées. Ceux qui n’avaient pas de carton ont été prévenus sur le tard par coup de fil ou par SMS mais ils sont restés bloqués par les vigiles derrière le cordon rouge, sous prétexte que la salle était bondée.
Lorsque les cerbères ont commencé à laisser rentrer les quelques courageux qui avaient fait le pied de grue entre minuit et trois heures du matin, c’est que les derniers petits fours avaient été engloutis tandis que les barmen commençaient à remballer les bouteilles — de toute façon, il n’y avait plus aucune flûte à champagne propre.
En ce qui concerne la musique, nous verrons bien ce jeudi soir si la BCE se fend d’une dernière valse !